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Live report
30/10/2023

Ündes

Premier show live | sortie de résidence @ La Nef (Angoulême, 16) - 27/10/2023

Genre : mongol metal
Photographie live : Ardonau
Posté par : Emmanuël Hennequin

Ils se sont donné rendez-vous à La Nef (Angoulême, 16) pour une "résidence" : plusieurs jours à répéter et préparer le spectacle en salle. Conditions live, conditions de scène réelles. Travailler le son, réfléchir à la disposition de scène : un baptême du feu.

La résidence se déroule sur cette semaine du 23 octobre 2023, plusieurs jours à vivre ensemble pour les quatre hommes. Une phase à l’issue de laquelle il est de coutume, pour les hôtes, de présenter l’état de l’art au public. Ceux qui viendront vendredi assisteront alors à la toute première, l’acte public de naissance des choses, jusqu’ici en gestation dans le secret du studio. Ündes, projet mongol metal fondé par les "hommes du sérail" Alexis Charrier (guitare huit cordes - Essouna) et Mat Gazeau (batterie - Mars Red Sky, Epiq) et de l'autre côté les autres, ceux qui viennent de plus loin, à savoir les hommes de la Mongolie – installés en France et tous deux passés par l'exigeant Argusan Band – Mandakhjargal Daanrusen (désert de Gobi) et Nemekhbayar Yadmaa (Altaï, ancien musicien de l’Orchestre Symphonique d’Oulan-Bator). De Mandakhjargal tout est parti, lors d’une discussion téléphonique avec Alexis.

Première surprise, l’affluence : alors que le groupe n’espère pas forcément attirer au-delà des proches et curieux, la salle les informe dans les heures qui précèdent la performance d’un nombre inhabituel de coups de fils reçus à la salle. Les curieux semblent plus nombreux que prévu... Le soir, à 19h15, heure de début du show, la jauge atteinte est deux fois plus importante que ce qu’espérait Ündes à son maximum : plus de 200 (!) personnes se sont en effet déplacées pour assister à ce tout premier concert, au cours duquel le groupe s’emploie avec maîtrise et vigueur à détailler le propos. Et le son est à la hauteur.

C’est la seconde surprise. Ündes développe tout sauf un metal générique : les reliefs ethniques et la vibration traditionnelle et folklorique du son du quatuor sont bien plus prononcés que chez un groupe aujourd’hui exposé et visuellement démonstratif tel que The Hu : la place prise dans les reliefs d’Ündes par les deux morin khuurs (violons traditionnels à tête de cheval joués assis, posés sur les cuisses et inclinés) et le chant diphonique assuré par Mandakhjargal et Nemekhbayar, donne à l'ensemble une saveur spécifique. Alexis Charrier, en poste aux guitares, est physiquement présent mais reste la majeure partie du temps à l’arrière des deux hommes issus des cursus traditionnels et classiques de la Mongolie. Le guitariste ponctue parfois d’un chant complémentaire les blocs percussifs et Alexis et MatGaz, solidement arrimé à sa batterie, échangent de temps à autre ces regards discrets mais qui en disent long. Ils l’ont attendu ce moment, eux qui se connaissent depuis le jeune âge mais dont cette scène est la première du genre pour eux : celle d’où naissent - ou non - des perspectives à partir de la première réaction d’un auditoire au son.


Visuellement, le spectacle est attrayant quoiqu’embryonnaire : c’est l’état brut de l’art qui est présenté ce 27 octobre. Les choses dans l'ordre : le groupe, pour sa première, s’est concentré par priorité sur la musicalité. Elle est à la fois spectaculaire, brute dans son rendu et sophistiquée dans son approche. Elle affiche une ambition et l’énergie déployée par le groupe passe d’abord, ce soir, par son attitude. Implication totale. Les hommes aux morin khuurs occupent le centre de la scène. La scénographie est – pour l’heure ! mais vous ne perdrez peut-être rien pour attendre… – minimale. Elle a ses avantages : une solennité se dégage de la posture tout du long assise des deux Mongoles, de ces yeux qui se ferment ou s’écarquillent au gré du travail et de l’articulation du chant. Chant diphonique : l’une des armes d’Ündes, technique permettant à la voix d’exprimer double résonance, comprenez deux fréquences issues d’un même corps en simultané. Essayez chez vous, et voyez à quel point ça vient de loin.


Le groupe réfléchit déjà à augmenter visuellement un spectacle qui, dans sa forme première, en impose déjà. Puissance en même temps qu’étrangeté, force d’attraction. La réaction de l’applaudimètre aux propositions musicales d’Ündes n’a guère laissé de place au doute : le quatuor déploie un son authentique et surtout, original. L’option de la guitare 8 cordes fait remplir l’espace à Alexis Charrier, dont la technicité génère un flux saturé, complet et suffisamment chargé en basses pour tapisser le mur de son, sans qu’il dépasse forcément le reste. La frappe de MatGaz, elle, est sèche et dynamique : un groove sévère et à l’influx chevaleresque, mais qui ne donne pas dans une approche académique ou classiquement metal. Certes, le background est dans le beat, mais vous n’avez pas l’impression, à l’écoute des morceaux joués live ce soir du 27, d’assister à un show qui se voudrait ancré dans le metal et auquel les voix diphoniques et morin khuurs apporteraient une caution traditionnelle. Non : la démarche est intégrée, développe un lyrisme propre. Exotisme, au sens le plus noble du terme.


Sur le titre final, les hommes de la Mongolie se mettent le public dans la poche (masse figée dans la salle, franchise et chaleur des applaudissements au bout de chaque course) au point de le faire chanter (après une ou deux indications méthodologiques). L'auditoire répondra présent au moment ou, en guise de final, le groupe revient rejouer "Light up the Sky".

Au sortir du concert, le public restera dans l’espace bar et aux alentours de la salle à discuter et exprimer sa curiosité aux musiciens et autres responsables de la soirée. Curiosité : fruit trésor issu de quarante minutes d’un style en émergence, atypique et... filmique : Ündes vous transporte vers des paysages contrastés et une épopée qu’il vous reste, qu’il leur reste encore, et espérons-le pour longtemps, à imaginer et à enfanter. Doigts, cordes vocales : leur magie, racines entrecroisées, mystères de leur convergence. 

Setlist 27/10/2023
  • Genghis Kahn
  • Light up the Sky
  • Biysanaa
  • Almas
  • Om manni padme um
  • Ündes
  • 5/4
  • Meeneg