Petit keupon corbeau de treize ans, je l'avais découvert via la compilation Mon Grand-Frère Est Un Rocker, en 1987. À peu près à la même époque circulait l'anecdote de la prestation des Garçons Bouchers à la Fête de l'Humanité, jouant trois fois de suite "La Bière".
J'aimais beaucoup la noirceur oï du premier album des Garçons Bouchers (1987), dont j'attends toujours une réédition vinyle. J'avais adoré la cold-punk de "Chambre froide" sur Tome 2 (1988).
C'est avec Pigalle, l'album Rire Et Pleurer (1993), que je découvrais complètement le parolier. C'est pour moi son chef d'œuvre, toutes formations confondues. C'est un disque que je me passe régulièrement, pleurant comme un couillon face à l'usage si vain du monde, aux révolutions ratées et aux histoires d'amour mortes. L'un des titres, "L'Amour forain", avait sublimé le film … À la Campagne (1994) de Manuel Poirier, pour une scène de danse solitaire et d'abus de boisson de toute beauté. Ses textes firent d'ailleurs l'objet d'un recueil, Mots De Gorge, chez Christian Pirot (2002).
Par lui, toujours, je m'enthousiasmais comme d'autres pour Edith Piaf et la môme Fréhel (Ma Grand-Mère Est Une Rockeuse, 1992). Lui prolongeait son apprentissage des instruments folkloriques, assurant la transition entre les hippies à la Malicorne et les esthètes ethnologues militants des années 2000 (salut Pierre Rouch !).
Il y a eu aussi sa participation à des films, dont l'étrange Dellamorte Dellamore (1994), ou encore le fabuleux La Cité Des Enfants Perdus (1995)...
Par son label Boucherie Productions, hors des circuits traditionnels du rock alternatif, nous avions eu Les Tétines Noires, Y Front, Les Elles, 10 Petits Indiens, La Mano Negra, Near Death Experience et Hoax (entre autres). Il mit en place un fanzine promotionnel sympathique pour soutenir cette scène, L'Echo Des Côtelettes. Il savait être drôle.
Plus tard, il joua sur les textes de Roland Topor (1996), se mit à la culture de la vigne et il fit des albums pour enfants dont Ma Tata, Mon Pingouin, Gérard Et Les Autres (2011), et par chance, mes garçons les aimèrent. Je m'amusais de son pastiche "Dans la Salle de la Cantine de la Rue des Martine". Ce fut alors l'occasion de les emmener voir "Pouet", comme ils le surnommèrent, en concert à Foix en 2017. Là, en fin de spectacle, je lui fis dédicacer le premier disque de Los Carayos. J'avais alors quarante-quatre ans et trente-et-une années passées à côtoyer ses univers. Nous avions échangé quelques mots, il m'avait dessiné un autoportrait au feutre sur la pochette du vinyle.
Triste de te voir disparâitre si tôt, ô guide artiste.
