Profitons de la sortie du clip de "Mister Q" pour présenter le projet Helena And The Vice. Helena Patricio, Sotho Houle, Jason Mache se sont trouvés tous les trois au Château H. Sorties, discussions, échanges, envies. Lorsqu'un collectif ou une communauté se rapproche, les projets se multiplient et il est un peu tôt pour aborder toutes les formes prises, des happenings au duo des chiens, en passant par les éléments plus informels. Ce sont choses pour les happy-few.
Plus consistant est Helena And The Vice. Un projet travaillé dans l'ombre depuis un an et qui se déploie désormais. C'est le surgissement, lié en partie à la personnalité plus "devant de scène" d'Helena. Chanteuse et présence.
La programmation de soirées horrifiques et décalées au Château H (Saint-Julia en Haute-Garonne) a donné de l'élan. Pourquoi ne pas faire à trois ? Trois, comme cette Trilogie du Vice de Sergio Martino, une des signatures du mouvement cinématographique giallo. Il s'agit alors d'incarner une présence-absence. Une femme désirable, mais avec quelque chose qui cloche, une attirance-répulsion, une sorte de rêve psychanalytiquement vicié. Compliqué ? Non, il est juste question d'érotisme et du jeu de l'assomption.
Le clip réalisé par Adèle Cartier et Nicolas Pereira met ainsi en scène une apparition. La femme fantôme déambule avant que la musique ne s'installe. Son pas est mal assurée, son regard non adressé, se perd dans un vide qui semble douloureux. Les couleurs du maquillage renvoient à la déchéance (des vert et rouge marécageux mis en place par Madame de Maison Chardon), alors même que les traits sont jolis. Les décors seventies sont kitsch, aussi bien que dans le clip de "Charlotte Sometimes", les voix et les expressions se font maniérées. Surgissent dans un sourire des dents sales, rougies. Le noir et blanc crée une frontière entre le rêve et l'évocation, le clip passant de l'un à l'autre, tourbillonnant. La musique vaporeuse (composée par Carlyle Erving, qui n’y est plus, et Sotho), prend du corps petit à petit, électrisant ce qui n'aurait peut-être pas dû l'être. Fiancée d'une créature de Frankenstein, Helena s'efface de nouveau à la toute fin.
C'est une mise en scène autant qu'un groupe : il s'agit de faire références, de convoquer des élans passés. Un trip sur les stars du vieil Hollywood, mais plus du côté de la réalisatrice Maya Deren que de la Paramount. Une beauté déchue, une face cachée, ce qui innervait aussi une partie du cinéma de Lynch. Maladie, angoisses, retour au réel, dissociation.
En concert le 10 octobre au Dada de Toulouse, la musique est claire autant que brumeuse. Des réflexes americana, un clavier spectral, des percussions anémiques qui donnent pourtant une profondeur. Mais pas de couplets-refrains, une musique évolutive, piégeuse comme la toile d'une vilaine veuve noire...
La suite des aventures sera livrée sur leurs espaces, l'album est en phase d'enregistrement et de mixage, sous la supervision de Kris Banel (Not Scientists, Johnny Mafia, Slaughter And The Dogs), au Château H (où Wild Women And The Savages avaient auparavant enregistré) : en effet quoi de mieux qu'un lieu clos pour conjuguer l'isolement à la Cluedo et le charme ? Huit morceaux, six déjà prêts. Espérons que tout ça ne finisse pas en meurtre avant la sortie au printemps 2026...