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Littérature
06/12/2019

Arno Calleja

Un Titre Simple

Editeur : Editions Vanloo - collection V20
Genre : poésie contemporaine
Année de sortie : 2019
Posté par : Sylvaïn Nicolino

"Extirper une chose simple du grand bordel majuscule et la voir d'un regard qui la rend belle et l'additionner à d'autres anciennes choses belles extirpées et vues et regardées et gardées en résultat. On ne peut pas s'en empêcher."

La beauté est chose singulière et chez Arno Calleja, elle se doit d'être absurde et crasseuse. Par scénettes et listes, par réflexions en prise de notes et poèmes orphelins, il trame dans ce Un Titre Simple, une position au monde pour le moins équilibriste. Les étoiles et les neurones ne cessent de s'entrechoquer, l'absence de censure pousse à la parlotte avec soi, le rouge et le blanc de la couverture accueillent les lettres-mots-phrases. Dans la bouche réside la maladie, la maladie ce sont ces mots jetés sur les pages, lesquelles sont subventionnées par l'Etat. Ainsi, sous nos yeux, le malade s'ausculte lui-même et rend compte, il joue des rôles, homme et femme en alternance, s'observe en blouse blanche, accumule les visions et récits horrifiques ("j'aime un repas où chaque aliment a encore ses cheveux") de façon à attaquer la vie par derrière, comme le paysan le fait avec son lapin. Reste à trouver le bon outil.

"la coule des pensées, blanches et rouges, la forêt, j'avance au balancement du pas dans les feuilles entre le coulement rouge et blanc des pensées, le miel derrière les yeux,"

Alors, ça patine, ça erre, l'écriture, languide, tient à distance l'émotionnel, joue à le charcuter par petits bouts. Un peu trop de provocations faciles ("bite" et "chatte" dont celle de la femme du Christ) malmenées par des vraies trouvailles (l'étron de 33 ans de faussetés...) interrogent nos blocages et rejets (les journées alcoolisées et les sommeils de trois heures) tout en posant des véritables belles choses, presque au hasard de ce qui, amoncelé, forme un Journal, puisque c'est le sous-titre de ce livre. Ainsi, on conseille ce récit de l'homme-bête dans une maison isolée qui conjure le chagrin de l'amour, on s'amuse avec ce rêve montrant la Neneh Cherry de 1989 perdue à Forcalquier. On sourit aux regards empathiques posés sur ces migrants, ces clochards, ces gens de peu, coupés des autres et du monde qui va trop vite, occupés à survivre. On note la force des dialogues imaginés – ou pas – sur le vif, avec une psychologue ou à la terrasse d'un café sur l'écriture et la jouissance dominatrice. C'est tout un monde qui gît, comme éventré, à nu.

"En général on s'en tient aux règles. Il y a beaucoup d'exemples qui vont dans ce sens. C'est le sens des règles communes. Là-dessus, il n'y a pas grand-chose à dire."