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Album
11/01/2022

Chiron

The Sun Goes Down

Label : Dark Vinyl
Genre : darkwave / electro / coldwave
Date de sortie : 2022/01/21
Note : 80%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Lorsque sur "Surrender" la voix de Michael Aliani (ex-Ikon, Colours Of Silence) émerge des basses lentes et flots de synthèse, le souvenir d’un âge d’or remonte à la surface. Temps des premiers albums d’Ikon : la voix d’Aliani nous semblait alors inséparable des élégances à guitares du groupe post-punk / goth rock / darkwave australien. La suite nous a démentis, à notre grand regret, mais Aliani s’est forgé un espace en propre avec – entre autres – Chiron, dont les précédents opus, depuis sa naissance en 1997, nous avaient convaincus diversement. La première parution, Eve, remonte à 1999. Et pour tout dire : la mue de Michael vers les environnements plus synthétiques nous a parfois laissé avec plus de circonspection qu’autre chose, sans que puisse en quoi que ce soit lui être déniée légitime aspiration au changement. Nous n’y retrouvions toujours pas la tension espérée, ce niveau d’émotion qu’avait provoquée en particulier cet album phare d’Ikon, In The Shadow Of The Angel (1994). Fichue nostalgie, empêcheuse de jouir. Mais Chiron a eu le mérite d’exister, et surtout, persiste dans sa voie. Et à l’écoute de The Sun Goes Down, nous en sommes sûrs désormais : raison était de son côté. Aliani a évolué dans son registre, conservant cette gravité de timbre à laquelle nous sommes si attachés mais ouvrant la palette vers des registres plus medium, évasifs au besoin. Une palette intéressante, et surtout, traduisant un ressenti sans outrances. Ondulation pénétrante, vibration existentielle.

Reste tout de même quelque chose d'Ikon que nous retrouvons ici, une histoire de configuration : Dino Molinaro, membre historique du groupe australien au même titre qu'Aliani, retourne au bercail et participe à la création du nouvel environnement : de sobres cordes (violoncelle) et de ces basses profondes et linéaires que nous aimons tant. Les froides gravités d’un certain post-punk, celui des nineties, renaîtront peut-être le temps d’un "Torn". Vous verrez. C’est le final, juste avant le remix de "Darker Days" par Jean-Marc Ledderman. Aliani, Molinaro : destins croisés, une histoire qui se tisse.

Sur The Sun Goes Down, Chiron passe un cap. Si nous restons moyennement friands de ses (quelques) démonstrations synthétiques et dansantes ("Rage", dont l’envoûtante tonalité sombre fait néanmoins son effet), nous aimons ce son de synthèse lorsqu’il creuse une exploration cosmique ("Darker Days", très beau). Le projet gagne alors une épaisseur quand, au fil de cette collection de choses, s’exprime une authentique ambition de la création d’ambiances. Le saxophone de Leanne Coe, quoiqu’il ne monopolise pas les espaces, zèbre leurs froideurs et joue un rôle important dans le sound design et l’atmosphère générale. Pas une vraie nouveauté, mais une essence revenue : les vents ont fait partie de l’histoire de Chiron, dès ses premières apparitions sur scène en 1997. Leanne prend donc place dans l’univers, et pour longtemps espérons-le (certaines photos la font se poster au côté d’Aliani) quoique l'histoire du projet de Michael ait été marquée par un certain mouvement en interne. Mais si le chanteur supposé diriger artistiquement, une âme collective peut être perçue à travers ces corps de son. Sur "Let us begin", les quelques apports et les basses profondes de Molinaro font merveille et créent un décorum anxiogène, où la voix d’Aliani retient sa théâtralité. Où vous réaliserez leur potentiel, où ils le réalisent une nouvelle fois peut-être eux-mêmes. Où ils tuent le temps, ou quelque chose a disparu de l’univers. La solitude, d’ailleurs, est un état qui imprime le fond de ces exposés. Aliani, vibration grave : "Just killing time". Plus tard, sur le sinueux "Frantic", ils renouvellent l’exploit climatique de "Let us begin".

The Sun Goes Down signe un moment signifiant dans l’histoire du projet : Chiron y concentre un style, ses possibles s’égrènent en cohérence et c’est peut-être le premier de ses travaux, parmi ceux que nous connaissons, auxquels nous reconnaîtrions une pleine force identitaire. Son premier vrai climax.

Tracklist
  • 01. Surrender
  • 02. Rage
  • 03. Sadly
  • 04. Darker Days
  • 05. Let us begin
  • 06. Deep inside
  • 07. Frantic
  • 08. Forsaken
  • 09. Decline
  • 10. That Feeling
  • 11. Torn
  • 12. Darker Days (Jean-Marc Ledderman remix)