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Livre
21/05/2020

Christophe Siébert

Images De La Fin Du Monde : Chroniques De Mertvecgorod

Éditeur : Au Diable Vauvert
Genre : chroniques
Date de publication : 2020/03/19
Photographie : C. Siébert (portrait) © Fred Marquet
Posté par : Mäx Lachaud

Auteur que nous suivons depuis pas mal d'années, Christophe Siébert s'affirme ces derniers temps avec des récits de plus en plus ambitieux, qui lui ont valu notamment de signer chez Au Diable Vauvert pour Métaphysique De La Viande, lequel avait reçu le Prix Sade en 2019. Avec Images De La Fin Du Monde : Chroniques De Mertvecgorod, il nous propose ce qu'on pourrait appeler un recueil de nouvelles et de textes aux formes diverses et hétéroclites... mais ce n'est pas si simple que cela.

Tout d'abord, avec Mertvecgorod, il crée une République indépendante située à la frontière entre l'Ukraine et la Russie ; et en démarrant son récit en 2025 par un attentat sanglant, il inscrit clairement son livre dans une forme de science-fiction marquée par des influences qu'on a déjà ressenties dans ses récits antérieurs, que ce soit Lovecraft, Ballard ou Palahniuk. Mertvecgorod est la cité qui se trouve au centre de l'ouvrage, considérée comme la poubelle de l'Europe et spécialisée dans le recyclage de déchets internationaux. Les activités lucratives y sont le trafic d'organes, le tourisme sexuel et médical ou la pornographie la plus hardcore. L'émission télévisée la plus populaire est un reality show où le vainqueur gagne une opération de chirurgie esthétique filmée en direct. Inutile de dire que les vices et monstruosités ont gagné la population et le volume s'en fait le catalogue : adolescents fugueurs, mères tueuses, vieux pervers, prostitué(e)s, criminels, drogués, kidnappeurs d'enfants... Siébert conjugue ainsi gore, fantastique, anticipation et critique sociale pour un cocktail bouillonnant, tout en avouant s'être inspiré de la musique de Laibach ou Einstürzende Neubauten.

Au départ, le livre nous fait le portrait de Nikolaï le Svatoj, un personnage dépravé et fantasque à la tête d'un groupe paramilitaire terroriste constitué de douze moines-soldats. Haut de deux mètres, vêtu de noir et de runes, il collectionne les phallus et bénéficie de la réputation d'être monté comme un âne. Il cherche à renverser la République de Mertvecgorod qu'il considère comme corrompue et souhaite le retour au tsarisme. Mêlant danses et transes, ses entraînements sportifs incluent sacrifices d'animaux et partouzes. Son putsch aboutira-t-il ?

Qu'importe, car cette figure excessive, volontiers grotesque, laisse place à d'autres narrateurs et nous permet de faire des bonds dans le temps pour mieux comprendre ce royaume de l'ignominie où la surveillance est assurée par des drones meurtriers. Le sexe y est violent, un vrai zoo humain pathétique et une "foire aux atrocités". On se massacre pour divertir les millionnaires, on se fait payer pour gicler à la gueule de milliardaires grabataires hémiplégiques. Les animateurs télé sont exécutés, les violeurs vénérés et on s'y filme dans les immondices et dans la merde. On y observe la fin du monde en action et Siébert nous invite à participer, non sans humour, à cette orgie trash et aussi percutante que les chocs de bagnoles qui rythment les orgasmes de ses personnages.

Une "comédie humaine" déviante, où les faits divers s'énumèrent comme autant de virgules, à prendre surtout avec beaucoup de second degré. Car l'auteur s'amuse à créer son petit monde et on ressent souvent une certaine jubilation dans l'écriture, au final assez loin des récits plus désespérés et intimes qu'il avait pu produire par le passé. L'apocalypse peut être un spectacle tragicomique où la brutalité est tellement poussée qu'elle peut en devenir réjouissante. Et on peut aisément dire que Siébert ne va pas en finir aussi vite avec Mertvecgorod et que d'autres chroniques peuvent être anticipées.
Vous serez prévenus.