En voiture à deux sur la longue route qui nous sépare de Toulouse. Nous sommes dans les temps pour profiter de cette soirée de cloture du Festival de La Setmana Santa : un festival devenu une institution et qui propose des concerts, des films, des expositions et aussi des rencontres centrées sur les cultures gothiques au sens large et noble du terme.
Patatras ! Sur la bretelle qui nous permet de sortir du périphérique, un accident a eu lieu. Juste de la tôle froissée, heureusement pour les conducteurs, et on arrive à se faufiler derrière les pompiers pour rejoindre le bon axe. 20h10, arrivée au parking du Métronum.
Nouvelle épreuve : les vigiles ne veulent pas que nous entrions avec "le manger" ; nous nous retrouvons réduits à poser nos salades et sandwiches sur un plot à l'extérieur pour avaler tout ça en vitesse, tout en saluant les spectateurs qui entrent avec déjà le ventre plein.
On s'essuie le coin de la bouche - nous sommes civilisés - et nous entrons enfin.
Je ne savais pas à quoi m'attendre car Clan Of Xymox est l'un de ces vieux groupes ancrés en Deuxième Division (pas The Cure, Depeche Mode, Nick Cave ou même The Sisters Of Mercy) et que leur heure de gloire est datée des années 1990 (Medusa en 1986, Hidden Faces en 1997).
Mais Ronny Moorings est un gars sympathique, qui chante juste, et comme Clan Of Xymox s'apprécie aussi bien sur album qu'en live, autant venir les voir une troisième fois (pour ma part). La persévérance de l'artiste et la perspective de passer une bonne soirée nous ont poussés. Comme j'ai décroché depuis l'excellent Days Of Black (2017), j'ai quand même trois albums de retard.
Surprise : l'affluence est belle ! Il y a du monde ! L'équipe autour de Laurent Konstroy (initiateur de La Setmana Santa) a réussi son coup et peut enfin souffler après une série de soirées où il faut tout faire ; respirer après des problèmes logistiques d'avion ; respirer face à la concurrence de Gojira le mercredi et de Wardruna ce samedi dans la salle Horizons Pyrénées de Muret. Profitons donc de cette foule ! Un quart du public a moins de trente ans il est nécessaire de noter combien ce renouvellement est vivifiant. Ces nouveaux venus dans la communauté se sont habillés, maquillés, veulent montrer qu'ils font partie d'un mouvement. Cette vitalité sera peut-être source de nouveaux groupes, d'engagements créatifs et, là encore, de rencontres et de regards portés sur le monde.
Et nous les vieux, nous avons besoin de ces jeunes. Les retrouver (salut à vous, Quentin et Ambre !) sur d'anciennes références assure une transmission aussi bien qu'un relai. Ils apportent leurs manières, leur enthousiasme, leur analyse et leur passion, ces jeunes pousses qui cartonnent sur des réseaux dont nous ne faisons qu'effleurer la surface.
Du monde, oui, mais il manque selon les organisateurs une centaine de personnes pour faire salle comble (600 places, donc 500 ventes ce soir). C'est bien pour le public qui n'est pas trop serré tout en bénéficiant d'un vrai effet de foule, mais pour La Setmana Santa, cent places en moins, c'est un manque de 2000 €. Les chiffres sont importants car le risque financier pris à chaque édition est un défi réel.
C'est Darkways qui ouvre en première partie. Ils sont deux sur scène, lunettes noires, statiques derrière les micros, des projections sympathiques mais pas renversantes. Devant moi, un homme explique à son ami que ça rendait mieux dans une petite salle, avec une meilleure aura. Là, je m'ennuie un peu, pas grand chose à regarder et des sonorités plaisantes, mais déjà entendues.
Direction la salle des ventes. Le merchandising de Clan Of Xymox n'a qu'un trimple CD avec bonus de la dernière sortie, des badges et plusieurs modèles de T-shirt. L'organisation / association la Setmana Santa a son stand : affiches, discussions, T-shirts, aides en cas de souci car l'association s'engage pour créer des lieux safe à chaque soirée où chacun et chacune sera respecté(e). Et au fond, le super stand des disques de Mucho Bizarre : tarifs attractifs, très large choix entre vieilleries et nouveautés, marché de niches et artistes plus mainstream. La salle a offert le mobilier et même une platine pour passer des disques. Cela fait de cette annexe une vraie salle de discussions et d'échanges. Très bonne idée. Une friperie s'installe aussi parfois, m'indiquent Richard et Nathalie. On resterait des heures à échanger sur la culture vinyles, mais le concert est là.
Sur scène, Clan Of Xymox a changé. Il n'y a plus de femme : Mojca Zugna (bassiste et designer des pochettes) n'est plus là alors qu'elle est créditée sur Exodus et qu'elle était encore sur scène en octobre dernier. Ronny et Mario assurent le show, tandis que Sean et Daniel sont un peu plus coincés derrière leurs machines.
Sean a revêtu des gants laser vert et entre sur scène en envoyant des rayons sur le public. Sympa. Les basses sourdent et pulsent, lançant "Strangers". Belle entrée en matière ! Ronny est à l'aise, mélange anglais et français, un peu d'allemand parfois pour rigoler. La communication est présente entre chaque morceau, vantant les mérites du silence quand on accorde sa guitare, revenant sur sa maladie qui lui a fait craindre une annulation, mais l'eau minérale française a accompli des miracles. Puis, à chaque personnage féminin clé il nous demande si on a bien une Louise ou une Michelle dans la salle, s'interrogeant si ce ne serait pas plutôt des hommes (et concluant qu'on s'en fiche aujourd'hui du genre), annonçant cependant le sérieux de la chanson sur les exilés pendant que d'autres partent de chez eux pour aller en vacances, saluant d'un verre de vin le nouveau single "Blood of Christ".
Ces différents intermèdes sont riches : ils montrent le plaisir à être sur scène face à un public. Les essais de tessitures de voix nous ravissent (quelle belle voix quand elle part aussi dans les graves !). Et, donner du temps entre chaque titre permet de les mettre en valeur. La carrière de Clan Of Xymox a ainsi enchaîné les variations de style : alors que le premier album était singulier, recherché, le groupe a ensuite basculé sur des titres de rock gothique classique (le fabuleux "Jasmine and Rose" parfaitement joué ce soir), puis des morceaux plus tape à l'œil en mode darkwave. Mais ça fonctionne : les mélodies sont là, le chant est juste, l'envie de remuer le public aussi.
Derrière nous, un groupe de copains hurle, on se mêle à leurs hululements sur "A Day", captivés par la course folle d'une voiture de jeu-vidéo dans une ville nocturne. La qualité de travail sur les sons impressionne : alors que tant de groupes ont perdu leur matériel, devenu obsolète et illisible, Clan Of Xymox a sauvegardé les tonalités. Les vieux titres joués sonnent bien, y compris ce "Muscoviet Mosquito" qui me les avait fait découvrir au siècle dernier sur la compilation Lonely is an Eyesore du label 4AD. Les lumières et le son fonctionnent, les techniciens gardant l'œil pour ne pas monter au 100 décibels.
Le concert dure, on a de plus en plus chaud avec nos manteaux. On s'éloigne un peu, on prend des photos pour immortaliser le bon moment. Sourires aux lèvres et même la reprise ratée de "Michelle" ne nous perturbe pas plus que ça, le groupe finissant dans un fracas noisy très bien amené.
J'étais venu en touriste, mains dans les poches, mais en fin de compte, l'envie est là, après le concert de placer quelques mots.
Le groupe rejoint le stand de merchandising pour discuter et permettre des selfies. Nous partons après des félicitations et remerciements à Konstroy ; prochaine échéance pour lui avec Lydia Lunch et Marc Hurtado. Ils reprendront Suicide le 13 janvier 2026.
