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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
19/02/2024

Corpus Delicti

Crash & Run | "La musique, celle que l’on écoute ou celle que l’on fait, peut sauver la vie"

Genre : death rock / art rock / afterpunk / gothic / dark rock
Photographies : Elliot Pietrapiana (Corpus Delicti poses 2023) / Nao K (live)
Posté par : Emmanuël Hennequin

Si nombre de grands noms se sont enchaînés à l’entreprise nostalgique à travers l’acte de reformation, cantonnant l’exercice à l’exhumation pour la scène seulement des chansons qui ont fédéré un auditoire, les Français Corpus Delicti se détachent de cette optique. Le choix est effectif depuis la fin 2023, époque du dévoilement d’une nouveau single, "Chaos", faisant suite à la réédition en juillet 2022 du fond de catalogue chez Cleopatra, à travers le boxset The Complete Recordings 1992-1996. En ce mois de février 2024, le groupe de Nice entre sans aucun doute dans une nouvelle ère avec l’envoi à ses souscripteurs du premier vrai nouvel objet autoproduit et témoignant de velléités créatives retrouvées… pour le meilleur ! Le 45 tours Chaos/The Crown, de toute beauté, a été mixé par William Faith (The Bellwether Syndicate, ex-Faith & The Muse / Christian Death / Wreckage) et donne à redécouvrir un Corpus Delicti de pleine esthétique, tant sur le plan du son que du visuel. Une étape clef et dont nous parlent Sébastien Pietrapiana (chant), Franck Amendola (guitares) et… William Faith.

Obsküre : Quand avez-vous commencé à travailler sur les deux nouveaux morceaux faisant le menu du 45t Chaos/The Crown ?
Sébastien Pietrapiana : Je dirai un peu avant l’été. Cela faisait quelques mois déjà qu’on s’essayait en répétition à quelques improvisations, en partant d’une idée de l’un ou de l’autre. Franck avait ce riff qu’il a fait tourner… et c’était parti. Et assez vite, en fait. Nous avons senti plutôt rapidement que c’était le bon titre pour un retour. Quant à "The Crown", ce morceau est apparu en deux ou trois répétitions, avec une facilité déconcertante. Laurent a démarré à la batterie, et nous nous sommes greffés les uns après les autres, pour créer une belle alchimie. Un instant un peu... magique. En fait, on réalise que tous les quatre ensemble dans la même pièce, c’est comme ça que ça marche le mieux. Nous avions bien essayé avant ça de composer "façon 2024", en s’envoyant des bouts les uns aux autres qu’on travaillait chacun dans notre coin, mais nous n’avons rien gardé. Depuis, d’autres titres sont nés avec la même démarche. Et ils nous emballent bien !


Franck Amendola :
Nous ne pouvions rêver mieux ! Ce n’était pas évident d’avoir le titre pour revenir trente ans après. Il aurait été très facile de retomber dans une redite, ce qu’on voulait absolument éviter. Nous avons pris le temps : celui de la tournée, d’abord, pour pouvoir se nourrir de l’énergie du live, de l’accueil du public partout où nous sommes passés. Et puis nous avons laissé le temps à Laurent de digérer et maîtriser le jeu de batterie du groupe, qu’il devienne naturel... et on a peut-être aussi trouvé notre nouveau son. Effectivement j’avais le riff [de "Chaos"] et la suite d’accords, on l’a structuré en répétition, à l’ancienne ; c’est comme ça qu’on fonctionne le mieux. "The Crown", lui, est né pendant qu’on travaillait sur "Chaos"... donc, très vite. Des moments assez magiques, en effet. On a ce truc. Et nous venons de terminer "Crash", qu’on a composé en deux heures… sorti de nulle part, et qui est un très très bon titre : très intense, tendu. J’adore. J’adore le jouer.

Qu’avez-vous retenu de votre expérience de confection vidéo avec assistance de l’IA pour "Chaos" ? 
Sébastien : Cette partie a été laissée au bon soin de mon fils, Elliot. Il a 20 ans. Il sait. Il a l’œil, les idées, la technique. Il utilise ce procédé dans un but créatif, au service de ce qu’il imagine. D’ailleurs, c’est lui qui a entièrement conçu l’artwork de la pochette, nos flyers, nos projections vidéos. C’est important d’avoir son regard avec nous.
Franck : Elliot a fait un travail remarquable, d’ailleurs on ne le considère pas comme le fils de Sébastien mais comme un membre du groupe à part entière.

Ce mode de fabrication du support vidéo, y voyez-vous des avantages économiques et pratiques concrets, suffisamment importants pour vous amener à penser que l’IA pourrait être re-sollicitée dans le cadre de votre création future ? Comptez-vous, à ce sujet, offrir une illustration vidéo à "The Crown" ?
Franck : Je ne suis personnellement pas pour l’utilisation de l’IA mais il faut avouer que sans elle, le clip nous aurait couté un million d’euros. CQFD. Et je pense que, comme pour tout, il faut l’utiliser avec parcimonie. "The Crown" ne sera sans doute pas clippé, on est sur la suite. Quant à savoir si on va  réutiliser l'IA à l’avenir, nous ne savons pas. Ça dépend du titre à clipper, surtout.

Sébastien, dans quelle solitude as-tu souhaité nous plonger à travers le texte de la face B "The Crown" ? Dans quels moments écris-tu ce genre de choses ?
Sébastien : Dans ma solitude sans doute. Même si je suis quelqu’un d’entouré, je me sens assez souvent à part, un peu dans mon monde, même si je ne le montre pas forcément. Et j’apprécie aussi d’être seul…et en même temps, sur scène, face à du monde. La scène est l’endroit où je me sens le plus moi, je crois. En tout cas, un aspect de moi qui n’existe quasiment pas dans ma vie de tous les jours. C’est cela dont parle cette chanson, la couronne est un peu celle que porte le chanteur. Évidemment, il y a beaucoup de second degré derrière tout ça, sinon ce serait bien prétentieux. Mais la musique, celle que l’on écoute ou celle que l’on fait, peut sauver la vie. Vraiment. Et elle peut permettre de garder la tête haute.

Pour quelles raisons, sur un plan personnel et/ou artistique, avez-vous appelé William Faith à la rescousse sur le mix des nouveaux morceaux ?
Franck : William Faith ? On ne l’a pas appelé à la rescousse ! (NDLR : notre expression ne suggérait pas que le groupe était dans la *biiiip*) Il nous a fait un super prix (sourire). Plus sérieusement, c’était naturel de lui demander, surtout avec l’histoire qui le lie avec Corpus Delicti depuis le début.

William, comment as-tu abordé le travail sur les deux chansons ? Que voulais-tu réaliser à travers le mix ?
William Faith : Mon objectif, en réalité, était de m'assurer que cela sonne comme Corpus, mais en utilisant toute la technologie moderne pour lui donner l'ampleur, la profondeur et le poids que nous pouvons atteindre actuellement. Ils ont rendu les choses faciles, car toute la magie était déjà dans les pistes enregistrées – tout ce que j'avais à faire était de ne pas tout gâcher (sourire) ! Je les avais revus jouer live au Wave Gotik Treffen à Leipzig l'année dernière, c’était la première fois que je les voyais depuis notre tournée commune de 1994, et j'avais donc une bonne idée de là où ils en sont aujourd’hui. Cette expérience a éclairé mon processus en studio. Ce fut un vrai bonheur de pouvoir retravailler avec ces vieux amis après tant d'années… et j'espère pouvoir recommencer !

Les deux premiers nouveaux morceaux depuis la reprise de l’activité live figent, et pour toujours, le moment du retour à une dimension créative concrète pour Corpus Delicti. La réactivation ne sert donc plus seulement le live et à travers lui, une mémoire de l’œuvre ou une expérience nostalgique. Si demain un format plus long devait sortir, imaginez-vous réintégrer "Chaos" et "The Crown" à ce format, ou les deux nouveaux titres resteront-ils gravés dans le marbre d’un single "de transition" ?
Sébastien : "The Crown" ne réapparaîtra sans doute pas, non. Nous avons vraiment voulu lui donner ce petit côté spécial, excitant de la face B inédite, qui n’existe que là. C’est pour ça aussi qu’elle n’est pas sur les plateformes de streaming. Pour "Chaos", on verra ! Rien n’est figé. 
Franck : "The Crown", c’est comme un petit diamant à dénicher.