Das Ich recrée. Stefan Ackermann (chant, dont la maladie a été un facteur bloquant pour l’avancée dans l’art) et Bruno Kramm (synthétiseurs, programmation) sont de retour avec une collection orchestrale. Les amateurs de la période Egodram seront servis. Le nouveau Das Ich est dynamique, entraînant, orchestral, détaillé. Certes, vous ne retrouverez pas le minimalisme crispé, âpre et crispant des premiers essais mais, ouh-ouh, nous sommes en 2025. Et le son 2025 est dansant et enténébré. Il a de la tenue. Sacrément.
Das Ich ne se dénature nullement avec Fanal, c’est même le retour d’un son acéré, dynamique et expressif. Retour en force. Vous allez retrouver les phrasés, leur sévérité, leur inclination martiale ("Vanitas"). Les mélodies sont là, pénétrantes et transportées par l’énergie d’une machinerie joueuse ("Was Ich bin ?"). Nul doute que le regard que porte Das Ich sur le monde actuel trouverait écho dans certaines pages du 1984 de qui vous savez voire du récent Cyberpunk d’Asma Mhalla : les deux compères voient les peuples en proie à une forme d’auto-asservissement numérique. Le BigData est devenu dépositaire de leurs secrets, leurs habitudes, leurs vies entières, nous y avons tout mis. Désormais, il mène une gouvernance d’intérêt avec laquelle entre en collusion le BigState, qualification dont peu d’Etats au monde peuvent "s’enorgueillir".
Une toile de fond à ce que les protagonistes principaux de Das Ich, eux, nomment "la surveillance de masse pilotée par l'IA". Kramm et Ackermzann fixent le postulat à une heure où nous gardons cette chance, funeste ?, de pouvoir nous poser la question d’une éthique des usages numériques (cf. l’œuvre de Jérôme Béranger). La porte n’est ouverte que pour peu de temps, sans doute. Nous avons fait de la dystopie autre chose qu'une optique de fiction. Nous entrons en elle. La flamme sur la pochette représente alors comme une lueur d’espoir, peut-être la dernière.
Les artistes ont une vision : ils voient le précipice, l’humanité marcher en bordure. La musique est pénétrée de cette angoisse pour l’humanité, celle qui va avec les moments de grande bascule. Celle qui n’absout point la notion de progrès de son potentiel catastrophique.