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Album
31/03/2022

Emily Jane White

Alluvion

Label : Talitres
Genre : néo-folk / ethereal wave / ethereal folk
Date de sortie : 2022/03/25
Photographies : Emily J. White © Kristin Cofer (2022)
Note : 80%
Posté par : Klär T.

SEDIMENTS DE GRÂCE ET DE GRAVITE

Trois ans se sont écoulés depuis l’incandescent Immanent Fire, climax de l’engagement social et environnemental d’Emily Jane White. La chanteuse californienne revient sur le devant de la scène avec Alluvion, sorti le 25 mars sur le label bordelais Talitres. Un septième album dont le logiciel musical reste globalement dans la continuité du précédent, en flirtant parfois avec des accents shoegaze et pop synthétiques. Terreau créatif,  Alluvion aborde les crises successives auxquelles planète et société sont confrontées, en offrant à l’auditeur qui un espace d’introspection, qui une fenêtre cathartique. Dans cette nouvelle démonstration de lyrisme militant, Emily Jane White reste fidèle à ses lignes mélodiques en conservant toute la puissance de son verbe et la mélancolie de son expression.

À la faveur d’une discographie qui convoque folk nocturne et esthétique gothique, la flamme narrative de la californienne est restée vivace. Elle demeure un écrin pour sa voix vaporeuse, nonobstant bien ancrée dans le réel… un réel social, politique et environnemental brutal qui claque au front de notre indifférence collective. 

À chaque nouvel opus, Emily Jane White développe un discours engagé, support d’une réflexion sans concession sur le monde et d’une interpellation à notre endroit. Usant de la métaphore, l’artiste nous embarque avec Alluvion dans une géologie sociale.  Crise sanitaire, urgence climatique, justice sociale vacillante, racisme, droits des femmes piétinés y sont traités comme autant de flux sociaux, déposant successivement leurs sédiments traumatiques dans nos vies submergées par l’actualité. Pour sombres que sont les thèmes d’Alluvion, Emily Jane White fait montre d’une grâce lumineuse dans un chant complainte, paradoxalement lénifiant.

L’album démarre avec un puissant "Show Me The War" (premier single clippé), qui constitue à lui seul un concentré de militantisme. La chanteuse a expliqué avoir écrit cette chanson en réponse aux soulèvements politiques déclenchés par le meurtre de George Floyd, mais également pour interpeller sur les féminicides à Juarez au Mexique ou encore sur l'interdiction quasi-totale de l'avortement en Pologne. Plus solaire dans sa tonalité, "Heresy", le deuxième titre en collaboration avec le groupe britannique Darkher, rappelle étrangement "Infernal" d’Immanent Fire. On y sentira par ailleurs planer l’ombre vocale d’Elisabeth Fraser.

Alluvion peut s’apparenter à un complément de chapitre dans la veine musicale d’Immanent Fire, on y retrouve d’ailleurs les fondamentaux de l’artiste : un clair-obscur piano, guitares électriques et percussions ("Hold Them Alive", "I Spent the Years Frozen", "Battle Call"). On notera néanmoins sur cet exercice que la chanteuse a enrichi sa ligne folk native de claviers habilement dosés (« Mute Swan »). Les arrangements synthétiques ont été réalisés par le multi instrumentaliste Anton Patzner.

D’album en album, le pouvoir d’attraction d’Emily Jane White reste intact. On se laisse volontiers envelopper par une dramaturgie portée par sa tessiture mélancolique ainsi que par ses textes capturant l’effroi et l’intensité de notre époque. Une époque sur laquelle Emily White Jane pose des mots pour tâcher d’en contenir les maux.

Tracklist
  • 01. Show me the War
  • 02. Crepuscule
  • 03. Heresy (feat. Darkher)
  • 04. Poisoned
  • 05. Body Against the Gun
  • 06. The Hands above me
  • 07. Mute Swan
  • 08. Hold them alive
  • 09. Hollow Hearth
  • 10. I spent the Years frozen
  • 11. Battle Call