On ne l’arrête plus ! Après Where The River Widens paru en mars (chez Projekt) et Transmissions (avec Ian Boddy) en mai (chez DiN), voici maintenant Aeris Suite, nouvel EP d’Erik Wøllo. Il est sorti officiellement le 19 septembre, la vidéo d’"Obscure Trail" est disponible sur YouTube. Sept titres toujours habités par les grands espaces, comme en témoigne le désert qui orne la pochette du disque. En effet, les paysages du monde ont toujours été un point d’appui pour le Norvégien. Il avait d’ailleurs publié l’an dernier Solastalgia, un terme qui signifie le sentiment de détresse face aux changements climatiques et au désastre environnemental. Le clip du morceau cité plus haut est justement à la fois graphique et naturaliste. Cet amour pour notre planète, le guitariste l’explore en proposant une musique toujours hautement atmosphérique.
Les titres ont tous été composés à partir de la guitare. Ainsi, Wøllo se sert d’un instrument électrique unique, dont le son est modifié par différents effets et pédales. Depuis longtemps, le Scandinave a définitivement imposé son style, entre drone, space ambient et Berlin school, où les sonorités distinguées nous déroutent. On croit entendre des nappes de synthétiseur, une ligne claire électronique (en particulier sur "Celsius"), quand il s’agit en fait de traitements apposés à la guitare, armée d’un sustainer et d’harmoniseurs. Il en résulte des impressions harmoniques totalement inouïes, d’une profondeur incomparable. En complément, le musicien agrémente son propos textural d’un système de boucles, renforçant la douce transe par des répétitions oniriques jouissives ("Obscure Trail", "Celsius").
Aeris Suite est remarquable de bout en bout. Cet opus se veut un hommage à l’élément aérien, et l’on se plaît à planer en écoutant ces volutes ambient monter et descendre, dans un pas de deux éthéré qui semble sans fin. Oui, car toutes les pistes s’enchaînent, sans interruption, créant l’illusion d’un bloc uni où le temps et l’espace sont suspendus. Un voyage immersif tenu par des notes minimales, étirées, qui se mêlent judicieusement pour apaiser l’auditeur et le faire rêver. Les drones tapissent le fond de leur chaleureuse profondeur ("Portal"), avant que s’épanouissent des séquences relaxantes, renvoyant par moments à l’art de Brian Eno période années quatre-vingt ("Monochrome"). Wøllo se rapproche aussi d’un certain ésotérisme électronique à la Steve Roach, magnifié à l’époque de Mystic Chords & Sacred Spaces.
Tout paraît si simple, et pourtant quel travail sur les textures ! Nous sentons que le Nordique est en quête en permanence de la note parfaite. Sans forcer, il distille des ambiances d’une intensité lumineuse incroyable. Les sons flottent, parfois happés par un rythme idoine qui renforce finalement la quiétude générale ("Sinuous Path", "Aeris"). Ce jeu de guitare habité évoque les hérauts légendaires ou figures tutélaires du genre, comme Robert Fripp, David Gilmour ("Sinuous Path") et bien sûr Jeff Pearce ("Monochrome"). Wøllo a créé un univers sonique cohérent, limpide, sans défaut apparent. L’unité globale donne une couleur résolument chaude et enveloppante à sa musique. Cette chaleur est ainsi particulièrement perceptible sur "Obscure Trail" et "Celsius". Encore une œuvre (courte) d’une immense qualité !
