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Album
23/01/2025

Ethel Cain

Perverts

Label : Daughters Of Cain Records
Genre : dark ambient / southern gothic / americana / drone music
Date de sortie : 2025/01/08
Note : 80%
Posté par : Emmanuël Hennequin

La vibration est opaque, minimale, filandreuse et nue, obscure. Décharnement d’une vibration folk, il ne reste presque plus rien. La voix se pose dans les tréfonds d’une zone grise : entre vie et mort, paysages frémissant d’un crépuscule rural. Il n’y a rien, seulement le bruit que vous imaginez des éléments, le frémissement des feuilles sous la caresse du vent, une nuit qui voudrait rester reine. C’est une musique de chuchotements, de peurs rentrées.

Ethel Cain impose d’emblée une ambitieuse et trouble cinématographie à travers l’abstract ambient du titre éponyme : douze minutes de plongée en abîme vous préparent à plusieurs autres expériences du même genre. Au civil Hayden Anhedönia, Cain déroule sur le successeur de Preacher’s Daughter (2022) une pellicule de field recordings et de boucles, simulation d’infinité dont les fragments oscillent à quatre reprises entre onze et quinze minutes (acmés : "Housofpsychoticwomn", "Pulldrone").

De fait, Perverts matérialise une vision immersive, un jusqu’au-boutisme ambient. Cette musique n’est pas une fille facile et vous devez avoir du temps pour envisager le parcours dans son entier, vous devez être volontaire. Tout se passe dans le noir, la photographie en témoigne. Dans le clip de "Vacillator", une âme a trouvé refuge sous les toits, elle se retrouve. Grand calme, mouvements lents. Les films réalisés pour illustrer ces musiques sont issus des intérieurs, un noir et blanc de la solitude ("Punish"). Il n’y a plus de chanson, pas au sens du format. Mais Hayden chante et nous quittera en douceur, dans les vestiges de l’acoustique ("Amber Waves"). Il n'empêche : le grain de cette musique est de déprime, de rumination, de nausée, de culpabilité. Le corps vous rend coupable, certains le disent. 

Des épaisseurs surgissent, masses vrombissantes, saturant l’espace de leurs basses ("Onanist", sombre envoûtement). Formellement, Cain renoue en 2025 avec des ambitions faites siennes par le passé : la drone music est une vieille marotte. Stylistiquement, Perverts oublie toute concession et il reste de l’écoute un sentiment d’errance : les notes de piano fantomatiques, ces grincements à l’origine inconnue, la voix posée mais que travaille quelque chose qui ne dit pas son nom. Perverts, une musique spectrale : celle des limites, des incertitudes, une musique à fleur de peau ("Thatorchia", "Etienne").

Évidemment, seule la parole de Hayden pourrait dire ce qui se trame ici, alors il reste ce que le disque laisse en nous : une épreuve de patience, un espace distancié de l’imprécation et des enfermements de la tradition. Un silence à l’intérieur duquel une identité se travaille, se respecte pour ce qu’elle est.

Ce bruit lointain que les humains répandent à travers le monde les rassure peut-être. Le silence, lui, est un exercice plus difficile : il ouvre une porte, une entrée dans nos propres contradictions, un combat à livrer contre nos propres idées. Perverts n’est pas un sermon, Perverts est un refuge.

Tracklist
  • 01. Perverts (12:05)
  • 02. Punish (6:40)
  • 03. Housofpsychoticwomn (13:36)
  • 04. Vacillator (7:45)
  • 05. Onanist (6:24)
  • 06. Pulldrone (15:14)
  • 07. Etienne (8:44)
  • 08. Thatorchia (7:24)
  • 09. Amber Waves (11:32)