Belle variété pour cet album de Golden Fangs. Julien Guillot et Olivier Timoteo ouvrent les portes à tout ce qu'ils aiment, permettant à chacune des compositions de révéler des brillances et des chatoiements. Ainsi, dès l'ouverture menée par "New Era" on passe d'un univers proche de ceux (multiples déjà) développés par Tricky (la voix de "Take two Stones" m'y fera aussi penser quelques pistes plus loin) à une electro indienne industrielle. Tranquille. L'auditeur vérifie la piste, remet au début, tente de comprendre comment un simple break a permis cette mutation.
Et le procédé se renouvelle tout au long du disque. Il y en a pour tous les goûts sans que ça ne sonne compilation ou disparate car l'énergie lie le tout. Une certaine noirceur aussi, celle qui s'associe au groove et aux relances, le décor peint de motifs arachnéens et dystopiques.
Les alternances des parties lead (une basse qui surgit, un synthé qui nappe soudain l'atmosphère) permettent d'avancer, de montrer et de raconter dans une succession temporelle de tableaux. C'est vivant et dynamique. La rage est tempérée ("Sweat wet"), comme si un sentiment unique ne pouvait emplir tout le spectre, le duo attendant un résultat plus complet. Ainsi, "1=2" assemble une douceur sensuelle (un peu à la manière de Jonathan Davis de Korn) à un final brutal, hargneux. Les titres ont été composés et enregistrés à un rythme infernal (une mise en boîte par jour), utilisant la période du confinement et l'opportunité de travailler à l'Antre-Peaux (ville de Bourges). Chaque titre reflète ainsi les discussions et les envies des 24 heures écoulées, le temps restreint amenant cependant à conserver cette unité de cadrage et d'envies.
La minutie des pistes, des éléments qui se superposent, atteint des sommets ("Survivalism") et les pistes vocales bénéficient d'un traitement maniéré qui met en valeur les intentions dansantes couplées à un aspect prêcheur. C'est... hanté. "La Cage" avec ses enregistrements de métal raclé, tapé, ses hurlements et son gardien frappadingue dont on distingue à peine les paroles pourrait être si odieux qu'on préfère y voir un personnage décalé d'anime qui prendra plus tard toute sa place. "A great Decay" ressuscite un peu de la manière de Trent Reznor dans cette capacité à faire se côtoyer bruitisme, mélodie, colère et délicatesse. Il faudrait aller plus loin dans les paroles et comprendre ce que raconte Golden Fangs ; nul doute à l'écoute du court "Click & collect" que chacun en prend pour son grade...
La composition de l'album gère ces différences de climats et les troubles associés de pertes de repère pour adoucir et tempérer ; par exemple la suite expressive "1=2" / "La Cage" est suivie du suave "Yellow Ball".
Avant l'irruption du Covid, suite à un EP, le duo était pressenti pour tourner avec Moodie Black ; à l'écoute du chaloupé et narratif "Branded", on souhaite que les artistes se croisent dans les prochains mois : leur technicité et leurs envies de peindre des histoires avec les sons, leurs envolées entre rock et groove ne peuvent que se mêler.
Pour l'heure, on a un album qui fait suite à un simple EP, et tant la qualité technique que la création d'univers sont déjà à des sommets rarement atteints.