Miracle Music, titre en démonstrative prégnance de la théologie dans un paysage culturel. Ils ne nous avaient pas fait le coup depuis un moment mais… les hommes changent-ils vraiment ? Ne vous attendez pas toutefois – mais vous le savez – à un exposé liturgique, ils ont trop le sens de la surprise pour ça et chaque épreuve se veut une exploration (le cauchemadesque Doomsdayer’s Holiday de 2008, parmi les points culminants). Si des spectres choraux surgissent au final, c’est pour cacheter l’enveloppe ("Choir Commencement" annonce-il quelque chose ?).
En 2025, la fascinante curiosité climatique de Grails perdure et tient à cette synergie entreprise entre les cofondateurs Emil Amos (OM, Holy Sons, Lilacs & Champagne – à la production de Miracle Music) et Alex Hall (Lilacs & Champagne), aux côté des persistants AE Paterra (Zombi, Majeure), Jesse Bates et Ilyas Ahmed. Et leur Miracle Music s’avère aujourd’hui l’un des enregistrements les plus enveloppants d’une formation étonnamment prolifique depuis son retour, celui s’est produit après un temps plus focalisé sur Lilacs & Champagne. Retour de la flamme, de l’appétit.
Réalisé à Portland dans un lieu que le groupe connaît bien, à avoir le studio Type Foundry (Portland) et aux côtés de l’homme des lieux, Jason Powers, Miracle Music est un puits profond. Les vents diffusent une onde lumineuse dans des paysages sonores gagnés par la pénombre, dans un disque hors périmètre des principes de la pop culture. Son unicité passe par une ambition climatique, une tristesse. Le son n’a pas d’âge, ils ne se sentent pas un peu Popol Vuh pour rien mais vous vous fourvoieriez à les réduire à ça.
Grails reste assurément cinématographique et construit sur les bases de l’avant-dernier Anches En Maat. Il y a dans Miracle Music cette picturalité qui vous fait gagner des terres d’immensité et de mystère, un monde ancien ("Primeval Lite I-III", "Earthly Life"). Certains moments qui imagent l’incertitude, la transition (tension latente sur "Homemade Crucifix"), d'autres ouvrent à la nuit ("Perfect Etercuss", "Visible Darkness"). La musique vous perd et son feutre vous caresse, provoque frisson. Art de la suggestivité, cette puissance qu’a le son de provoquer le film intérieur… assez loin, d’ailleurs, de la rugosité à laquelle vous auriez pu vous attendre, du moins dans l’approche rythmique, à la lecture du contexte des premières visions de la pochette, de sa minéralité ("J'étais convaincu que la couverture devait être d'un vert militaire foncé... comme un vieux disque industriel aurait pu se présenter, parce que nous pensions que l'album allait avoir cet esprit", a récemment déclaré Amos à Sun 13).
Le son file, ses images opèrent sur des temps courts. C’est un tableau, et Grails vous tendent la toile. Projetez la peinture, remplissez la toile, recommencez à chaque fois. Il n’est pas plus possible de conter Miracle Music, qu’un disque comme le Ni Prédacteur Ni Proie de Von Magnet. Miracle Music est un disque à peindre, à vivre de l’intérieur.
