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Livre & Musique
14/03/2020

Hanns Heinz Ewers - Nurse With Wound

Sorcière Ma Mère / The Top Of The Left Ear

Label / éditeur : lenka lente
Genre : ambient expérimental associative – nouvelle réaliste
Date de publication : 2019/12/20
Note : 78%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

J'ai souvent eu tendance à voir en lenka lente un éditeur avant d'écouter un label. La sortie de sa dernière parution en date, Sorcière Ma Mère, m'oblige à un pas de côté. Pour une fois, je n'ai pas écouté le disque après ou pendant ma lecture, mais avant. Et je ne connaissais ni la nouvelle proposée, ni même son auteur. Alors, je fais un pas de côté : lenka lente serait peut-être un label de disques dont le livret serait une nouvelle.

La pièce originale de Nurse With Wound, intitulée The Top Of The Left Ear, et créée pour le label lenka lente (étonnante à utiliser, cette association de termes), dure vingt minutes. Quelques voix émergent d'un brouillard sonore, accompagnées de lentes mélodies et de sons en harmonie fugace. Les bruitages habitent un lieu, donnent à entendre des entrées et des sorties, des passages au-dehors, des tensions, des inquiétudes et une certaine torpeur nonchalante. Steven Stapleton se régale de la spatialisation, composant une scénette et ses miniatures, modelant sa composition comme on joue d'un théâtre d'ombres. On distingue des actions, des attentes. Un palier est franchi lorsque les cris de la guitare préparée retentissent ; alors, ça gicle, ça grince, ça altère la vie. Les cordes superposées se querellent, attaquent de toute part le réel, tentant de gommer et de réécrire la partition principale, forçant et acculant la trame précédemment installée.

La nouvelle choisie pour faire corps avec cette pièce musicale est un dialogue par lettres interposées entre deux frères que la vie a séparés. L'un d'eux est prêt à enfanter, l'autre tente de l'en dissuader, terrifié à l'idée que cette lignée familiale héritera des traits de sorcellerie de leur mère. Et il énumère les indices glanés année après année, indices qu'il entrelace comme preuves additionnées du caractère singulier de leur génitrice commune. La traduction de Patricia Miquel respecte les délicats sous-entendus et ne force pas les associations. On sort étonné de ce texte, sans savoir qui en fin de compte était le plus fou des trois ; le docteur Krazykat, par sa réponse inattendue, relaie les sursauts d'un fantastique épuisé, tout autant qu'il pose le postulat de la psychanalyse moderne.