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Festival report
27/06/2019

Hellfest 2019 (J1)

Carnet d'impressions - Partie I

Photographies : Christöphe Lapassouse
Posté par : Emmanuël Hennequin

Loire-Atlantique, vallée de la Sèvre nantaise, fin juin 2019. C’est l’ancien Duché de Bretagne. Clisson, ville d’histoire et de cultures alternatives : restes médiévaux, féérie, saturations. Le temps aidant, la petite ville de 7000 et quelques âmes est devenue indissociable du Hellfest, évènement estampillé metal (les étiquettes sont toujours réductrices) et sur lequel se focalise l’attention des médias et réseaux sociaux quelques jours durant, tous les ans à la même période.
Les chiffres oscillent entre 60 et 70 000 spectateurs jour : une population éphémère et nouvelle, attachée au lieu et au moment, miraculeusement absorbée par la petite cité. Le Hellfest : un festival dédié aux musiques metal, extrêmes… et autres. Car il n’est pas, n’est plus – et loin s’en faut – un festival que l’on puisse cantonner au metal, quoique pris dans son acception large. Les musiques agressives au sens large nous semblent expression plus adaptée bien qu’encore insuffisante à recouper le menu 2019. Il n’est qu’à voir, pour le saisir, la programmation de la Warzone, populaire scène située en fond de site et que surplombe la statue hommage à Lemmy Kilmister (Motörhead) : Sham69, Wampas, The Refused… vous en voulez d’autres ?  
 
Le jeudi s’est déroulé le festival "appendice" Knotfest, avec entre autres Ministry et Slipknot. Une soirée américaine. 
L’impression, en arrivant sur le site le vendredi fin d’après-midi comme lorsque viendra le moment de le quitter, est celle de s’être extrait le monde. C’est une bulle. Disneyland a peut-être ce pouvoir aussi, pour faire allusion à cette critique du Disneylandisme faite désormais à l’évènement clissonnais, en rapport à son gigantisme et sa dimension entertainment accentuée au gré de l’extension de ses moyens et de l’élargissement de son public. Le Hellfest serait devenu un parc d'attractions. C'est en partie vrai, mais l'esprit est-il mort ?

Affaire de ressenti.
Si les tenants de cette théorie ont forcément leurs raisons, le gigantisme ne nous semble pas avoir tué l’esprit de famille qui caractérise l’évènement, ce depuis toujours. L’environnement recréé annuellement par l’organisation est en soi une attraction et un atout du Hellfest. Chaque année, un site repensé s’ouvre et les évolutions en termes d’aménagement ou d’attractions jalonnent son existence au même titre que chaque programmation. Cette dernière s’arc-boute sur un principe simple : un lot de têtes d’affiche susceptible d’attirer les faveurs d’un public large et pas forcément spécialiste, auquel se greffe une programmation éclectique et fourmillant de défricheurs, quêteurs sonores, groupes cultes. Les musiques gothiques, d’ailleurs, ne sont pas en reste. L’organisation est loin d’être réfractaire au genre, ce qui a pu l’amener à convoquer de prestigieux tenants : Fields Of The Nephilim en 2010, The Sisters Of Mercy cette année.

Le Hellcity Square est une partie du site située à son entrée, sans doute celle qui expose le plus le festival à la critique consumériste. Un espace dédié aux partenaires et marchands : du manger, du disque, du merch, de la chaussure, des jeux. Tout autour de l’Extreme Market (gigantesque hall sous lequel pullulent distributeurs et revendeurs d’items spécialisés), des marques connues s’exposent au public, quand d’autres nourrissent  les bouches. Chichi Show ! Se trouve aussi au centre de la Hellcity une microscène où des groupes émergents veulent épater un public de copains ou de curieux. Un droit de faire laissé aux petits, pas déplaisant dans son principe. Parfois rigolo, parfois moins. Les talents se succèdent et ne se valent pas tous – et ça, les copains n’y peuvent rien. Un bon esprit demeure.
La famille.

Favorisée encore en 2019 par un temps clément et chaud (les organisateurs eux-mêmes démentent la permanence du phénomène sur l’année, quelques fines gouttes à peine annonçant l’arrivée de Tool sur la Mainstage 1 en fin de festival), la programmation 2019 a comme chaque année réservé son lot de bonnes surprises et de déceptions. 160 groupes, à la louche. Déception par exemple que celle de certaines annulations (The Obsessed ou encore Myrkur, attendue pour un show acoustique).
Passe d’armes malheureuse aussi, entre Manowar et l’organisation du festival. Qui venait de loin voir le groupe à clous d'Auburn (NY) en a été pour ses frais. Présents sur le site depuis le début de semaine, la tête d’affiche annoncée de longue date et son entourage décident de le quitter quelques heures avant la prestation prévue. La communication des protagonistes principaux s’étant réduite à un propos générique et peu dispendieux en détails factuels (cas classique en phase précontentieuse), il faudra attendre que la justice dise laquelle des parties est dans son bon droit. En tout état de cause, pareil schisme est une première dans l’histoire du festival et Manowar reste un cas d’exception : le Hellfest s’est professionnalisé depuis belle lurette et en a vu d’autres en matière d’accueil de logistiques d’ampleur (Rammstein, Iron Maiden, etc.).

Impossible d’embrasser par le commentaire tout le menu, nous n’avions malheureusement que deux bras et deux jambes. De ce qui a été constaté de visu à partir du vendredi fin d'après-midi (les noms des groupes sont alors ornés d’un glorieux astérisque) ou glané auprès de personnes de confiance, nous tirons le polaroïd suivant, jour après jour. Partie 1 ici même, agrémentée des photos d'ambiance de Christöphe Lapassouse. (Partie 2 [J2 + J3], à venir à court terme - voir en bas de cette page pour une mise en appétit.)
 
J1 - VENDREDI 21/06
 
Freitot, nouveau projet death metal emmené entre autres par Etienne Sarthou (Aqme) et Arno Strobl (CinC, We All Die Laughing) aurait convaincu les adeptes de death old school. Strobl, contacté par nos soins, confirme avoir passé un moment fort sur scène, servi par une ingénierie du son au niveau. Graveyard aussi aurait fait des émules. Le son semble ne pas avoir été uniformément apprécié, mais la performance du groupe n’a a priori pas fait débat. Idem concernant les stoners cultes Fu Manchu.
Carcass*, eux, ont délivré un set d’une redoutable technicité, donnant à saisir au passage le degré d’intégration du jeune guitariste live Tom Draper (Pounder, Savage Messiah). Il brode bien, le gamin. Au programme : du récent et du moins récent, et un hommage appuyé à l’album phare Heartwork (1993). Plusieurs titres en ont été joués, dont un "Buried Dreams" de belle facture.

La performance hommage à Hellhammer (1982-1984) offerte par Tom G. Fischer (Celtic Frost / Triptykon) et un groupe constitué pour l’occasion et nommé – en toute logique – Triumph Of Death* a pu faire débat. Il y avait pourtant une attitude, et quelques riffs primitifs qui faisaient mal. L’essentiel du travail n’ayant reçu que peu de concrétisations live, c’était l’occasion. Le passé a donc resurgi l’espace d’une heure, Fischer s’étant entouré de trois musiciens aptes en les personnes de Mia Wallace (charismatique bassiste / Abbath, Kirlian Camera), André Mathieu (guitares, chœurs / Unlight) et Alessandro Comerio (batterie / Forgotten Tomb).  
En fin de soirée, les têtes d’affiches impressionneront favorablement, que ce soit Gojira, enfin à sa place dans la programmation du Hellfest, ou King Diamond, dont la scène en forme d’appartement sur plusieurs étages laissera des souvenirs marquants.

Au programme des J2 et J3, entre autres : The Young Gods, The Sisters Of Mercy, Moonspell, Punish Yourself, Eisbrecher, Combichrist, Dool, Tool, Vomitory, Vltimas, etc. Bilan contrasté à venir. Restez connectés !