Sébastien Carl a lancé Hørd depuis une dizaine d'années. Bluestar est son cinquième album. Sa musique puise dans les racines d'un renouveau coldwave, mais, comme pour White Lies ou encore Voguenoire, elle est lumineuse, éclairée intérieurement. Autrefois, on parlait de new wave, mais cette catégorie est trop dansante et joyeuse. Le fond reste mélancolique et grisé ("Rkvk").
Bien que confié à Maurizio Baggio, le mastering ne parvient pas à donner la profondeur requise. On distingue les belles nappes sourdes et la pulsation des basses sur "Rkvk", mais comme des fantômes : l'enregistrement et le mixage sont les premières étapes essentielles du travail. De même "Twins" paraît ouaté et cloisonné avant son envolée. C'est vraiment dommage, car la qualité des compositions bénéficierait d'une puissance plus affirmée.
Entendons-vous : nous sommes bien des auditeurs habitués aux sons des premiers Cocteau Twins, aux nappages du trip-hop, aux brumes shoegaze et dreampop ; ici les morceaux ont un aspect éloigné qui oblige à forcer le son des enceintes ou à privilégier une écoute au casque (pas aux écouteurs).
Faiblesse sur les titres les plus cadencés (le super "White Trash", "Fade"), cette mise en retrait est heureusement moins préjudiciable sur les titres plus langoureux. Ainsi "The blue Dream" suspend l'atmosphère et fait baigner dans un nuage cotonneux dreampop intéressant. La délicatesse de la voix et les voilages synthétiques s'assemblent pour nous mettre en apesanteur. Les échos prennent de l'ampleur avec une écoute au casque lorsque claquent les rythmiques neurasthéniques : le joli final "The dark Horse" bien positionné entre élans rythmiques et langueur des mélodies. Parfaite réussite, "Cath" est une petite pièce sonore très bien arrangée (au sens de construite), dont les sons se combinent avec bonheur. C'est délicat, évanescent, accrocheur et atemporel. Une chose élégante entre Vangelis, OMD et les instrumentaux de Morthem Vlade Art deuxième période (Antechamber).
L'équilibre entre la voix brumeuse, nimbée, légère et les parties les plus profondes de la musique est un élément essentiel de la musique jouée par Hørd, soufflant ainsi froid et chaud, portant des textes habités et poétiques. Il y faut plus de conviction, pour magnifier l'évolution positive de "Whistle Grey". On sent tout le potentiel, on aimerait une décharge plus poussée car le groupe des musiques froides est de nouveau pléthorique. Se faire une place est une gageure. Le nom sonne bien (je l'avais déjà croisé ces années passées) et les climats sont là, il reste à amplifier le traitement sonore en ouvrant le studio.