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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
04/10/2025

Jehnny Beth

"Un cœur brisé n'est pas réparable. Ça, j'en suis persuadée. Mais ce cœur brisé fait la force"

Genre : noise / rock / art punk / industrial / machinism
Contexte : parution du 2ème album solo 'You Heartbreaker, You (Fiction, 2025)
Photographies : Jehnny Beth (Johnny Hostile) / Savages (Tristane Mesquita)
Posté par : Emmanuël Hennequin

La frontwoman de Savages est de retour avec You Heartbreaker, You, un album solo aux guitares acérées et aux vibrations machinistes. Il y a ce gris reflet de rocaille, industriel, mais les tripes recouvrent les pierres. Les instrumentations sont signées du fidèle Johnny Hostile, son compère dans le projet John & Jehn (2005-2010). You Heartbreaker, You est un disque sanguin, mais les fragilités percent. Il sort chez Fiction, le label historique de The Cure. 

L’aspiration nouvelle au bruit, à son énergie brute, est apparue à Jehnny lors d’un moment sur scène, fin 2023, aux Etats-Unis. Une tournée en première partie de Queens Of The Stone Age. Comme une illumination : elle a senti le bruit du rock revenir et remplir l’espace. Il le fallait. La chanteuse parle aujourd’hui à Obsküre de ce qui jaillit, du cri, de ce qu’il y a dans le disque : le son de Johnny Hostile, l’empathie ; mais aussi de tout ce qui motive, a pu précéder et nourrir : la personne d’Atticus Ross (N.I.N.), Savages, la famille, le rapport à la croyance. 

Obsküre : Tu as cette révélation de ce qu’il faut faire pour la suite lors d’un concert avant Queens Of The Stone Age, fin 2023. Derrière, il se passe quoi ? Tu vas voir Johnny Hostile, tu lui expliques ce qu’il s’est passé ?
Jehnny Beth : Je ne vais pas le harasser direct (sourire), je vais y aller mollo mais... on en parle assez vite, oui. Quand nous sommes sur scène, c'est un mélange de son et d'image. Moi, c'est comme des flashes : je les vois. Une image, une action, j'ai ressenti quelque chose et je me suis dit : "wow, c'est ça, en fait." Quelque chose de l'ordre de l'énergie. Et nous en parlons assez vite, Johnny et moi, et je lui dis de reprendre la guitare électrique pour composer. J'adore sa manière d’écrire à la guitare, et ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas fait. Lui, il était d'accord. Par contre, ce que je n'avais pas imaginé, c'est à quel point Johnny était une machine à riffs ! Il est capable de (silence)... Il s'est mis à écrire des choses qui étaient proches du hardcore, du post-hardcore, très séductrices aussi : cette espèce de riffing mélodique, très simple, assez shoegaze, de l'ordre de Deftones, Quicksand… Et là, quand j'ai entendu ça, ça a été la surprise. C'était hyper inspirant et je me suis dit : "Oui, c'est ça que je veux !"

Le single "Broken Rib" a annoncé la couleur : du bruit, du nerf. Et le premier single démarre par ce "cri blanc"…
C'est un baby fry, ça marche parce qu'on met de la disto donc en live, je pense que je vais faire pareil… Mais c'est une petite technique, c'est plus facile qu'un fry (NDLR : voix du réveil), et il n'y a pas besoin de beaucoup de force pour le faire. D'ailleurs, c'est un peu tout l'enjeu avec le fry : c'est fort en volume, mais il faut réduire l'effort.

Et tu tiens le micro loin ?
Pas forcément. Oui, pour le fry, peut-être, le mini fry non. C'est assez petit en volume, du coup, c'est l'amplification qui fait que ça prend son ampleur… Mais ça fait son effet, c'est sûr.

You Heartbreaker, You… Ce titre m’a intrigué, l’encadrement du "Heartbreaker" par les "You". Le heartbreaker peut être une personne, un phénomène, un évènement, un contexte. Le fait de l'encadrer de la sorte, est-ce une manière de le réduire à ce qu'il est, de le mettre à distance, de le dépasser, de le valoriser ?
Il y a quelque chose de tendre dans la répétition du "you". L'idée du "you heartbreaker, you", c'est comme si en français, on disait : "oh toi, qui me brise le cœur." Comme si on remettait un "oh". Quelque chose de l’ordre de… l'acceptation, la douceur, l'amour. Un peu comme un rendu malgré les coups pris. On vit dans un monde qui, pour moi, est un crève-cœur permanent. Il ne va pas se soustraire à nos envies, nos visions, nos désirs. Nous vivons dans un monde qui, parfois, va vraiment à l'inverse de ce qui nous semble être juste et de l’ordre du bon sens. Et je crois qu'on retrouve cela aussi dans le rapport amoureux, amical, familial, romantique, post-romantique : les gens auxquels s’adresse notre amour nous brisent le cœur. C'est inévitable. Et nous devons accepter cette partie de douleur. Mais une fois que nous l’avons acceptée, nous nous rendons compte que ce n'est plus de la douleur, que ce n'est pas vraiment douloureux. Accepter cela, c'est aimer le monde. Le monde est un crève-cœur, mais il faut vivre dans le monde pour le comprendre, le changer. Pour vivre, simplement. L'échappée n'est pas possible et un cœur brisé n'est pas réparable. Ça, j'en suis persuadée. Mais ce cœur brisé fait la force.

Cette "acceptation", dans ce "oh, toi" qui surgit à travers le "you"… est-elle récente chez toi ?
Elle coïncide avec le moment sur scène aux États-Unis (NDLR : le moment de la "révélation" – cf. notre introduction). À ce moment-là, je me rends compte de ma force. Avec ce public-là, j’ai des possibles. Mais ça n'empêche pas le cœur brisé. Ça ne gomme pas la fissure.

Le dernier titre de l’album, "I see your Pain", est extrêmement touchant. Es-tu d'une nature empathique et si oui, gouvernes-tu ta propre émotion dans ces moments de ressenti ?
C'est difficile, je trouve. La gouvernance des émotions est une idée centrale de l'album. Être dans le ressenti, sans la réaction brutale. Comment être dans l'équilibre entre l'émotion et la rationalité ? C'est quelque chose qui me semble un peu perdu aujourd'hui, par exemple quand on voit nos dirigeants n’être que dans l'émotion ou, au contraire, dans une froideur non empathique... L'idée de l'empathie est, je trouve, intéressante. J'en ai parlé sans vraiment le vouloir, c'est venu comme ça. "I see your Pain" ou "High Resolution Sadness" sont des morceaux qui traitent un peu du même sujet : cette désensibilisation du fait du lavage de cerveau, ce truc qui se produit lorsque nous scrollons, par exemple. La désensibilisation à des choses qui devraient nous faire bondir et en même temps, la "préhistorisation" de nos émotions amoureuses. Nous allons être dans un rapport jaloux, obsessionnel en amour, et dans le même temps, on ne va pas réagir à des atrocités lorsque nous les regardons sur un écran de téléphone. Il y a un truc là-dedans, de l'ordre de la folie humaine, qui me fascine. Dans « I see your Pain » c'est pour ça que je voulais que soit crié le "I can't f*ck’n get into it !" Parce que c'est frustrant aussi, c'est cette contradiction-là : je te vois, je vois ta douleur, peut-être qu'à une période je ne l'aurais pas vue parce qu'aujourd'hui on voit beaucoup plus de choses qu'on ne voyait avant, et pourtant je ne peux pas accéder à ta douleur. Je ne peux pas la ressentir. Et ça me fait dire que l'empathie est une émotion qui doit être éduquée, qu'il est important de s'éduquer soi-même par rapport à ça. Si on ne la ressent pas, il faut la faire naître. C’est de l'ordre de la responsabilité ; parce que nous sommes désensibilisés, même moi je le suis. Il faut conserver l’empathie, la garder, sauvagement. La protéger.

L’expérience du précédent opus solo, To Love Is To Live, a révélé ta proximité avec Atticus Ross , de Nine Inch Nails. Tu as ensuite reprise "Closer" pour une compilation, à la demande de N.I.N.. Lorsque tu confies tes démos à Ross, qu'est-ce que tu attends de lui, en fait ?
Nous avons travaillé ensemble sur To Love Is To Live et sommes restés amis. Je connais sa famille, Johnny aussi. Quand on est à L.A. tous les deux, c’est chez lui. Il y a donc un rapport qui se développe… Atticus est quelqu'un qui nous a toujours soutenus, aidé, conseillés. Nous échangeons beaucoup. Le truc avec Atticus, c'est qu'il est très spécifique dans ses goûts. Il aime 5 choses et pas 6, mais il est aussi de grandes douceur et intelligence dans ses retours… Quand je suis chez lui et que je lui fais écouter des démos, on prend une demi-journée dans son studio. Il écoute chaque morceau 3 fois, toujours, en détail. Et après il me fait un retour et me fait écouter autre chose, me parle d'un morceau que lui-même travaille en ce moment. Et après, il me dit : "Mais… t'as essayé, ça ?"

De fil en aiguille…
Oui. Et puis on parle de matériel et avec Johnny aussi, ils parlent beaucoup de ça, s'échangent des trucs… Il y a cette dimension de respect mutuel, en même temps je sais très bien où est ma place, que nous ne sommes pas au niveau d’Atticus mais lui a cette générosité, cette curiosité… Bref, on parle de musique en général. Je pense, que lui et Trent (NDLR : Reznor, créateur de N.I.N.) ont le même rapport que Nick Cave et Warren Ellis. Entre Johnny et moi, il y a ce truc aussi. Moi j’ai vraiment un feeling duo avec Johnny et nous nous reconnaissons beaucoup là-dedans. Je sais que Trent et Atticus passent énormément de temps à parler en studio, par exemple. Johnny et moi, nous faisons aussi ça, on passe des fois deux heures à parler de musique, de trucs qu'on a vus, qu'on aime, qu’on n’aime pas, après on regarde les news… et cet échange-là est fréquent entre Atticus et Trent. Il y a comme un effet miroir, même si on est vraiment à des lieux de carrière très différents. Alors oui, pour finir de te répondre, c'est vrai que j'ai une appréhension au moment où je soumets les démos à Atticus, parce que c'est simplement quelqu'un que je respecte profondément. Cette appréhension est normale. De toute façon des démos, c'est toujours un peu (silence)… ce n’est pas toujours raffiné, fini, ça t’expose.

Dans de récentes entrevues, tu parles du manifesto : cette écriture que tu couches et qui définit l’orientation, le contexte d’un travail. L'impression que ça me laisse est celle d’un rituel ou quelque chose d’approchant mais tu expliques, toi, que ça peut se produire un peu à n'importe quel moment. Dans tes expériences précédentes, est-ce une fulgurance, un travail au long cours, et est-ce que tu faisais déjà ça du temps de John et Jen ou de Savages ? 
John et Jen, non. Savages, oui. En fait, j'ai commencé à écrire des manifestoes avec Savages sur nos premières sorties. Le tout premier était un manifesto anti-vieille génération : le contexte de Savages, c'était l’absence de jeunes scènes avec nous. Nous nous sentions vraiment seules. Le rock était aux abonnés absents et on s'ennuyait fortement à Londres, quand même. Pas de moshpit, le punk et le hardcore, tout ça, ça avait disparu. C'est revenu avec Idles et aujourd'hui, on est vraiment dans le hardcore, etc. Mais à l'époque, avec Savages, nous étions isolées et il n'y avait pas de concert où "risquer sa vie". On avait l'impression d'être en danger un peu, c'était vraiment très indie-rock… et l’"indie-rock", c'est un peu le cimetière de la musique, en tout cas c'est comme ça que je l'appelle, moi. L'ennui total. Ou alors, c'était très shoegaze. Et il n'y avait pas de scène. J'avais écrit le I Am Here Manifesto pour dire : nous, on va faire les choses. Les gens de la plus vieille génération viennent pour nous parler d'eux-mêmes, mais les choses ont complètement changé. Moi, j'ai commencé à faire de la musique en 2007, l'année où l’industrie de la musique s’effondre. L'âge d'or est fini, il n'y a plus d'argent, c'est le discours qu'on entend… et qu'on entend depuis 2007, sans discontinuer : il n'y a plus d'argent... et jamais on ne retrouvera ces espèces d'années folles qu'il y a eu avant, où les mecs avaient des chauffeurs 24h24, etc. C'était une "époque révolue". Et du coup, je me disais que cette génération-là ne pouvait pas nous aider, elle n’avait pas les clefs du post-collapse. Il n'y a que nous à pouvoir savoir ce que nous devons faire. Penser comme ça, ça libérait aussi la pensée qu'on ne peut pas se faire manipuler par la peur… parce qu'au début de Savages, nous entendions beaucoup de discours du genre : "si vous ne signez pas ce deal, vous ne serez plus rien dans un an"… ce qui était quand même le discours majeur. Moi, j'ai vachement résisté à ça. Et on a pu signer un deal incroyable avec Matador grâce à ça, en licence, pas en artist deal. J'ai bataillé dur… Le manifesto, j'avais besoin de l'écrire parce que nous étions un groupe et qu’il nous fallait nous rassembler derrière des idées, une vision. Ecrire un manifesto, c'est une façon de se montrer et de dire : "regardez, voilà ce qu'on fait." Les mots, comme des flèches. Il y a une cible, on utilise les mots. Ils sont là pour toucher une vérité, tout droit. De cœur à cœur. Un manifesto, c'est parfait pour ça je trouve.


Chez Savages [photo ci-dessus, 2015], les tenues étaient très serrées, sobres. Quel rapport entretiens-tu avec le code vestimentaire ? À quel point travailles-tu ça ?

Notre idée a été de ne montrer aucun signe ou de ne donner aucune excuse aux journalistes : ils n’avaient pas à parler de nos vêtements, nous voulions les forcer à parler de la musique. À Londres, avant que nous démarrions Savages, il y avait un groupe de filles nommé Ipso Facto (NDLA : le quatuor psych-goth-pop emmené par Rosalie Cunningham a œuvré de 2007 à 2009 : plusieurs singles sur 2007-2008, un EP en 2009) : ça n’a rien donné du tout et juste avant que nous arrivions, ça a buzzé un peu à Londres autour d’elles. C'était un très bon groupe. Quatre filles. Et elles étaient très, très stylisées. Très féminines, fashion. Et très vite, j'ai vu qu’elles se faisaient récupérer par tous les magazines et le monde de la mode. Personne ne parlait jamais de leur musique. Et voilà, le groupe n'a quasiment rien fait. Moi, j'ai vu ça, j'en étais très proche ; et quand Savages a démarré, j'ai tout fait sauf ça. Nous avons refusé toutes les offres des magazines de mode, etc. Pour nous, c'était hyper important d'être prises au sérieux en tant que musiciennes, nous n’étions pas là pour servir une autre cause. Donc, nous nous habillions en noir. C'était des uniformes, noir total, personne n'avait droit à de la couleur sur scène. Zéro marque, rien Et ça a marché. Ça, c'était les débuts. Et après, entre Savages et mon projet solo, j'ai été appelée par beaucoup de marques qui m'ont payée pour défiler, que ce soit Gucci, McQueen… J'ai fait ça, c'était intéressant, en tout cas à l'époque j'avais envie de ça. C’est comme le cinéma : ça arrive un peu au même moment et c'est intéressant, c'est nouveau… En résumé, avec la mode, c’était : quel est ce monde qui m'appelle ? Aujourd'hui, j'en suis un peu revenue, parce que et surtout avec cet album-là. Le tapis rouge, il y a un truc un peu grisant et fun, honnêtement, mais il y a aussi là-dedans ce quelque chose de pas très bon pour l'ego. On peut s’y perdre un peu, et surtout ça n’amène pas à grand-chose, ce n'est pas très inspirant.

Il n’empêche que le vestimentaire fait toujours partie de l’équation, aujourd’hui…
Quand nous avons fait le nouvel album ensemble avec Johnny, nous avons travaillé l'image en même temps que nous étions en studio. Nous avons fait des photos, on avait de quoi prendre des images chez nous, développer nos propres clichés argentiques, faire des vidéos et des t-shirts. Johnny a installé un atelier de scénographie, on faisait des artworks, des t-shirts… Nous pouvions être dans le studio en train d'enregistrer les paroles de "Broken Rib", et moi de dire : "ah, ça serait bien de faire un t-shirt Broken Rib"… Du coup on faisait le t-shirt, après je le porte, je prends une photo, puis je pars rechanter. C’est beaucoup de travail en même temps.

Tu es la seule enfant non baptisée de ta propre famille. Ton père n’a pas voulu que tu le sois et dans un autre échange (NDLR : à paraître dans la revue Persona fin 2025), tu expliques que ta grand-mère t'emmenait beaucoup à l'église parce que tu étais un peu celle "qu’il fallait sauver". Dans quelle mesure les valeurs de ton cercle familial ont-elles imprégné ton paysage culturel et moral, ton éthique ?
Je me souviens avoir été très intriguée par Nick Cave lorsqu’il a écrit Et L’Âne Vit L’Ange… Lui a intégré la religion dans sa musique, vraiment. PJ Harvey aussi. Deux artistes que j'écoutais beaucoup, ado. Il y avait l'idée de Dieu, d'une spiritualité. Moi, ça m'intéressait en termes poétiques. Après, là où il y a eu vraiment un gros changement pour moi, c’est à mes 28 ans je crois, en pleine époque Savages. Je découvre Carl Sagan, l'astrophysique et je ne comprends rien de l'univers. Je n'avais aucune idée de ça avant. Aucune conscience de la Terre, de l'univers, des systèmes solaires, des galaxies, des trous noirs… Et quand j'ai commencé à regarder la série Cosmos, présentée par l’astrophysicien Neil deGrasse Tyson, et à lire Demon Hunted World… alors là ! Je suis allée visiter la NASA pour rencontrer les chercheurs de l'infini, appréhender les programmes SETI (NDLA : recherche sur la présence extraterrestre), rencontrer tous ceux qui bossent là-dessus et font des recherches sur Mars. Ça a changé ma vision, ma spiritualité, parce que ça a été une espèce de... j'allais dire le mot "réponse", mais ce sont en fait des questions, plus que des réponses. Des questions sur l'origine, la non-réponse sur notre origine. Ma perspective, alors, s’est transformée.

Ces dernières années, en particulier depuis 2018, nous t’avons vue à plusieurs reprises sur les écrans, grands comme petits. Ton père est lui-même metteur en scène, bref, il y a de l’ADN là-dedans... Qui imprègne le plus l’autre dans ton expérience, du personnage ou de celle qui le joue ?
Eh bien, un personnage, c'est... (hésitation) Alors déjà, on le travaille à plusieurs. C'est génial au cinéma, c'est-à-dire que… quand je fais Amber Sweet dans Les Olympiades, pour Jacques Audiard, il y a Virginie Montel, aux costumes. Elle amène des idées de tenues, de make-up. Elle nous met une perruque, applique un type de maquillage… et le personnage, il arrive un peu par ce biais-là. Ensuite, il y a les dialogues. Il y a Adrien Tomine qui a écrit la BD, il y a ensuite la réécriture avec Audiard et Léa Mysius. Et après, on improvise dessus avec Noémie Merlant (NDLA : dans le rôle de Nora). En fait, il y a plusieurs étapes, plusieurs personnages. Et puis les décors apportent une autre couche de réalité au personnage… Je ne suis pas seule ! Moi, je trouve ça toujours un peu drôle, les gens qui reçoivent des prix pour des rôles ; parce que le prix, on le donne à l'acteur, c’est cool, mais l'acteur, il porte une veste. Et ça joue vachement, aussi. Une veste, dans un film, peut gâcher le film. Une perruque dans un film peut gâcher un personnage. C'est vraiment un travail collectif… Moi je me dis toujours, quand je commence à lire un scénario : le personnage, il est loin de moi. Et plus je travaille, plus il arrive. Et je réalise, souvent, qu'il n'est pas si loin que je le croyais.