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Album
01/09/2025

Joy/Disaster

XX

Label : Joy/Disaster
Genre : rock gothique acéré
Dates de sortie : 2025/05/25 (digital) / 2025/10/25 (physique)
Note : 78%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Quel beau projet ! Les années s'envolent et, si on n'est pas attentif, on n'y prête guère attention, dépassés que nous sommes par l'actualité, le quotidien, les projets. Tout au plus voit-on les enfants qui grandissent si vite, les stars du rock et du cinéma qui s'éteignent et avec eux, comme le sentiment d'une époque qui se fait lentement gommer.

Pourtant ces années enfuies méritent parfois la lumière : ainsi les anniversaires des groupes ou d'un album culte, bénéficiant alors de rééditions, remasterings et petit coup de projecteur. Pour Joy/Disaster, ce qui est espéré, ce sont les pleines lumières de la rampe, tant cette idée de célébrations était ancrée en eux depuis quelque temps. XX est donc d'abord une compilation. Elle célèbre, nous nous en doutions, les vingt ans du groupe (premier album en 2006, titres présents sur myspace et une démo dès 2005). La tracklist est simple : garder deux titres de chacun des disques sortis pour raconter le groupe, ses mélodies, son histoire. Mais pas ses couleurs sonores : en effet, le groupe, plutôt qu'un remastering à la va-vite, a préféré rejouer tous les titres. Comme il le fait en concert. On y perd parfois en délicatesse et décalage : je suis adepte des premières étincelles et "Artemis" sonnant pro se heurte à mes souvenirs. On y gagne en puissance et en nouvelles émotions à d'autres moments, les plus nombreux. "Fade away" est un morceau que je chéris depuis si longtemps (sorti en 2007) et il me donne de nouveaux frissons. La relecture, l'actualisation magnifient ce qui avait déjà été écrit. "White Attraction" s'ouvre à un solo en double piste délicieux et la manière douce a été appuyée. Oui, il y a moyen de pousser plus loin un titre que je jugeais pourtant parfait dans sa forme, à l'époque.

D'ailleurs, le choix des morceaux, que deux titres par disque, je le rappelle, me conforte dans mes goûts puisque le groupe a souvent sélectionné des chansons que j'avais moi-même placées sur des compilations pour ma moitié. Un album est un ensemble, avec ses variations, sa structure portée par différents éléments. Pourtant lorsque vient l'heure de la compilation, on sait ce qu'est un tube, un single. Une chanson. Et Joy/Disaster en a composé beaucoup en vingt ans. "Something" a ainsi besoin d'être redécouvert car c'est un moment où, en tant que chroniqueur, j'ai l'impression de prêcher dans le vide, alors que le label Manic Depression avait sorti l'album Resurrection en plusieurs formats.

Le groupe a évolué, mettant de plus en plus les guitares en avant, apprenant à les faire sonner, à la fois comme un cadre et comme une atmosphère, une intention et sa réalisation, une attaque et son arme. La voix se module face à cette âpreté, portant en elle les variations quand la pression des instruments est forte, directe, frontale. Ces relectures éclaircissent les propos tenus : chez Joy Disaster, on parle de l'âme qui souffre et se bat. La musique illustre cette tension ("Paranoïa").

Bien sûr, ça va vite, une compilation. En empilant les titres, elle efface le parcours, lisse les difficultés. Il est important de dire le choc que fut l'album Sickness, dès sa pochette et son foisonnement (quinze titres !), un tournant dans l'histoire du groupe, pour moi qui était à l'extérieur. Un moment où les guitares et le plaisir de composer sans faire de cadeau s'imposent : "Suicide" le clame à renfort de sonorités sourdes et de grondements surgissant au passage de la première minute. Une fois ces choses fortes posées, il y avait la place pour enténébrer de nouveau, mais hors des sentiers battus du rock gothique, dans un univers à soi, singulier (« Days of Funeral » que je redécouvre). Le groupe est alors rasséréné sur les années plus récentes, composant des titres moins flamboyants, plus sereins. Les compositions ont des harmoniques racées, des rythmiques efficaces : elles témoignent d'un rapport plus apaisé à la création, plus maîtrisé. "Nature" a tout d'un tube college radio, simple, carré. Et cette fois, le son utilisé est celui de l'actualité du groupe, avant un nouveau bouleversement (voir l'interview associée à cette sortie).

Pour faire la fête, on a beaucoup d'invités (voir la tracklist), dont Nicolas Giraud et Emeric Baly, ex de Joy/Disaster, revenus jouer et enregistrer pour l'occasion.

À l'heure actuelle, le groupe a sorti neuf albums (et quatre live officiels et une session acoustique et trois singles...), le dixième arrivera sous peu. Il fallait donc deux titres pour totaliser vingt pistes et on a droit à deux inédits. « Cold Reasons » dont le synthé délicat contraste avec la rage des guitares sur le refrain et "Ghost" aux guitares déliées, climat grisé de belle facture.

Venons-en au principal, que les plus pressés auront découvert en cliquant sur l'un des liens : cette compilation rétrospective prend la forme d'un double vinyle marbré, avec un livre de soixante-quatre pages ! Paroles, photos de chaque époque du groupe. C'est un objet riche, de collection, un format qui va marquer.

Tracklist
  • 01. Artemis (J.D. - 2006)
  • 02. Lobotomy (J.D. - 2006) avec Jean-Philippe Naud (ex-Camp Z) et Sébastien Vigneron de Dorcel
  • 03. Fade away (Paranoïa – 2007) avec Sébastien Vigneron de Dorcel
  • 04. Paranoïa (Paranoïa - 2007)
  • 05. The Light (StäyGätôW - 2009)
  • 06. White Attraction (StäyGätôW – 2009) avec Nicolas Giraud et Emeric Baly
  • 07. Sweetie Monkey (Sickness - 2012)
  • 08. Suicide (Sickness – 2012) avec Fabien W. Furter de Death Whore
  • 09. Broken Promises (Broken Promises - 2013)
  • 10. Days of Funeral (Broken Promises - 2013)
  • 11. Kisses & Pain (Resurrection – 2018) avec Cyril Muller de Dorcel
  • 12. Someting (Resurrection – 2018) avec Nicolas Giraud et Emeric Baly
  • 13. Dealer of Life (Æternum - 2019)
  • 14. Extinction (Æternum – 2019) avec Michael Aliani de Chiron
  • 15. Blind (From Stars to Angel - 2022)
  • 16. Nature (From Stars to Angel - 2022)
  • 17. Wiping Tears (Hypnagogia - 2023)
  • 18. Whispering to the Wall (Hypnagogia – 2023) avec Cyril Muller de Dorcel
  • 19. Cold Reasons
  • 20. Ghost