Ils n’en sont pas à leur coup d’essai. Quinze ans qu’ils s’associent en art ; et ils s’y entendent, à créer ce halo de mystère à travers les nappes de brume acoustique et de guitares lunaires. Van Wissem tient ce luth duquel jaillit un cristal aux vibrations Renaissance. Jarmusch fait écho, trace avec sa guitare des lignes sinueuses et minimales. Sur The Day The Angels Cried, comme hier parfois, elles ont la force de suggestion de ces dunes que dessinerait à grands traits un Hugo Pratt. Un son de peu de couches, et un film intérieur qui déroule à suivre les lignes. Le vent de la faucille est silencieux : c’est un art funéraire anti-démonstratif, nuancé. Dans le deuil se tapit une petite lumière ("To those who mourn").
Le sort des anges est funeste, à n’en pas douter, ce que suggère le visuel de la pochette emprunté à Odilon Redon (une gravure de la fin du XIXème siècle). La vibration est fragile, pénétrante, tout tient à un fil, images de désert intérieur ("There is no Answer"). Le désert : espace où se perdent les âmes, et où demeure l’âme du western. Jarmusch intègre des voix, une récitation. Les mots viennent des rêves, ils ouvrent la porte vers les vôtres, ne content nulle histoire. Force suggestivité en cette collection d’ambiance et de feutre. Le son est une autre forme de cinéma : ce sont les fragilités mystiques, ce coulé tranquille qui esquisse les lisières des songes.