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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
29/07/2019

Judith Juillerat

"J'aime fabriquer mes sons de manière intuitive"

À propos de : 'Oneironautics', cru studio 2019 (UPR Records)
Genre : sweet industrial
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Elle a remixé Björk, a travaillé avec T. Raumschmiere, a repris Psychic TV. Son histoire est liée à celle d’Unknown Pleasures Records et ce n’est pas pour rien si son nouvel album Oneironautics sort sur le label de Pedro Penas Robles.
Judith Juillerat a répondu aux questions d’
Obsküre, et tout est là. Où il est question de rapport  aux  instruments,  à la nature, et au monde en général. Histoires de valeurs.

Obsküre : Qu'as-tu expérimenté de nouveau lors de la composition et de l'enregistrement de ces nouveaux titres ?
Judith Juillerat : Je pense avoir surtout exploité un peu plus le potentiel de mes synthétiseurs analogiques, dont je ne vois toujours pas les limites !... Mais pour être honnête, je n'ouvre jamais les manuels car j'aime fabriquer mes sons de manière intuitive, ce qui me permet d'avancer pas à pas. Et surtout ça décuple le plaisir... Donc, oui, de nouveaux sons, je pense. Une approche et une technique un peu plus maîtrisées également. Parallèlement à ça, j'ai utilisé davantage d'instruments dans cet album que dans les précédents : synthétiseurs et boîtes à rythmes analogiques mais aussi basse, métalophone, percussions, saz, melodica, flûte... même si j'avais déjà entamé cette démarche dans un EP, Screen Door, sorti en 2016 chez Lentonia Records mais qui était un projet particulier autour de l'Inde et de l'Indonésie.

Le digipack élaboré sert ses visuels : que souhaitais-tu transmettre en termes d'émotions avec ce format ?
Déjà, il faut savoir que je suis très attachée aux objets – mais pas matérialiste ! – d'ailleurs souvent chargés en émotions. Et je dois avouer que j'ai toujours eu une nette préférence pour les vinyles... Alors quand Pedro d'Unknown Pleasures Records m'a proposé – à défaut d'un vinyle justement – une édition limitée hexagonale à six pans sur lesquels figureraient les splendides photos d'Amo Passicos que j'avais sélectionnées au préalable, j'ai été comblée : l'objet CD est magnifique ! Et je trouve ça primordial d'accorder une importance à l'esthétique ou aux belles choses, à l'ère du tout numérique/tout plastique et du consommable/jetable...

Le climat d'ensemble de l’album est intime avec des touches plus violentes : ton environnement social amène-t-il dans ta création la transcription d'un certain inconfort ?
Je pense que ma musique reflète effectivement mon rapport au monde, ou mes sensibilités propres face à une société que je trouve rude, tellement éloignée de certaines de mes valeurs, entre autres du respect de la nature par exemple... Je suis une idéaliste, donc très souvent déçue par le tournant que prennent les choses... Et ça n'est pas prêt de s'arranger. Au-delà de ça, j'ai toujours trouvé la dynamique des paradoxes intéressante, surtout en création, parce qu'elle renforce les dimensions des émotions. Et l'entre-deux n'en devient que plus riche.  Et puis la vie est paradoxe aussi !... Je crois que j'aurais du mal à créer sans ces notions de contraste, j'ai besoin d'explorer – et de retranscrire – toutes ces facettes.
 
Oneironautics : que symbolise ce terme pour toi ?
Étymologiquement, le mot fait directement référence aux Oneiroi, les dieux personnifiant les rêves dans la mythologie grecque – que j'ai toujours beaucoup appréciée. Littéralement, il signifie donc le fait de pouvoir naviguer à travers ses rêves, et peut renvoyer, par extension, à ce qu'on appelle les rêves lucides ou la capacité d'avoir conscience d'être en train de rêver... Encore un antagonisme ! J'ai toujours été fascinée par les rêves, par cette imbrication de réel et d'imaginaire, comme une nouvelle réalité à la fois douce et inquiétante. Et puis le rêve est une sorte d'exutoire, tout comme la création artistique. C'est donc très naturellement que l'idée de travailler sur ce thème m'est venue, et le titre s'est ensuite imposé telle une évidence... Ou comme une invitation à un embarquement ?...