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Album
26/10/2025

Julii Sharp

Burning Line

Label : Only Lovers Records / Modulor
Genre : folk rock
Date de sortie : 2025/10/24
Note : 78%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Julii Sharp a deux balises à sa musique. Tout d’abord une folk acoustique école anglo-saxonne, comme sur le beau final intimiste "Atmosphere" ou sur "Phantom" proche dans le toucher d’un "Suzanne" de Cohen et des ambiances cotonneuses de Nick Drake. Ensuite, une musique pop-rock héritée des années 1990, comme sur le très efficace premier single « Pirate in the Room ». Ses compositions vont et viennent sur cet océan. Pas de frontières marquées, on se laisse bercer par les courants, ainsi qu'avait su le faire en son temps Ben Harper, puisant à différentes eaux pour faire voguer ses albums. 

Julli Sharp est de l'ancienne école. C'est-à-dire qu'elle compose et produit sa musique en liberté. Pas de The Voice ou autre attrape-talents forcés à se lisser. Elle est cousine en ça de Shannon Wright, PJ Harvey et des filles-femmes indépendantes et riches de leurs seules capacités. Concert après concert, Julii a su fédérer des forces pour ce premier album, après un EP confidentiel. Un clip magnifique, un vrai label, un management qui fait les choses dans l'ordre. L'album est un ensemble agencé pour varier les atmosphères : pas une face paisible versus une autre agitée ; non, on passe des murmures de « Balconies » aux premiers feux de cheminée de "AB November", bûche qui crépite et scintille en illuminant la pièce. Sur ce titre et sur "Rainbow", je retrouve un peu de la grâce rugueuse des Throwing Muses dans cet ancrage americana souillé par un rock saturé.

La guitare est déliée, le son capté au plus proche, et les arrangements tissent un cocon de délicatesse. Ainsi "Phantom" se permet un doublage de la voix sur le refrain, et un effet de micro reléguant la piste en décor, avec un léger écho, comme pour mieux aborder ces choses trop vite enfuies. La plupart des textes, dans une écriture élégante et fluide, explorent cette idée de disparition, de regrets, d’appels à l’autre, de possibilités de revenir sur le passé ou de modifier ce qui était trop sûrement écrit.

"Chrysalis" garde sous la saturation des guitares de la place pour une ligne de basse dynamique et des chœurs : quand la musique s'emballe, le chant garde sa tendresse, évitant un aspect trop ouvertement grunge ou noisy. En leur temps France de Griessen et Rivkah ont affronté elles aussi la difficulté de vendre une musique libre et hors des cases.

Les sursauts de rage, le groupe qui entoure Julii les réserve pour les dernières secondes des titres, lâchant alors la bride, pour un galop final ("Pirate in the Room", "Chrysalis"). « Chrysalis » a même des airs de Placebo ("A Song to say Goodbye") sur ce final enlevé. Sur "Neige", c'est l'introduction qui rend hommage à My Bloody Valentine. Le groupe fait corps avec la chanteuse et elle l'assume : ainsi "Loratzerat" fonctionne au trois quart comme un instrumental, laissant les musiciens s'exprimer, tandis que la batterie finit en solitaire "Neige".

Embarquée dans un circuit promotionnel, Julii a de quoi grimper un ou plusieurs paliers : des atouts musicaux doux-amers, des références culturelles et l'envie de s'ouvrir au monde.
On n'aura pas loupé ce démarrage prometteur.

Tracklist
  • 01. Burning Line
  • 02. Pirate in the Room
  • 03. Balconies
  • 04. AB November
  • 05. Phantom
  • 06. Rainbow
  • 07. Chrysalis
  • 08. Loratzerat
  • 09. Neige
  • 10. Atmosphere