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Album
20/02/2020

Larme Blanche

Demain Est Mort

Label : Unknown Pleasures Records
Genre : chansons cold-synthétiques
Date de sortie : 2020/01/20
Note : 65%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

À l'heure où ces lignes sont écrites, les supputations vont bon train sur l'identité qui se cache sous le nom de Larme Blanche (un titre de Marc Lavoine) et derrière un joli masque. Ne comptez pas sur le prolixe patron du label UPR pour avoir des infos puisque lui-même n'a été qu'en contact virtuel avec l'auteur de ces titres. Tout compte fait, à quoi bon ?

Le disque parle de lui-même. S'il s'inscrit pour un quart dans une vague de synth-pop parlée déjà entendue, il se distingue très rapidement par des titres plus politiques et porteurs d'une nostalgie forte.
"Paris la Nuit" est une sorte d'hommage à ceux qui ont chanté la déliquescence de la capitale française (dont Daniel Darc et son "P.A.R.I.S.") sous musique electro-synth-pop. Un format chanson qui rappelle La Main, Position Parallèle, Violence Conjugale ou les précurseurs à leur façon de Guerre Froide. La mise en avant de la voiture et du futur sous un mode narquois renvoie à Plastic Bertrand et à CORPS. La techno minimaliste aux boucles hautement répétitives conduit à l'hypnose facile, quand bien même les ajouts décoratifs scintillent pour qui sait entendre.
La bascule vers l'EBM et des textes plus mystérieux ("Seppuku" en mid-tempo habité de détails) donne la profondeur nécessaire à l'assaut de Larme Blanche ; le virage vers le meilleur du disque se produit dès le troisième titre, "Nibiru", noir et rétro, amplifié par les superpositions de voix et le souffle final. Dès lors, on enchaîne avec grand plaisir ce courant froid aux refrains forts : "Taiga" se permet un revival proto-electro qu'il sature en un triple degré qui crée malaise (Bashung, Sindrome, parodie d'IAM sur "Achevez-Moi"). Les climats se densifient et l'amour frappe des coups sourds ("L'Obscurité de tes Doigts") et cisaille les invitations au suicide et à l'amour vache. À part, "Overdose d'Epicure" trace sa propre voie : ralentissements multiples, saxophone au premier plan (joué par le Toulousain Quentin Dubarry qu'on a vu à côté de James Kent de Perturbator dans L'Enfant De La Forêt).

"Assez" et "Le dernier Soupir" forment un duo époustouflant. Laissant la voix à d'autres, le propos se fait politique et social. "Assez" fustige le capitalisme, observe avec chagrin le saccage de l'Arc de Triomphe, voit la France républicaine sombrer, tandis que sourient Marine et Jean-Luc. Renvoyés dos à dos, "la peste bolchévique et le choléra nationaliste" n'offrent pas d'échappatoires. Le slogan est bien trempé, mais les causes et sorties de crise ne sont pas données. Il y aurait eu tant à dire de ces sursauts populaires dans les campagnes, de leur traitement médiatique, des plaintes d'en bas et des dédains d'en haut. Reste l'enfermement et le repli... ou la poésie, telle que celle déclamée par André Malraux lors des funérailles de Jean-Moulin.
Sur cette dernière piste ambient et bruitiste, Larme Blanche se hisse au niveau des docu-fictions établis par Rome. Grandiose et passéiste, ce discours historique d'un monde qui s'éteint se voit apposé un final décalé qui se demande où sont passés les héros, et qui vitupère contre les fausses gloires numériques.

Le disque est dédié à la mémoire d'Elisabeth Hamelin et à celle de Nicolas Fournet (chanteur de Violet Stigmata).

Tracklist
  • 01. Paris la Nuit
  • 02. 88 mph
  • 03. Nibiru
  • 04. Taiga
  • 05. L'Obscurité de tes Doigts
  • 06. Seppuku
  • 07. Overdose d'Epicure
  • 08. Assez !
  • 09. Le dernier Soupir
  • + Demain est mort [hidden bonus]