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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Arkhive
26/08/2022

Love Like Blood

1988-2001 | La discographie commentée par Gunnar & Yorck Eysel

Genre : gothic rock / metal
Arkhïve | source : www.obskuremag.net 2011 | bonus web paru à l'occasion de la sortie en kiosques d' 'Obsküre Magazine' #4
Posté par : Emmanuël Hennequin

À l’occasion de leur retour sur scène en 2011 et pour deux concerts seulement (le Wave Gotik Treffen de Leipzig et le Shadowplay Festival à Kortrijk, les 15 juin et 23 juillet), les frères Eysel, Yorck (chant) et Gunnar (basse) avaient accordé un long entretien à Obsküre. Ils y démontaient pour nous les ressorts d’un comeback tardif : ces dates ultimes avaient pour seul but de formuler un au revoir, un vrai, dix ans après la parution de l’ultime album de reprises Chronology Of A Love-Affair (Hall Of Sermon, 2001). Le moment nous semblait alors idéal pour leur demander de porter un dernier regard sur toutes les choses qu’ils avaient faites depuis la fin des années 1980 et qui, au cœur d’une Allemagne gagnée par l’electro-goth, avaient maintenu en vie une tradition à guitares : celle d’un gothic rock habité, organique et évocatoire, lequel bascula progressivement vers des épaisseurs métalliques à partir du quatrième album, Exposure (1995).

Dans l’attente d’un article détaillant notre ressenti sur tous ces disques et leur histoire à paraître dans la revue papier Twice (commandez la ici), redécouvrez tout ce que les deux cofondateurs de Love Like Blood nous avaient expliqué avant de refermer ce long chapitre de leur vie… et de la nôtre.

SINISTER DAWN / ECSTASY
(EPs originels : Deathwish, 1989 + 1991 / compilation : Rebel Records, 1992)

Yorck Eysel : Ces deux EPs ont été les meilleures choses que nous étions en capacité de faire au moment de les faire… mais je suis sûr que nous les aurions mixé d'une manière très différente si nous avions agi plus tard.
Gunnar Eysel : C’était un projet à petit budget, et si je te dis petit, je veux dire vraiment vraiment tout petit petit (sourire). Mais ces enregistrements ont quelque chose, le parfum de la "virginité". Je ne peux pas mieux l'expliquer, mais tu perds ça d'une certaine manière sur les enregistrements qui suivent. Il reste que les deux EPs avaient été enregistrés dans un instinct, un besoin d’action. Nous voulions le faire. Nous parlions à tant de maisons de disques à ce moment-là, et personne en retour ne montrait vraiment d'intérêt... Nous avons donc décidé que n'importe quelle sortie sur notre propre label vaudrait mieux que rien !

FLAGS OF REVOLUTION
(Deathwish / Hypnobeat, 1990)

Yorck : Ça a été une super sensation et un authentique plaisir de terminer ce premier album. Le son était assez sec pour l'époque, pas très typique.
Gunnar : C’est notre album le plus vendu en fait, nous étions et je suis toujours très fier de ce disque. Flags Of Revolution a tout du vrai bon premier album. Il se passe quelque chose de neuf. Avant les enregistrements, nous avions passé des heures interminables dans une salle de répétition à arranger toutes les chansons, alors tenir enfin le tout premier album entre ses mains… c’est un moment très, très spécial. Des chansons comme "Doomsday" ou "Johannesburg" sont et seront sûrement toujours des classiques au sein de de notre discographie.

AN IRONY OF FATE
(Rebel Records / SPV, 1992)

Yorck : Ici, tout s'est parfaitement déroulé, les chansons et le son se sont retrouvés en plein accord et nous étions heureux d’être en capacité de faire cela sans notre ancien auteur-compositeur et guitariste.
Gunnar : Oui, je suis d'accord. Premier vrai studio professionnel, nouveau guitariste, un tueur (NDLR : Mark Wheeler, qui jouera un rôle clef dans le développement de la typologie sonore de Love Like Blood) et nous étions complètement paniqués pendant les enregistrements, An Irony Of Fate était le premier album avec une maison de disques derrière. Cet album est "par excellence" le disque plein et équilibré : que des titres forts ! C'est parfait, de la première à la dernière seconde. Cet album est toujours comme une symphonie pour moi. À tous les jeunes lecteurs, jetez une oreille à ce disque – vous ne le regretterez pas !

ODYSSEE
(Rebel Records / SPV, 1993/1994)

Yorck : Ça n'a pas été facile et nous nous sommes séparés de notre guitariste cette fois-là.
Gunnar : Oui, ce sont les émotions de ceux qui ont vécu le processus de l’intérieur, mais je ne pense pas qu’Odyssee nous voie en perte de vitesse par rapport à An Irony Of Fate. Prenez "Don't leave me", "Fallacious World" ou "Night is young" (NDLR : la rédaction d’Obsküre en prend plein d’autres, pour ne pas dire la totale !). Je crève toujours en écoutant ces morceaux. La seule chose qui pourrait peut-être être meilleure concerne la dynamique, mais… qui se soucie de la technique ?

EXPOSURE
(Rebel Records / SPV, 1995)

Yorck : C’est notre album le plus atypique, et je pense qu'on ne joue plus de morceaux en live issus de ce disque depuis longtemps.
Gunnar : Croyez-moi ou non, à chaque fois que cet album, accidentellement (sourire), trouve un chemin vers mon lecteur CD, je profite du moment. Exposure marque le moment où nous avons exploité des ressources et influences différentes de celles des années 1980, et je crois surtout que cet album est sorti avant son heure. Tu as raison Yorck, Exposure est un "morceau", mais il est aussi fort que les albums précédents. Différentes ambiances et humeurs, mais si vous aimez les sons plus doom, c’est un disque très fort. Beaucoup de riffs se trouvent sur Exposure que j'ai entendus sur des disques devenus célèbres plus tard et cette fois, considérés comme "cool". Exposure, ce n’est carrément pas de la musique d'ascenseur ! Écoutez "Lethal Radiation", "Hide" ou "Shed your Skin" et tournez votre volume à 11. Comme ça monte, à quel point c'est lourd mec ! Exposure est encore en rotation régulière dans ma voiture, je te jure.


SNAKEKILLER
(Hall Of Sermon, 1998)

Yorck : Un album très puissant avec un son explosif, écrit, enregistré et produit avec une configuration complètement différente (NDLR : un line transitoire, différent en studio du Love Like Blod reconfiguré qui avait préparé les démos.)
Gunnar : Yeepee, les vibrations scandinaves sont ce qu'il y a de mieux. Salutations à mon ami Peter Tägtgren (NDLR : producteur et homme de studio sur l’action, par ailleurs leader de Pain et Hypocrisy) ! Des moments inoubliables, plus de doom dans le son, plus de metal et encore un jalon dans notre discographie. Les amis, je crève encore (comme ça m’est arrivé sur scène) en écoutant des chansons comme "Phrases", "Liberation" ou "Brainchild". Mes favorites, personnellement, sont "Whispering Memories" et "Lost Evidence". Je me demande toujours pourquoi personne ne parle ou n'écrit jamais à propos de ces morceaux.

ENSLAVED + CONDEMNED
(Hall Of Sermon, 2000)

Yorck : Du point de vue du son, c’est peut-être le meilleur album. Nous avions un très bon studio à cette époque.
Gunnar : C'est vrai, je suis toujours profondément reconnaissant à notre producteur Simon Efemey (NDLR : à l’œuvre sur certains des travaux studio les plus connus de Paradise Lost) pour son travail brillant (…). Je n'écoute pas beaucoup mes propres créations, mais lorsque je le fais avec Enslaved, je suis toujours aussi enthousiaste. Je n’arrive pas à croire que nous ayons réussir à sortir un truc pareil. "Enslaved" est tout simplement énorme. Mes favoris : "Love Kills", "Silver Shot", "Passionate" et bien sûr "Remember". Encore un album qui a peut-être frappé le monde au mauvais moment ou trop tôt. Ça me manque beaucoup de ne pas avoir joué cet album en live !


CHRONOLOGY OF A LOVE-AFFAIR
(Hall Of Sermon, 2001)

Yorck : C'est une compilation de nos chansons préférées, nous étions ravis d'avoir la chance de faire un album comme celui-ci. Une compilation best of de nos propres chansons tirées d'albums existants aurait été très ennuyeuse pour nous tous.
Gunnar : Peut-être le plus gros malentendu, même si le titre de l'album dit déjà "... une histoire d'amour" ?… Je me déteste d'avoir choisi "Black No.1" de Type O Negative, mais c'est tout ce que je peux dire de mal à propos de ce disque. Je suis resté un peu déçu parce que je m'attendais à ce que plus de fans de musiques gothiques ressentent la même chose que nous. Des discussions insensées comme "pourquoi tu n'as pas choisi ça ou cette chanson ?" ou "c'est juste de la merde par rapport aux originaux" font vraiment mal. Mais (…) je suis tellement reconnaissant à Tilo Wolff et Hall Of Sermon de nous avoir donné la chance de faire ce disque !... Je pense aussi que "Copycat", de Lacrimosa, est l'une de nos toutes meilleures reprises.
Voilà… nous avons fini ? Mec, je viens de réaliser que je suis en pamoison face à chaque album que nous avons fait. Je ne plaisante pas. Crois-moi, nous ne promouvons plus de disques, puisque nous ne sommes plus dans le music business. Ce serait merveilleux de partager tous les souvenirs que j'ai encore en tête, mais garde cela : chaque album reste quelque chose venu droit de notre cœur, de notre vie personnelle et reste extrêmement intense. C'est l'amère vérité, toutes les chansons sont encore comme nos propres enfants, avec plein d'histoires et de légendes à raconter, tapies à l’intérieur. Alors comme pour des enfants, n'est-il pas naturel de se dire finalement : "aimez-les ou laissez-les" ?