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Album
03/08/2019

Lüderitz

Retour À Barkhor

Label : Factotum
Genre : chansons en mode cold rock
Date de sortie : 2019/06/24
Note : 75%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Lüderitz sort son premier album après bon nombre de EPs, et la carrière bien remplie sous le nom de Torso et les projets annexes de Vincent Fallacara. La pertinence artistique de Vincent est en partie derrière lui, dans notre ressenti : cet album n'est pas une révélation. Face à cette inéluctabilité, un artiste a deux possibilités. La première consiste à sortir de sa zone de confort, à prendre des risques, à tenter de trouver un nouveau son, quitte à renier en partie son ADN. C'est ce qui a été tenté pendant un temps, VinZ se mettant à chanter et à titiller la chanson à textes. La deuxième est sans doute la plus noble : assumer cette vieillesse artistique, revenir aux fondamentaux, à ce qui fonctionne et résonne en soi, quitte à ne pas se renouveler.
 
Face à un monde musical peu empathique, les choix de VinZ ne concernent que des happy few dont je me réjouis de faire partie.
Le titre et les visuels donnent le LA. Avec Torso il avait sorti le titre "Ghorepani" en 2009, sur un disque intitulé Rien De Nouveau (En Quelque Sorte). Durant l'année 2018, il repart en pélerinage dans le sud-est asiatique et se plonge dans Barkhor. Là, il retrouve la sérénité, il revient aux sources. Les textes s'en ressentent. Le remerciement aux Virgin Prunes et la musique rassérénée en appellent à cet état de stabilité émotionnelle, de compatibilité entre lui et la musique. Mona est de nouveau présente dans la dédicace et VinZ a repris la composition en main (secondé par moments par Thierry Bochler). La boîte à rythmes de Doktor Alexis Boxmann déroule ses rythmes, assistée de samples astucieux et évocateurs. Les guitares tissent leurs mélodies minimales en notes aigrelettes, jouant la partition du rock cold sous forme de tubes ("Kampuchea", hymne Indochinois pour le Cambodge, aux images Bdphiles). Les claviers ont la part belle sur le final "Ma Maison est un Leurre", hypnotique et crépusculaire. La voix susurre des paroles amères, multipliant les jeux de mots et les références*, densifiant le mal-être en station suspendue au-dessus du vide effrayant ("Sweet little Boy"). Les climats apportent cependant une légèreté, tenant à la magie retrouvée de compositions efficaces et sensibles ("Jours tranquilles à Inlé"), refusant "les leurres".

Cette aisance à trousser des titres qui s'imposent dans leur similitude au passé me ramène à Leonard Cohen : lui aussi savait son apogée derrière lui et trouvait la nécessité de donner des chansons honnêtes, de faire ce qu'il savait faire. C'est à lui également que fait songer "L'Hiver / Chant d'Exil" lorsque VinZ chante. Pas ma tasse de thé, même si l'émotion musicale est intense et que c'est sur un texte des plus noirs que le chanteur joue la partition vocale la plus travaillée.
 
L'honnêteté et le don de soi parcourent ce disque (une face Soul et une face Heart) d'un renouveau dans le connu. "Les Interstices" ainsi tracés donnent les ponts qui évitent les précipices et dessinent la carte d'une vie avec soi et pour les autres. En famille. C'est donc un disque appelé à squatter la platine et l'autoradio.
 
* Johnny Rotten, The Cure, la nouvelle vague, "Kyoto Song", Dead Kennedys, Kim Wilde, "Sweet Home under white Clouds", la Passion du Christ, Joy Division, Alain Nadaud, Torso...

Tracklist
  • 01. Sweet little Boy
  • 02. Jours tranquilles à Inlé
  • 03. Les Interstices
  • 04. Ha-Giang Loop
  • 05. Kampuchea
  • 06. Barkhor
  • 07. L'Hiver
  • 08. Ma Maison est un Leurre