Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Chroniques

Musiques, films, livres, BD, culture… Obsküre vous emmène dans leurs entrailles

Image de présentation
Album
09/04/2025

Lüderitz

Pas La Peine De Fuir

Label : iMusician / Factotum Records
Genre : rock et poésie noirs et synthétiques
Date de sortie : 2025/03/28
Photographie : Carl Neyroud
Note : 72%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Vincent Fallacara aime Norma Loy depuis longtemps, il l'exprime dans un livre à paraître, auquel je suis assez attaché (sourire). Quel cadeau il me fait avec son nouvel album puisqu'un titre rend hommage au groupe d'Usher, Chelsea (et pas mal d'autres) avec en featuring les deux artistes. "Black Life Matière" est un retour et une flèche tirée vers le futur : le power of spirit se sert de citations, de références pour aller plus loin et dire que finalement, rien n'aura de fin... Tant que la frustration trouvera sa romance, il y aura toujours quelqu'un avec un nouveau son qui se battra pour ses rêves. C'est malin, bien fichu, et je garde un sourire tout du long !

Un peu plus loin, "Obsolète Boomer Syndromes" rend hommage à Suicide, avec une série de punchlines qui frappe l'esprit. C'est le titre narquois dont les paroles se retiennent dès la première écoute avec ce plaisir d'entonner le refrain (et sa nuance à ne pas louper).

Ce disque vient après une série d’EPs et un long format et, dixit Vincent, on est sur l'album de Lüderitz le plus proche de ce qu'il faisait autrefois avec Torso. On ne le démentira pas puisque "Droit dans le Mur" se cale sur un riff de deux notes, tout à fait dans l'esprit de son projet initial qu'il a sabordé un peu avant 2014.

Et même si "On croit freiner", par son angle plus rock'n'roll dans le traitement du son, reste proche de Lüderitz, on garde en tête ce besoin de revenir à un sentiment sombre, et on dira même que cet album va parfois encore plus profond, ainsi "Protée", étouffant, dense, splendide titre de rock gothique moderne. C'est sourd et travaillé dans les effets et les détails. Une cave bien noire. La diction est ralentie, pesante. Magnifique. "Si les Symptômes persistent" use d'une guitare et d'une rythmique très Bauhaus dans le son ; là encore, un cut-up d'aphorismes tente de cerner ce qui ne va pas dans le monde ; la diction s'amuse, découpe les syllabes, met de la variation dans le dégoût. Un beau jeu lexical dans la solution médicamenteuse nécessaire ou dans la nécessité désormais d'en appeler à une hotline...

Un peu de bruitisme sur fond synthétique minimal ("Pas la Peine de fuir") pour un titre déstabilisant, cabossé, malade, bancal : quand le fond et la forme se soutiennent. Je pense aussi à ce que Vincent avait sorti avec Julien Soulier pour cette noirceur plus acceptée, sans l'échappatoire de l'humour.

Enfin, pour finir et ouvrir, un hommage au disparu Jean-Luc Fischbach, ami et soutien pour lequel les notes se font plus fluides, la superposition des pistes permettant de placer drap après drap sur celui qui est parti, alors que les paroles revisitent les œuvres que tous deux ont aimées en commun. C'est beau et triste. Forcément on pense à un trouble générationnel : que restera-t-il de nous, de nos amours, à mesure que les années passent ? Vincent répond à sa façon : on n'a qu'une vie, il faut la vivre à fond, on a loupé Ian ou Daniel Darc, alors on ose aborder Chelsea et Usher.

Tracklist
  • 01. Droit dans le Mur
  • 02. Black Life Matière (avec Norma Loy)
  • 03. Pas la Peine de fuir
  • 04. Protée
  • 05. Obsolète Boomers Syndromes
  • 06. On croit freiner
  • 07. Si les Symptômes persistent
  • 08. S.F.J.L.