You Smile When It Hurts, quelle que soit sa destinée dans votre panthéon personnel, prend aujourd’hui un statut à part. Nous sommes en 2025, dans l’histoire et toujours le parcours en art des Marseillais Martin Dupont. Après l’épreuve Kintsugi (2023, album "du retour" et collection de remakes), cette nouvelle collection studio est la première et pleine création originale signée Alain Seghir & co. depuis plusieurs dizaines d’années. Le collectif opère dans sa "configuration post-Brigitte Balian" : celle qui, au côté des membres historiques, Seghir et Beverley Jane Crew, implique depuis le comeback les anciens Rise And Fall Of A Decade Sandy Casado (voix, synthés) et Thierry Sintoni (programmation, guitares, arrangements additionnels) plus Olivier Leroy. Et ils ont annoncé la couleur dans une courte communication autour de l’arrivée du cru 2025 : "Nous ne sommes pas revenus pour nous répéter."
Martin Dupont l’a-t-il jamais fait ? Certaines constantes demeurent – et heureusement : un sens de l’hypnose, des sons de synthé à l’ancienne (le réfrigérant "Dreamin’ "), la voix d’Alain Seghir : éléments de la marque, autour desquels mutent les reliefs. Mais pour son retour, le Martin Dupont 2025 mise moins sur l’étrangeté expérimentale qui a fait sa réputation dans les années 1980 que sur l’évidence des mélodies et un sens poussé du détail. La vibration de Kintsugi, joueuse, réinventive, annonçait quelque chose. Les orchestrations de cordes (formation orchestrale dirigée en studio par Ferdinand Chupin) parfument les chansons d’élégances et participent de l’élan général. 

Vous ne devez rien au hasard, vous ne faites pas déplacer du monde pour le plaisir ; il y a une préparation, une écriture, une ambition pour cette musique. Prenez cette tentation opératique, que le son du groupe digère et fait resplendir ("Time"). La virevolte des cordes épice le son dès l’inaugural titre éponyme et forme ébullition ("Tired to follow"). C’est assez… jubilatoire. You Smile When It Hurts : une inspiration, une exigence, et le sentiment qui se forme à l’écoute que ce groupe a trouvé une dynamique en propre. Les mélodies sont cohésives, directes pour ne pas dire efficaces. Il y a un chaud/froid dansant ("Reality", oubliez-vous), un déhanché robotique ("Arabian Night") et l’intention de toucher au cœur est manifeste. Pour nombre d’entre elles, les chansons sont taillées pour la scène.
You Smile When It Hurts, assurément un disque de précautions. Parce qu’il n’y pas que l’orchestre. Il y a la présence d’éléments extérieurs, ces personnes que l’on appelle en général par souci de parfaire : Pierre Corneau (Kas Product Reload) imprime de superbes basses sur trois morceaux : "Dark Tunnel" (un élan, le flow des cordes, vous allez danser – grand titre), "Walking alone" (groove ensorcelant) et "Happy Birthday". Il y a l’Américain Blaine L. Reininger (de Tuxedomoon, sur "Arabian Night"), il y a Lewis Evans (The Lanskies, au chant sur "Happy Birthday").
Les rythmes invitent le corps mais un vague à l’âme se tapit. You Smile When It Hurts porte en lui un clair obscur. C’est une musique qui a de la chair, aux atours séduisants et directs. En 2025, Martin Dupont a du jus. Vous, vous les trouverez peut-être changés – qui ne change pas ? – ce n'est plus tout à fait la même bête, mais... la vie est là. Et vous, vous allez danser. C’est sûr.