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Live report
24/09/2025

Mecano Un-Ltd.

Des retrouvailles à Lorient | Pit Dog, mercredi 19/09/2025

Contexte : nouvel album à venir courant 2025, concert unique et sold out en France à Lorient
Photographies : Gweza
Line-up studio 2025 : Dirk Polak (chant) / Tijs Keverkamp (guitare) / Sin Banovic (basse, batterie, synths, séquenceur, chœurs)
Posté par : Töny Leduc-Gugnalons

Bien sûr que nos huit mois d’automne par an pèsent sur les consciences et que la Bretagne s’avère un territoire particulièrement hostile pour tous ceux qui ont grandi au sud de la Loire ; mais quelle autre région peut se targuer d’avoir accueilli les Hollandais de Mecano – rebaptisé Mecano Un-Ltd depuis 2013 - à deux reprises ces vingt dernières années ?

À dire vrai, cette venue à Lorient résonnait un peu comme une revanche après la déception engendrée par leur performance brestoise en 2007 où, de l’aveu même de Dirk Polak, ils avaient quelque peu dénaturé l’esprit du groupe. Alors, forcément, dans l’antre improbable du Pit Dog, terré au cœur de l’ancienne base navale, je désespérais tant de devoir revivre la même déconvenue que j’avais préalablement lacérée, avec une mauvaise foi patente, la plume acerbe et dévastatrice de l’amoureux trahi…

À peine bercé d’illusions, je sentais cette colère ourdir en mon for, las de devoir trop souvent subir ces formations du passé dont les velléités inopportunes de changements n’aboutissent qu’à de médiocres prestations scéniques où elles nous refilent la lie tardive de leur répertoire en boudant la fine fleur de leurs créations, celles-là même qui avaient su envoûter nos cafardeuses adolescences et faire naître l’espoir au milieu de la nuit. Car, en fin de compte, ce que je venais chercher sans trop d’espérance, c’est bien ce post-punk arty pas tout à fait libéré du joug encore vivace d’un punk sur le déclin ; une certaine austérité continentale portée par des textes poétiques et tranchants, inspirés et clairement engagés ; et puis, disons-le sans détours, des chansons aussi rares que précieuses dans le fourmillement d’une époque où le désenchantement social et politique côtoie une force créatrice sans précédent.


Seul rescapé de la formation initiale de 1978, Dirk Polak s’est à l’occasion entouré de quatre musiciens expérimentés dont Peter Jessen à la basse. Quand les faire-valoir charismatiques de Polak s’emparent de la scène pour jouer un premier morceau extrait du nouvel album – dont la sortie est prévue en novembre -, on sent d’emblée qu’une certaine gravité rigoriste semble guider les musiciens vers un abîme de froideur quasi mécanique, comme s’il en allait de la crédibilité artistique du groupe ; comme si, en définitive, tout restait à faire et qu’il leur fallait encore et toujours réécrire l’histoire de Mecano.


Si cette entrée en matière plutôt convaincante nous laisse encore dans l’expectative, l’enchaînement de "Meccano" et "Permanent Revolt", tous deux extraits du premier format court Untitled, assurent clairement les promesses d’un concert exceptionnel et surtout fidèle à nos attentes. La section rythmique portée par la frappe clinique de Sin et la basse épileptique de Jessen impriment une énergie brute qui pare l’ensemble d’une densité profonde, comme sur l’excellent "Escape The Human Myth". La voix de Polak garde, quant à elle, la force expressive de ses débuts, même si cette rage mélodique est souvent contrebalancée par une attitude chaleureuse qui tend à briser – sans toutefois effacer – l’austérité de façade de ses quatre sbires. Le groupe alterne alors avec efficacité et panache les classiques "Links", "Note Of A Stroll In Spring" et "To Life’s Reunion" à de nouveaux morceaux dont l’excellent "Conditium Hum". Après une heure d’un concert relevé, le groupe quitte une première fois la scène après le très attendu "Untitled", véritable moment de communion autour du poème avorté de Vladimir Maïakovski, poète russe futuriste qui a œuvré au début du XXème siècle. On notera d’ailleurs la présence dans le public du chanteur de Complot Bronswick, qui lui avait également rendu hommage dans un premier album sobrement intitulé Maïakovski en 1984.


Peu enclin à quitter la ferveur exceptionnelle d’un public unanime, le groupe nous gratifiera de trois rappels dont le dispensable "Carousel" dans un français peu assuré et, surtout, le détonnant "Face Cover Face", premier single punk du groupe sorti en 1978. Si le titre en soi est assez anecdotique, sa présence dans la setlist semblait si improbable que ce choix finalement opportun a rendu cet instant particulièrement magique. On regrettera l’absence de "Besprizorni", titre incontournable de l’album Autoportrait de 1982 et le choix de la version ouvertement enjouée de "Robespierre Re-Marx" au détriment de sa consœur plus dark "Robespierre Re-Marx II"… Bien maigres regrets, en définitive, qui ne parviendront pas à ternir la majesté inaliénable d’une assertion aussi simple que limpide. J’y étais, nous y étions… Et vous ?