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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
02/01/2020

Mellano Soyoc

"Nous comptons bien voir jusqu'où nous mène cette chose"

Contexte : naissance du projet commun, apparition live du binôme aux Transmusicales fin 2019 et premiers travaux studio
Genre : raw power / instinct music / gothic transe
Photographies : Mellano Soyoc LIVE @ off Transmusicales Rennes 2019 (Bistro de la Cité) : Stéphane Perraux
Posté par : Emmanuël Hennequin

KaS Product défait pas le décès de son cofondateur Spatsz, l’autre maîtresse de KaS, Mona Soyoc, se réinvente. Si le groupe culte responsable de Try Out (1982) ou By Pass (1983) reste forcément en toutes mémoires (et devrait faire l’objet d’un hommage piloté par Mona courant 2020), la chanteuse entreprend heureusement de nouvelles choses. La première à éclater au grand jour suit la naissance, courant 2019, d’un projet commun avec Olivier Mellano : un musicien connu pour son style, sa versatilité et un tempérament aventurier. Au CV de Mellano, un nombre d’enregistrements et de collaborations incroyable. La dernière ayant marqué Obsküre est celle entreprise par le guitariste en compagnie de Brendan Perry (Dead Can Dance) : No Land.

Mellano Soyoc : une rencontre. Histoire balbutiante et déjà, premiers éclats. Une première séance d’expérimentation studio, tenue secrète, a eu lieu dans des conditions de live et d’urgence, courant 2019. Et puis le public a appris : en fin d’année dernière, le binôme allait se produire deux soirs de suite, sold out, au Bistro de la Cité,  dans le cadre du festival off des Transmusicales de Rennes. Des performances qui ont marqué.
L’occasion était trop belle, alors, pour manquer de nous entretenir avec les deux protagonistes principaux. Explications sur les origines, l’horizon, et un certain état d’esprit. C'est la naissance de quelque chose.

Obsküre : Commençons par le commencement. Quand vous êtes-vous rencontrés pour la première fois, qu’est-ce qui fait que ça matche et que, a priori, ça aille plus loin dans les temps à venir ?
Olivier Mellano : Je ne me souviens plus exactement quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois. Il y a deux ans, peut-être… Mona m'avait contacté, je me demande s'il n'était pas question à l'époque d'envisager ensemble quelque chose autour du répertoire de KaS Product. Nous nous étions rencontrés tous les trois avec Spatsz pour parler de tout ça, mais avec les plannings bien chargés et la brutale disparition de Spatsz, cette idée est restée en suspens. Nous nous sommes revus à plusieurs reprises avec Mona, plutôt pour discuter, et il s'est avéré que nous nous retrouvions sur pas mal de choses. Je lui ai proposé de passer une journée en studio pour tester des choses et voir comment nos énergies et univers pouvaient fonctionner ensemble. On a mis du temps à trouver ce moment mais le 11 juin 2019, nous nous sommes enfin enfermés au Studio Caverne à Paris, où le précieux Nico Sacco nous a accueillis. Nous n'avions rien préparé et avons improvisé de 10h00 à 19h00 en enregistrant tout. Le soir, nous avions dix-huit morceaux. C'est à partir de cette matière brute que nous avons préparé le premier concert au Bistro de la Cité pendant les Trans.
Mona Soyoc : Je recherchais un complice à l’esprit libre, qui ne rentrait pas dans un cadre défini, pour une collaboration avec KaS Product. J’avais approché Mellano car je reconnaissais son talent prolifique de créations variées. Il est guitariste mais compositeur, "conspirateur musical" j’aime dire… Nous nous sommes apprivoisés lors de nos différentes rencontres, sans pouvoir fixer un moment pour travailler. Puis, après le décès de Spatsz, je tenais à faire une session de conspiration avec lui, et son génie m’a proposé un rendez-vous en studio, direct… Enregistrons ! Il avait raison ! Un rêve de toujours que de passer toute une journée en studio, s’enregistrer non-stop, un luxe : celui, surtout, de pouvoir être complices compulsivement créatifs pendant huit heures d’affilée, chose rare et unique ! Par enchantement, l’alchimie a fonctionné et nous sommes sortis de cette session dynamisés, et avec suffisamment de perles pour un album complet !

Justement… cet enregistrement, vous en gardez quel souvenir ?
Olivier : On ne peut pas encore parler d'enregistrement "d'album" pour cette première et unique journée de studio, mais tout s'y est passé de façon à la fois très dense et parfaitement limpide. J'étais époustouflé par l'intensité de la voix de Mona, cette couleur à la fois profondément soul et sombre qui ne ressemblait à rien, avec une puissance, une maîtrise et un abandon rares. Dès les premières secondes, il y a eu une sorte d'évidence et j'ai su que nous avions quelque chose de précieux à partager. La musique s'est écoulée sans que nous n'ayons trop rien à faire, juste en nous laissant porter par l'énergie de l'autre et en essayant de nous surprendre nous-mêmes.
Mona : Nous avons enchaîné morceau après morceau en laissant la créativité nous mener ou elle voulait ! Mellano est ce genre de musicien qui n’a pas peur d’entrer en terrain inconnu. En effet, nous nous connaissions très peu finalement, n’avions jamais joué ensemble… Et il est question ici d’une grande générosité créative de l’un envers l’autre, oser ne rien garder tout en étant très vigilant et à l’écoute de chacun. Nous avons passé la journée à jouer sans que la source ne tarisse, dans un flow harmonique au service de l’inspiration des climats de la musique – comme deux danseurs dans un ballet, un tango. J’étais tellement heureuse de cette aisance co-créative qu’en fin de journée, je ne savais qu’en penser ! Mais les bases d’un album sont jetées maintenant. Patience ! Nous gardons le meilleur pour le disque !

D’ailleurs, pour quand peut-on espérer voir arriver un album véritable ?
Olivier : Nous pensons enregistrer l'album en mai, ensuite cela dépendra de l'intérêt des labels. Peut-être à l'automne 2020.
Mona : On prend les pré-commandes dès… maintenant ! L’album vous sera dédicacé spécialement !

Il y a une énergie en studio, peut-être une autre en concert. Les trouvez-vous différentes, ou pas ?
Olivier : Oui, ce sont deux énergies très différentes mais qui, selon moi, doivent rester liées, dans un aller-retour permanent entre le contrôle et le lâcher-prise. De la manière dont nous avons posé ces premières esquisses de morceaux, nous étions, dès la composition, plutôt dans une énergie de concert, assez instinctive et brute. Le travail va être maintenant pour nous de ciseler tout ça en studio, en allant plus loin, en précisant des choses, tout en gardant précieusement la force de la première énergie et l'urgence du premier jet. En studio je suis assez control freak mais une fois sur scène, tout ce qui a été soigneusement organisé se met à vivre autrement, de manière plus sauvage et organique.
Mona : Sur scène, devant un public, c’est très différent du studio, nous sommes moins dans un pur processus de création mais plutôt dans une tension pour s’aligner, transmettre, enchanter. Pour moi, c’est un deuxième rêve que je réalise maintenant avec ces concerts : jouer, roder les titres en public afin qu’ils prennent corps, maturité, avant d’être immortalisés sur disque. Finalement, ce sont les morceaux qui dictent ce qu’ils veulent que nous fassions avec eux en live et au studio ! En tous cas c’était, et c’est vraiment, grande joie et plaisir que de présenter et partager ces nouveaux travaux avec le public. Nous sommes super contents.

Quel souvenir gardez-vous des deux premiers shows au festival off des Trans ?
Olivier : Je crois que nous avons tous les deux été assez surpris, tout d'abord par l'engouement suscité par l'annonce de ce duo, et surtout par la ferveur du public lors de ces deux concerts. Il semblerait que les gens aient été émotionnellement touchés à un endroit particulier. Quelque chose nous a échappé, et c'est tant mieux.
Mona : J’adore Rennes, quel autre meilleur endroit pour débuter ? Ils adorent la musique ! Avec Spatsz, nous avions toujours reçu un énorme soutien des Rennais – mais, et je confirme, je ne m’attendais pas à un tel enthousiasme et à une telle explosion de sentiments. Moments mystiquement mythiques !

Alors qu’aucun son n’était encore connu de votre part, qu’est-ce qui a rendu possible cette première apparition live ? Quelles sont les coulisses ?
Mona : Au mois de novembre, Mellano et moi écoutions ensemble, pour la première fois, nos enregistrements dans bureau d’IDO Spectacles avec Catterina Virgilio, ma collaboratrice ; et j’avais parlé à Philippe Tournedouet, une figure incontournable de Rennes qui tient le fameux Bistro de la Cité, de notre nouveau projet. Il a tout de suite insisté pour que nous fassions un concert pendant les Trans. L’idée et l’opportunité nous semblaient à tous parfaites pour notre première initiation publique. En une journée, Philippe avait vendu toutes les places, du coup on a recommencé le lendemain ! Nous avons ensuite été sollicités par l'association 73notes pour un concert à Nantes le 8 Janvier à la Scène Michelet et par Le Petit Bain pour un concert le 24 Février à Paris avec Legendary Pink Dots. On surfe ! Tout ça après deux répétitions !

Envisagez-vous cette première collaboration comme un one-off ou imaginez-vous des suites possibles, un cheminement commun, studio comme scène ?
Olivier : Quand une telle évidence artistique et humaine se présente, ce serait vraiment dommage d'en rester là. Cette rencontre a révélé quelque chose qui nous semble être plus que la somme de nous deux, et nous comptons bien aller voir jusqu'où nous pouvons amener cette chose. Donc, on fonce.
Mona : YESSSSSSSSSS ! Watch out world, here we come !

 

> EN CONCERT
- 08/01/2020 : Scène Michelet - Nantes
- 24/02/2020 : Petit Bain - Paris (avec Legendary Pink Dots)