Nous accusons retard sur l'action, certes, mais le vinyle et le digital de Paths, ouf, restent disponibles. Un seul conseil : foncez. (Les gens de Meta Meat sont sympas et parrainent d'autres artistes, on va voir ce qu'ils conseillent, le charme opère, on rédige des chroniques et... on ne parle pas de leur dernière production !)
Car l'objet est beau, une fois de plus, avec la photo d'un traitement médical à base de ventouses en verre posées sur un dos (une photo de Paul Takahashi).
Musicalement, cet EP déploie quatre titres. La dimension percussive est à la fois la base et le spectacle : "Outward" cumule les sonorités rythmiques, combinant des instruments variés pour créer un paysage immersif dont les détails attirent les sens. S'il y a bien une mélodie, celle-ci fait plus office de groove que de narration.
Les couleurs du paysage sont données par des tonalités (entre indus ancienne école et musiques ethniques), mais le résultat est en adéquation avec notre présent : il s'agit de construire une musique d'aujourd'hui (et pas de faire un faux voyage pittoresque), dont la spiritualité porte sens. Comprendre que la musique est sans frontières, sans âges, sans nécessités culturelles. Le sacré se sent et se vit par le corps autant que par l'esprit. C'est une affaire de rencontres, et la musique, une fois sa place prise, s'efface pour donner à voir un Humain ; ainsi le final de "Crossed" est marqué par la plainte bouleversante d'une femme. C'est le cœur de cet EP, puis "Distant" reflète notre attitude avec un éloignement et une porte qu'on referme, laissant cette dame seule... Culpabilité.
Pour tenir un objectif aussi précieux, il faut une technique : la manière dont les éléments s'emboîtent, se superposent est remarquable : un drone tendu qui pose son vernis, une partition qui se déploie avec des moments plus intenses et d'autres plus intimes, sans rien perdre de la précision des sons. C'est à la fois organique (on sent les vibrations, le petit écho contre les murs de la pièce), et propre sur le plan des arrangements : la venue du brouillard de "Crossed" est douce, c'est un nuage qui caresse et pas cinq pistes de claviers banalement plaquées sur un écran de contrôle. Le mur de la pièce pivote et on pénètre pas à pas dans un temple pour s'approcher des jeunes femmes qui chantent (première partie). La spatialisation donne corps, comme si nous étions invisibles et qu'on tournait plus autour de l'une avant de passer en observer une autre. Peut-être que cette voix aurait mérité un traitement plus différencié pour ne pas avoir l'impression que les chanteuses-conteuses sont des clones, mais bien chacune avec sa tessiture.
La chronique ne décrit pas les titres dans l'ordre alors que là aussi, l'EP format vinyle a été pensé, avec une intro et une outro, deux morceaux denses sur chacune des faces, composés en mouvements. L'écouter face B puis face A défigurerait le voyage.