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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
17/10/2022

Nairod Yarg

"La musique a façonné notre façon de vivre"

Genre : rock / post-punk
Contexte : nouvel album studio '10 Days With Dorian Wilde' sorti le 24/09/2022
Photographies : Nairod Yarg archives | sauf Nairod Yargg live 2021 (Fabrice Buffard)
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Nairod Yarg sort son deuxième album en cette rentrée. Pour le promouvoir, le duo a proposé un dévoilement titre par titre sur sa page Facebook, avec quelques indications sur le contenu des morceaux. Conscient de sa place dans un marché de niche, Rudy et Seb s'amusent de leur score (plus de vingt "j'aime" sur ces publications) sans se prendre la tête. Ils savent aller de l'avant et leur présence en première partie d'un concert de The Stranglers – avec le soutien de la structure Mediatone – témoigne à lui seul de la reconnaissance donnée au projet. En clin d’œil au nom du groupe et pour sa musicalité, un nom surgit : Dorian Wilde. De ce personnage imaginaire surgissent la vision, puis l'inspiration : 10 Days With Dorian Wilde est un album concept, remarquable dans ses intentions et son rendu. Ils répondent ensemble à Obsküre pour tracer les souvenirs de ce voyage...

Obsküre : Vous avez tenu à expliquer plus fortement l'un des titres, "Les Garçons sauvages" et vous avez annoncé pour chacun une piste : la gorgone, l'amour, mysticisme et existentialisme, shamanisme, chrysalide et métamorphose de DW... Est-ce essentiel pour vous que les auditeurs sachent ce que racontent les titres ? La musicalité ne se suffit-elle pas ?
Rudy & Seb : L’album a été composé pendant la période de confinement. Nous avions plein d’idées musicales mais comme il ne se passait pas grand-chose dans nos vies, c’était plus difficile d’avoir de l’inspiration pour les paroles.
Seb : Ça faisait un moment que j’avais envie de faire un album concept comme l’avait fait Gainsbourg avec Mélodie Nelson ou David Bowie avec Ziggy Stardust. Nous n’avions pas la prétention de faire aussi bien, mais c’était le bon moment pour essayer de créer une histoire tout au long des chansons. Le premier titre que nous avions créé s’appelait "The last Walk of Dorian Wilde". La musique n’a pas été conservée, mais ç'a été un point de départ pour les paroles et l’idée de raconter la vie de ce personnage imaginaire en le suivant sur dix journées. Ces dix scénettes sont venues assez spontanément. Pour présenter les chansons sur les réseaux sociaux, nous avons juste lancé un mot générique pour caractériser chaque titre, mais ce n’était pas une réelle volonté d’expliquer les paroles. Ça n’en dit d’ailleurs pas énormément sur le contenu des paroles.
Rudy & Seb : Pour nous, la musicalité suffit, la compréhension des paroles n’est pas nécessaire pour écouter l’album ; mais nous avons essayé de faire un disque avec une unité, tant au niveau de la musique que des paroles et du visuel. En filigrane, derrière cette histoire imaginée, des thèmes qui nous tiennent à cœur, qui nous intéressent, sont abordés : le féminisme, les questions de genre…
Seb : En revanche, il manquait les paroles de la dernière musique composée car je n’arrivais pas à trouver une idée. J’ai vu le film Les Garçons Sauvages de Bertrand Mandico en streaming sur Arte et je me suis réveillé le lendemain matin avec ces paroles dans la tête : "the wild boys…"

Vous avez un titre en français. En quoi est-ce que ça a été un pas de côté inconfortable... ou pas ?
Seb : Notre premier album comportait déjà deux titres en français. Comme j’ai très peu écouté de musique francophone, ce n’est pas naturel pour moi de chanter en français. Rudy m’a un peu poussé à écrire un texte en français et je me suis souvenu d’une soirée un peu spéciale ; je l'ai racontée en la transformant complètement et en l’adaptant au personnage. Je cherchais à raconter une histoire de spectacle clandestin avec une ambiance à mi-chemin entre le film Freaks de Tod Browning et l'univers du Twin Peaks de David Lynch.

Vos références affichées sont le plus souvent littéraires ; pourtant c'est la musique qui est votre vecteur principal d'expression : savez-vous quand vous avez décidé de moins écrire que jouer ?
Rudy & Seb : C'est vrai que le nom de notre groupe est tiré de la littérature, mais c’est davantage le cinéma qui nous inspire. Nous sommes très admiratifs des auteurs, mais nous n’avons pas une très grande culture littéraire. Nous aimons toutes les formes d’art : peinture, cinéma, sculpture… c’est une vraie source d’inspiration. Nous adorons composer des musiques et les idées viennent assez facilement, mais les paroles sont une partie beaucoup plus laborieuse. L’art nourrit l’art. Les expos, le cinéma, le théâtre… peuvent aussi bien être sources d’inspiration qu’une mélodie. Quoiqu’il en soit, la musique reste le vecteur artistique le plus important pour nous, celui dont on ne peut pas se passer et qui a façonné notre façon de vivre.

Que symbolisent les papillons sur le collage de la pochette ? Pourquoi un personnage qui se métamorphose ?
Seb : Pour ceux qui liront les paroles, le dernier titre de l’album "Lipstick" se termine par la transformation du personnage. La chrysalide nous semblait être une belle métaphore pour illustrer cette transformation.

Vous faites fabriquer le disque à Annecy : c'est important de travailler avec des ouvriers locaux ?
Rudy & Seb : Nous voulions sortir cet album en vinyle, car l’idée de la pochette était pour ce format et nous avions optimisé le mastering pour une sortie en vinyle. Les délais pour la fabrication d’un disque vinyle sont actuellement très longs. Six à huit mois. La Manufacture De Vinyles avait déjà fabriqué notre premier LP, ils sont dans notre région et ils arrivent à avoir des délais corrects, donc on a décidé de continuer avec eux. Ils ont fait un super boulot sur cet album. La pochette gatefold est magnifique et le pressage est excellent. Enfin, bien que le disque ait été pressé en toute petite série (cent-cinquante exemplaires), la fabrication d’un disque n’est pas l’acte le plus écologique qui soit. Travailler avec une entreprise locale permet de réduire légèrement l’empreinte carbone.

Votre musique est audacieuse dans le sens où vous refusez la facilité d'une classification trop évidente. Il est délicat de dire que vous seriez "post-punk" alors que vous auriez facilement pu approfondir ce registre : dès la mise en place du duo, vous aviez à cœur de refuser ces évidences ?
Seb : Avec Rudy, nous avons des goûts musicaux très différents. Il est plus punk rock et surf music, alors que je viens plus de la coldwave. Lorsque je compose seul, je fais une musique beaucoup plus stéréotypée. L'alchimie musicale fonctionne bien entre nous et les musiques créées à deux nous surprennent souvent, surtout sur ce deuxième disque.

Et alors, quel a été le plus grand défi sur ces nouveaux titres en termes de composition et/ou d'arrangements ?
Rudy & Seb : Nous avons enregistré et mixé l’album nous-mêmes en home studio. Le mixage a été la partie la plus compliquée. Ça a été un vrai casse-tête pour arriver à faire sonner et imbriquer correctement tous les instruments entre eux. Il y a eu de nombreuses nuits blanches pour arriver à finaliser ce disque. C’est de l’artisanat musical, mais nous sommes très heureux du résultat. Il sonne comme nous l’avions imaginé. Pour ce qui est des arrangements, ils faisaient partie intégrante de la composition. Nous aimons utiliser beaucoup d'effets sur les voix et les guitares, ajouter des bruitages, des samples…