Infinity est le troisième opus solo de la pianiste japonaise Naoko Sakata. Après Inner Planets et Dancing Spirits, la musicienne reprend sa formule improvisée. Pas de planification, ni d’écriture longue, seulement la spontanéité d’une artiste sur le chemin de la découverte de soi. Inspirée par le tarot, Sakata se dévoile à travers des pièces instrumentales fortes et farouches. L’album a été enregistré en seulement deux jours dans une église en Suède (pays où elle s’est établie), avec cette volonté de capter une énergie intérieure. Le disque se compose de six morceaux, portant chacun un numéro et le mot "Improvisation", mais sans suivre d’ordre cette fois-ci. Infinity s’inscrit dans la mouvance traditionnelle de la musique classique de la fin du XIXe siècle-début XXe. Ainsi, le style de la Nipponne est inspiré par le romantisme européen et l’impressionnisme de Debussy. "Improvisation 11" donne le ton : Infinity sera brut, sombre et teinté d’une forme de quiétude anxieuse. Ce premier titre est long (onze minutes) et donne toute la mesure du talent immense de l’instrumentiste. Entre déconstructions constantes, accords menaçants et montées de clavier agiles, le lyrisme est très palpable et témoigne d’un esprit torturé. Chez Sakata, l’émotion prime, et elle parvient à alterner assez habilement l’intensité musicale. Dès lors, les moments d’accalmie sont sans doute les plus réussis. Elle invoque Brian McBride ou les productions dépouillées du label Windham Hill parfois ("Improvisation 15") ; ou bien encore la délicatesse mélodique d’un Satie ou d’un Harold Budd ("Improvisation 13").
Or, ce nouvel effort tombe aussi dans l’écueil d’une certaine démonstration et d’une inconstance qui lassent. La rapidité d’exécution sous influence lisztienne ("Improvisation 9") nous laisse froid. Nous sentons bien évidemment toute la puissance sentimentale s’exprimer, mais au détriment de sonorités plus abordables et disons-le, plus justes. Néanmoins, la maîtrise de son instrument permet de lui ouvrir des brèches inattendues. Comme ces instantanés jazzy sur "Improvisation 10" et "Improvisation 12". En somme, Infinity possède des qualités indéniables, rendant hommage à un art d’antan, tout en ajoutant des touches avant-gardistes plus modernes. Mais il se perd également dans des sinuosités un peu stériles. Sorti chez Pomperipossa Records, le label d’Anna von Hausswolff.
