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Album
18/09/2020

Napalm Death

Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism

Label : Century Media
Genre : grind aventureux / metal-punk-hardcore / déflagration raisonnée
Date de sortie : 2020/09/18
Note : 90%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism est le seizième album des grindeux historiques. Loin de camper sur les premières terres défrichées avec Carcass et Terrorizer, les musicophiles Mick/Mitch Harris, Mark Greenway, Shane Embury et Danny Herrera (en remplacement de Mick depuis 1991) ont parfaitement exploré de nouveaux terrains ces dernières années, suscitant à chaque sortie des exclamations incrédules.

Nous nous étions réjouis de la sortie du précédent Apex Predator – Easy Meat en 2015, du fait de sonorités nouvelles (en plus de celles des projets annexes, prolifiques, dans le sillon du groupe originel). Napalm Death agrandit une nouvelle fois son territoire (et poursuit sa dénonciation sociale tous azimuts) : les brûlots punk-hardcore metal grind-death sont toujours aussi vifs et la discipline qui est leur (faire rapide, original, composé) offre une attaque et une tenue à chaque mesure ou presque ("That Curse of being in Thrall", "Fuck the Factoid", "Contagion"). Le son est précis, offrant à la fois une vue large et la netteté des détails ("Zero Gravitas Chamber" aux borborygmes et cris savamment huilés). Pas de surprise : Napalm Death sonne bien mieux aujourd'hui qu'en 1987 (mais c'est valable pour tant de groupes extrêmes !) sans avoir perdu les nerfs de ses cavalcades (et là, c'est plus rare). Russ Russel (qu'on avait vu dès Enemy Of The Music Business, en 2000), une nouvelle fois, libère l'agressivité sans que celle-ci ne puisse nuire à l'audace instrumentale (la construction tendue de "Throes of Joy..." dès ses cris initiaux, le groove de "Backlash just because"). J'ai envie de faire un parallèle avec Fuck The System d'Exploited (lui aussi travaillé par Russ) : on a cette même facilité à animer la brutalité, sans rien retrancher de la hargne.

Un album de plus, certes, mais ce qui ravit ici, ce sont ces nouvelles allégeances : pourtant fort d'un statut culte, le groupe s'amuse et se fait plaisir à toucher à tout ce qui l'a animé depuis ses débuts. Napalm Death sonne alors bien mieux qu'en 1997 (Inside the Torn apart) en assurant une synthèse avec l'élégance d'un rotobroyeur. On avait bien lu et entendu ici et là les appétences particulières de ces gars originaires de Birmingham pour toutes les musiques (tout comme le regretté John Peel, responsable de la sortie de la compilation Hardcore Holocaust en 1988 avec Bolt Thrower, ND, Extreme Noise Terror, etc.). On retrouve ici cette capacité exploratrice mise en service. "Joie de ne pas vivre" (hommage à Joy de Vivre de Crass ?) se fait metal industriel (mais pas sous la forme apprêtée du genre). La lourdeur de nappes dub industriel soutient le démarrage du presque doom "Invigorating Clutch" (super riffs et jeu de batterie) et le morceau final "A bellyfull of Salt and Spleen" poursuit le trip cabossé ethno d'Apex Predator avant de virer cérémonie malsaine. Mais c'est surtout "Amoral", titre fascinant à la Killing Joke, qui me satisfait le plus car je trouve incroyable d'oser balancer ça sur un disque estampillé Napalm Death.
Un regret : au moment où je rédige, je sais que la version Mediabook de l'album compte trois titres de plus dont une reprise de Sonic Youth et une autre des anarcho-punks Rudimentary Peny. Je ne les ai pas entendues... Je dois aussi signaler ce visuel de pochette un peu décalé et facile (allez, il bat Inside The Torn Apart de 1997).

Il n'est certes pas évident de faire la part des responsabilités dans cette énergie créatrice qui tient dans la durée : Mick Harris est officiellement retiré de l'aventure depuis trèèèès longtemps, mais il est venu en studio prêter son bras aux guitares. Une compilation est sortie en 2018 et le groupe a fait impression au Hellfest la même année. Cinq ans après Apex Predator (plus longue durée de "silence" dans l'histoire de ND), c'est un peu comme si l'entité Napalm Death dépassait ses musiciens et fonctionnait sans sentir le temps passer (et sans se répéter) : un fait rare, habituellement présent sur la première partie d'une discographie culminant à un sommet (The Cure, Killing Joke, Slayer...). Ce moment, atteint depuis 2012 (l'album Utilitarian), qui se confirme en 2020 en est presque inquiétant : Napalm Death aurait ainsi encore une trentaine d'années de sorties devant soi ? L'idée fait frémir. En attendant (si on est encore là !), voici un album imparable pour 2020, un album de vieux qui sonne comme un album de jeunes.

Tracklist
  • 01. Fuck the Factoid
  • 02. Backlash just because
  • 03. That Curse of being in Thrall
  • 04. Contagion
  • 05. Joie de ne pas vivre
  • 06. Invigorating Clutch
  • 07. Zero Gravitas Chamber
  • 08. Fluxing of the Muscle
  • 09. Amoral
  • 10. Throes of Joy in the Jaws of Defeatism
  • 11. Acting in gouged Faith
  • 12. A Bellyfull of Salt and Spleen