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Album
19/05/2023

Novembre

Inox

Label : Source Atone Records
Genre : slam morbide
Date de sortie : 2023/05/05
Note : 78%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Ce qui frappe immédiatement avec Novembre, c'est le concept.

Original, le duo place un flox qui en réfère au slam (plus qu'au hip-hop), mais avec une force versifiée implacable. Cette diction fortement rythmée va de pair avec un lexique riche et soutenu, souvent un brin rétro. On s'échappe ainsi de toute référence à Fauve et ces formations qui explorent le ici et maintenant. Les allusions XIXème sont motivées par des thématiques plus fantasques, clairement fin de siècle, vampiriques davantage qu'horror-punk ou thriller, ce que révèlent par exemple les paroles de "Kosminski", un titre qui s'arrête avant que le barbier fou (suspecté être Jack L'Eventreur) ne procède aux excisions et entailles... On peut aussi évoquer Eugène Sue et ses Mystères de Paris le temps de "Pendu" : on verra que cette idée de feuilleton a du sens avec ce qui est proposé. "Motel 6" explose les références, cumulant répétitions, orage des guitares, samples et tabous pourtant maintes fois exhibés.

Néanmoins, Novembre ne donne pas dans la musique de fête foraine version train fantôme : pas de valse cabossée, pas de gothisme, pas de jeu batcave ou plus classieux avec cordes. Si l'on doit chercher une référence dans le positonnement, ce serait plutôt vers Nearly God qu'il faudrait fouiller : on a des rythmiques modernes, souillées ("La Colline silencieuse"), un même souci de briser les cadres pour imposer tout ce qui tenait tête et donnait corps à la noirceur, les notes, les sons qui la servent sans la dénaturer par des gimmicks. Forts de ces libertés qu'ils se sont donnés, Le Pendu et L'Amiral modulent la voix avec un suivi des harmoniques, histoire de densifier ce slam par des façons de chant ("Marchand de Fables", "50 Nuances de Rouge"). C'est L'Amiral dont en entend la voix, mais je tiens à souligner l'imbrication des deux acteurs dans le processus.

Lorsque le duo se met à jouer les vrais méchants (à la Seth Gueko) sur "Music-Hall", les guitares et les allusions montrent qu'il s'agit bien d'une pose, d'un spectacle : 

"Aujourd’hui le ballet des soupirs est à l’affiche, 
Séance gratuite dans mon vieux théâtre en friche."

Ce positionnement (ils utilisent aussi le terme de marionnettiste) s'affirme d'autant plus dans les clips (de Sébastien Duattis) déjà disponibles. Le décorum, les costumes, les attitudes singeant un maître et son domestique, tous deux aussi givrés l'un que l'autre, ça en jette. L'équilibre est maîtrisé, scène après scène, chaque morceau étant un moment fort (comme pour une comédie musicale ou un feuilleton, voir la référence à Sue). Pour que ça fonctionne, il faut tenir entre le professionnalisme, les fantasmes morbides assumés et la mise à distance de l'acte créatif afin de ne pas sombrer ou de ne pas attirer un public fragile.

Dans la musique, Novembre semble faire aussi bien que Netflix avec ses séries à succès : l'univers est créé, riche et complexe, avec sa beauté inhérente. Il y a des moments forts, comme "Je, Tu" qui hausse de nouveau le niveau (sons, mélodie, thématique, qualité des paroles) et la voix féminine sur "Inox", alors qu'on frôlait l'indigestion, fous que nous sommes de vouloir tout assimiler une fois. On guettera la saison 2, les produits dérivés, tout en dégustant les répliques et les visuels (assurés par Le Pendu). Coup de maîtres.

Tracklist
  • 01. Marchand de Fables
  • 02. La Colline silencieuse
  • 03. Kosminski
  • 04. Music-Hall
  • 05. 50 Nuances de Rouge
  • 06. Pendu
  • 07. Jack Knight
  • 08. Je, Tu
  • 09. Motel 6
  • 10. Inox