Digital Media / Dark Music Kultüre & more

Articles

Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

Image de présentation
Interview
27/01/2021

October Falls

"Il y a un sens caché avec le hibou"

Genre : black metal / neofolk
Posté par : Guillaüme Gibeau

Depuis presque vingt ans, October Falls nous gratifie d'une discographie peu dense mais intense, alternant albums entièrement acoustiques et opus black metal. Après sept ans de silence, Mikko Lehto, tête pensante de ce projet, sort cette année deux formats longs et répond à nos questions.

Obsküre : Après sept ans d'absence, à part un single en 2016, tu sors cette année deux albums : un orienté black metal, A Fall Of An Epoch et un opus acoustique, Syys. Cette année a été propice à la création ?
Mikko Lehto : Le temps passe si vite ! Déjà sept ans se sont écoulés depuis la dernière vraie sortie. En effet, peu de morceaux ont été composés pendant cette période, seul l'enregistrement d'un morceau exclusif pour la compilation Debemur Morti nous a rendus actifs à nouveau. A Fall Of An Epoch était plus ou moins complètement terminé avant cette année et, sans une tournure imprévue liée à des événements personnels, il aurait pu sortir l'année dernière.
Pour Syys, c'est totalement imprévu, ça s'est fait comme ça, sans l'idée précise de sortir un autre album cette année. Dans l'ensemble, la situation inattendue du monde cette année n'a pas vraiment affecté les enregistrements, c’est juste quelque chose qui s'est fait naturellement.  

Tu différencies tes albums acoustiques et metal par des logos différents. Les deux types albums sont finalement assez différents mais complémentaires, pourquoi ce choix ?
Après les deux premières sorties acoustiques, je voulais aussi faire des morceaux plus agressifs, comme il y avait pas mal d'idées communes et une ambiance similaire, au lieu de former un autre groupe pour le côté plus violent, j'ai décidé de garder le même nom pour les deux, ils ont juste des logos différents. Maintenant, avec des années de recul, cela aurait pu être un meilleur choix d'avoir des noms différents, mais désormais, il n'y a plus de raison de changer cela.

A Fall Of An Epoch revient sur l'inspiration des débuts avec moins d'expérimentation que sur The Plague Of A Coming Age et Syys reprend l'instrumentation des premiers albums… Tu avais envie d'un retour aux sources ?
En gros, oui. Bien que je sois toujours satisfait par The Plague Of A Coming Age, c'était en quelque sorte un écart par rapport au style et à l'atmosphère des disques précédents avec des voix claires, plus orienté riffs et des chansons plus courtes. Je pense toujours que c'est un excellent disque, qui souffre juste d'un mauvais type de production, mais je ne voulais pas faire un autre album dans le même style. Au lieu de cela, je suis revenu à l'ancien style et j'ai ajouté plus de sonorités black metal. Avec Syys, je voulais capturer le même feeling qui planait sur les enregistrements acoustiques précédents et je pense que c'est le cas. Mais l'enregistrement a été un processus naturel, avec sa propre identité, pas une simple une copie conforme.  

Syys signifie l'automne, le nom du groupe lui-même fait référence à cette saison, qu'est-ce qui t'inspire le plus dans cette période ? Plus généralement, qu'est ce qui a guidé la composition de cet album ?
C'est une époque de transition, où la nature entre en hibernation ou meurt, une certaine fin à un cycle de vie. Ainsi, Syys a été composé à la suite d'une soudaine inspiration, où tout a été fait en quelques semaines. Il est juste né sans trop d'efforts et parfois les choses se passent ainsi. Parfois l'album entier peut être réalisé en quelques semaines comme avec Syys ou au contraire prendre quelques années comme A Fall Of An Epoch. Dans l'ensemble, je n'avais aucune raison ni l'intention de sortir un autre album cette année, mais il s'est fait si rapidement… et je n'avais aucune raison de le garder dans le tiroir.

Les samples de hiboux sont récurrents dans tous tes albums acoustiques, peut-on les voir comme un fil conducteur ? D'ailleurs, est-ce toi qui capture ces sons ?
Eh bien, j'aime l'ambiance des sons de la forêt et j'essaie de garder une certaine continuité entre les sorties, donc j'utilise souvent les mêmes paysages sonores. J'en ai capturé ou interprété la plupart, mais les hiboux viennent d'ailleurs. Je ne me souviens même pas d'où, car cela fait des années que je les utilise. Il y a en fait un truc ou un sens caché avec le hibou, peut-être qu'un jour quelqu'un le découvrira.

Quelles sont les meilleures conditions (lieu, moment) pour écouter un album d'October Falls ?
Quand tu n'es pas pressé, je dirais à l'extérieur. Mais là encore, si tu te promènes dans la forêt, pourquoi écouter autre chose que les sons réels de la nature ? Je suppose qu'il n'y a pas de bon endroit ou de bon moment, du principe que ça fonctionne pour les gens, certains utilisent la musique uniquement pour le fond, certains veulent se concentrer sur tous ses détails et je pense que les deux options sont bonnes. Il n'y en a pas de meilleures que d'autres.

Les morceaux de tes albums acoustiques sont simplement numérotés et n'ont pas de titres. As-tu conçu les morceaux comme les chapitres d'une même œuvre ?
Personnellement, j'apprécie la musique en tant qu'album au lieu d'écouter un titre isolé et c'est pour ça que je vois les sorties d'October Falls comme des concepts entiers, au lieu d'une compilation de pistes uniques. C'est la raison pour laquelle les albums acoustiques n'ont pas de titres de pistes individuels, juste un nombre de parties différentes, parce qu'ils vont ensemble en termes de musique et de thème.

D'ailleurs au contraire des albums BM, les titres acoustiques sont beaucoup plus courts, pourquoi ce format ?
Comme j'utilise peu d'orchestrations différentes dans les titres acoustiques, je ne pense pas que cela fonctionnerait avec des morceaux trop longs. Pourtant, comme je l'ai mentionné, je vois tout cela comme des albums conceptuels et pas tant comme des pistes individuelles, donc fondamentalement, ce sont de longues pièces acoustiques, mais simplement découpées en morceaux facilement observables.  

Sur les albums metal, tu es accompagné par des musiciens, mais sur les albums acoustiques tu es le seul maître à bord. Ces albums sont-ils plus intimistes ?
Jusqu'à présent, il n'y avait pas vraiment de raison d'ajouter d'autres musiciens pour les morceaux acoustiques, car je pouvais jouer seul tous les instruments que je voulais inclure. Cependant, peut-être que dans le futur, il y aura plus de percussions. Ainsi Marko (Tarvonen) interviendra naturellement à mes côtés sur les titres acoustiques. Globalement, en ce moment, nous ne sommes plus que deux, car nous n'avons plus de bassiste permanent, donc c'est moi qui fait principalement le chant et les guitares et Marko la batterie.
Je ne vois pas vraiment les albums acoustiques comme plus intimes que tout ce que nous avons enregistré jusqu'à présent, j'ai composé tous les morceaux et écrit les paroles, quel que soit le type de musique.

On remarque par ailleurs, sur les albums acoustiques l'absence de chant. As-tu déjà essayé d'en intégrer ?
Les précédents albums acoustiques ont en fait des chœurs en chant clair, mais c'est tout. Je ne me vois pas vraiment comme un chanteur, il est donc très peu probable qu'il y ait de vrais chants dans les prochains albums. Dans l'ensemble, à certains égards, je préfère garder le matériel acoustique comme instrumental car parfois l'ajout de voix peut avoir un effet négatif sur l'atmosphère. La seule fois où nous avons eu des chants vraiment clairs, c'était sur The Plague Of A Coming Age, où Tomi d'Amorphis les a interprétés. Je pense que cela a fonctionné, mais cela faisait partie du concept.

Cette année est également marquée par un changement de label car les deux albums sortent chez le label allemand Purity Through Fire - pourquoi ce choix ?
Eh bien, quand nous avons terminé A Fall Of An Epoch, ce n'était pas ce à quoi s'attendait Debemur Morti et je le comprends, car c'est assez différent de l'album précédent. Nous sommes donc arrivés à la conclusion qu'il serait préférable de trouver quelqu'un d'autre pour le sortir. Ainsi ce chapitre s'est clos et nous avons continué. Il y a peu de labels avec lesquels nous avons discuté, et on a fini par signer chez Purity Through Fire. Je les connaissais déjà par d'autres connexions et je savais que les choses fonctionneraient avec eux. Pour ma part, je ne souhaitais pas plus d'exposition ou d'interviews, donc cela a bien fonctionné, les disques sont sortis rapidement et comme convenu, donc je pense que c'était le bon choix.

Les deux derniers albums ont été masterisés par Henri Sorvali, le bassiste, au Trollhouse. Je suppose que ça doit être pratique de gérer toutes les étapes de l'enregistrement à la production ?
En fait, Henri était plus un ingénieur du son exécutant la basse qu'un bassiste faisant le mixage. Je veux dire par là qu'il était censé travailler pour nous de toute façon, mais qu'il a fini par jouer de la basse car Sami (Hinkka) n’a plus été disponible. Nous avions déjà travaillé avec Henri, car il avait masterisé un album précédent et enregistré les parties de batterie de Marko pour The Womb Of Primordial Nature. Avec A Fall Of An Epoch, nous avons enregistré la batterie dans un autre studio, mais le reste des enregistrements a été réalisé soit par moi dans mon home-studio, soit par Henri dans son studio, où il a également mixé et masterisé l'album. Syys a été entièrement enregistré et mixé par moi, mais Henri l'a également masterisé. Je sais ce qu'il peut faire, c'est donc un choix évident lorsque j'ai besoin de quelqu'un pour travailler avec le son. Dans l'ensemble, je préfère travailler principalement seul sans aucune pression de temps de studio.  

Tu réalises la mise en page de tous tes albums, le livret mais aussi les photos de paysages ou d'animaux (un loup sur The Womb of Primordial Nature), comment procèdes-tu ?
En effet, j'ai réalisé presque toutes les mises en page et beaucoup d'images utilisées ont été prises par moi, mais pas toutes. Certaines des photos ont été prises par mes amis ou des proches, mais rien n'est issu de banques d'images ou quoi que ce soit de ce genre. Même les couvertures d'albums avec des images peintes (The Streams Of The End et The Plague Of A Coming Age) ont été réalisées à l'origine pour moi. Par exemple, c'est moi qui ai pris les loups de The Womb of Primordial Nature à l'époque. J'ai des piles d'images que j'ai prises au fil des ans dans lesquelles je puise pour les utiliser çà et là. Cependant, avec A Fall Of An Epoch, c'est un ami chasseur qui a pris les images et je les ai juste retouchées pour la couverture.  

Tes deux derniers albums font l'objet d'éditions collector : A Fall Of An Epoch est sorti dans un fourreau en bois gravé et Syys sort en digipack limité à 199 exemplaires. Comment s'est fait le choix du design de ces objets ? Tu es toi-même un collectionneur, quels sont les trésors de ta collection ?
Le fourreau en bois a en fait été proposé par le label et j'ai pensé que c'était une excellente idée. C'est en fait quelque chose que je voulais faire depuis longtemps, mais qui n'avait pas pu se réaliser jusque-là. Le digipack de Syys était mon idée, mais comme tous les albums ont été publiés en digipack, il ne déroge pas à la règle.
On peut dire que je suis un collectionneur de disques ou peut-être plus exactement un auditeur et de ce fait un collectionneur. Les trésors de ma collection ? J'ai beaucoup de vinyles et de cassettes de black metal, c'est vraiment difficile de dire quels sont les plus grands trésors, peut-être les versions vinyles originales de groupes de BM nordiques, car ils ont été mes plus grandes influences.  

La Finlande est une terre fertile en groupes. À ce sujet, deux livres sont sortis récemment sur la scène finlandaise : The Devil's Cradle pour le black metal et Rotting Ways To Misery pour le death. Quel regard portes-tu sur la scène finlandaise et son évolution ? Te sens-tu proche de cette scène ? Comment expliques-tu ce foisonnement de groupes ?
J'ai The Devil's Cradle, mais je n'ai pas encore lu Rotting Ways To Misery, mais je m'intéresse surtout au BM. Je pense que la "scène" ici est en fait assez petite, mais les gens ont, ou ont eu, beaucoup de projets et de groupes différents en parallèle. Si j'y réfléchis, depuis le temps que je suis cette scène, beaucoup d'anciens visages sont toujours là, mais de nouveaux sont aussi apparus.
Je ne me vois pas vraiment en faire partie. Je n'aime pas vraiment socialiser avec les gens et je ne vais plus vraiment aux concerts, même avant cette année. Ma principale connexion est de faire des mises en page pour certaines personnes / groupes et être un client pour les distributions et les vendeurs locaux, c'est principalement cela. Cela étant dit, il y a beaucoup de grands groupes de BM venant de Finlande, pour la plupart d'anciens, mais aussi quelques nouveaux venus. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment, peut-être parce que nous sommes un tout petit pays, donc les gens s'impliquent plus facilement dans les choses.