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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
27/04/2020

:Of The Wand & The Moon:

"Ce qui m’a attiré en premier lieu dans la neofolk est le chaos et le mystère ; l’imagerie et le son" (Kim Larsen)

Album : 'Bridges Burned And Hands Of Time' (compilation) (2019)
Label : Heiðrunar Myrkrunar / Tesco
Photographies : Anders Nydam | Douglas P | Alderwounds
Posté par : Oliviër Bernard

Ténor depuis vingt ans d’une scène neofolk souvent mal comprise, Kim Larsen s’est imposé comme un musicien sensible, prompt à l’expérimentation, au romantisme et à l’introspection. De plus, si :Of The Wand & The Moon: reste son projet principal, le guitariste a su également diversifier ses activités, démontrant à quel point il est investi dans son art. En cette fin de décennie, le Danois regarde en arrière et nous propose des titres plus rares enregistrés tout au long de ces deux décennies. Une traversée du XXIe siècle par moments difficile pour cet homme discret qui, et on le découvrira, est un être fragile. Ce spleen qui l’habite est d’ailleurs la matrice, comme bien souvent, d’une merveilleuse créativité. Il nous parle ainsi de sa solitude, mais aussi de la genèse de l’idée de cette compilation, de ses projets musicaux annexes et de son amour de la scène et des voyages. Un entretien fort sympathique.

Obsküre : Bridges Burned And Hands Of Time est une compilation de titres présents sur des sept pouces limités, des albums hommages ou des collaborations. Il s’agit également d’une sorte de bilan des vingt ans de carrière d’:Of The Wand & The Moon:… D’ailleurs, deux décennies d’existence c’est remarquable - quel regard portes-tu sur toutes ces années ?
Kim Larsen : Énormément d’expériences merveilleuses et bizarres. Des rencontres avec tellement de personnes gentilles. Mais aussi des souvenirs de camarades disparus et d’années où j’étais paralysé par la dépression, le vide et la solitude. J’imagine que c’est la vie. Au moins j’ai le sentiment que j’ai donné le meilleur de moi-même jusque-là.

Quel a été le déclencheur de cette compilation ? Serait-ce par hasard un préambule à la sortie d’un nouvel opus studio d’:Of The Wand & The Moon: ?
De très nombreuses personnes m’ont demandé depuis longtemps de réunir en CD ces chansons présentes sur des éditions vinyles limitées. Finalement, j’ai cédé.
Ce n’était pas prévu, mais le prochain album d’:Of The Wand & The Moon: devrait sortir cette année, après l’été. Si les étoiles et les Dieux en décident ainsi… Son titre sera Your Love Can’t Hold This Wreath Of Sorrow. Il sera publié sur mon label Heiðrunar Myrkrunar et distribué via Tesco Germany. J’ai tellement hâte que ces chansons soient diffusées. Ce fut un travail long et fatigant.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, tu es devenu une référence dans l’univers de la neofolk. Tu as rapidement été comparé à Death In June, tu as repris Current 93 (Benediction Malediction), joué avec Sonne Hagal et King Dude, participé au tribute album pour Forseti… C’est une grande famille ! Comment vois-tu l’évolution du genre depuis le début des années deux mille et quel portrait peux-tu faire de cette scène en cette année 2020 ? Aussi, qu’apprécies-tu chez elle ?
Les choses sont constamment en mouvement, c’est pareil pour cette scène. Ce qui m’a attiré en premier lieu dans la neofolk est le chaos et le mystère ; l’imagerie et le son. J’ai tout d’abord découvert le Thunder Perfect Mind de Current 93. Dès lors, je me suis dit qu’il fallait que je creuse plus. Puis Death In June est arrivé et m’a à nouveau saisi. Je ne suis ni ne recherche plus autant de musique qu’à l’époque de mes débuts avec :Of The Wand & The Moon:. La plupart du temps, j’écoute des choses par hasard, en jouant un concert avec quelqu’un ou lorsqu’on me présente quelque chose. J’ai tendance à oublier de mentionner des références lorsque je donne des interviews et je m’en veux de ne m’en souvenir qu’après coup. Parmi les groupes que j’apprécie et dont je me rappelle, je peux citer les français Vesperal et Lisieux, et aux États-Unis, Blood And Sun, qui vient tout juste de sortir son nouvel album. Aussi, Hand In The Dark de Nighttime est incroyable.

Tu es un homme très occupé, puisque tu participes à plusieurs projets musicaux et que tu as monté également des side-projects dans des veines plus expérimentales, électroniques et harsh : Les Chasseurs De La Nuit, White Chamber et Vril Jäger. Comment est-ce pour toi de faire partie d’un duo (comme Vril Jäger), que recherches-tu dans le fait de faire partie d’un groupe, contrairement à :Of The Wand & The Moon: ?
Vril Jäger devait être un trio, c’est-à-dire moi, John Murphy (SPK, Death In June, Shining Vril, etc.) et Thomas Bøjden de Die Weisse Rose. D’où ce nom, constitué du Shining Vril de John, de mes Chasseurs (HunterJäger) De La Nuit, le tout écrit en allemand, comme Die Weisse Rose ! Il s’agissait d’un moyen pour nous trois de donner quelques concerts ensemble tout en pouvant nous occuper en priorité de nos propres projets. Mais la vie est cruelle et nous a pris John avant que cela n’arrive. Donc Thomas et moi avons continué à maintenir en vie ce projet car les idées fusaient et nous avions déjà commencé à travailler dessus. Pour Les Chasseurs De La Nuit, je ressentais le besoin d’expérimenter un peu plus, d’injecter peut-être un peu d’humour et aussi d’avoir un exutoire pour certaines chansons plus ancrées dans la tradition neofolk que j’étais en train de composer, que je ne voulais pas voir associées à la direction prise par :Of The Wand & The Moon:. White Chamber a surgi de mon amour pour les œuvres électroniques et cinématiques de John Carpenter des années quatre-vingt, ce genre de choses… un style qu’il aurait été difficile d’incorporer au sein des trois autres formations citées. J’ai aussi mon projet folk psychéacoustique Solanaceae (NDLA : nous vous recommandons chaudement l’album éponyme, sorti en 2009). Avec toutes ces différentes entités musicales, je peux m’exprimer pleinement. Tout englober sous un même nom porterait à confusion.

L’univers d’:Of The Wand & The Moon: est très lié au paganisme nordique, mais j’ai remarqué que le cinéma (surtout les films en noir et blanc) prend de plus en plus d’importance, dans tes vidéos notamment. Que retires-tu du septième art pour t’inspirer ?
Eh bien, la direction musicale a un peu changé au cours des ans, et cela m’a semblé naturel que l’imagerie évolue. Au début, j’étais très absorbé par la magick, les runes et consorts. Peu à peu je me suis tourné vers des thèmes personnels comme la solitude, l’isolement, etc.

Pour revenir à la compilation, certains des seize morceaux présents sont des classiques de ton répertoire, comme "I crave for you", "In a Robe of Fire", "My Devotion will never fade", "Sól ek sá". Y a-t-il un titre qui t’émeuve plus que les autres, avec lequel tu as un lien plus particulier, et pourquoi ?
J’ai toujours aimé "I crave for you" pour sa simplicité. Musique et paroles simples. Il s’agit sans doute de la seule chanson que nous continuons à jouer à chaque concert depuis le premier album.

2019 a été une année riche en concerts pour toi, avec en particulier ta visite en Australie. J’ai l’impression que tu apprécies la scène en général, comme un véritable troubadour des temps modernes ! Qu’apprécies-tu dans cet exercice ?
J’adore voyager et passer du temps loin de chez moi, où je vis le plus souvent en solitaire à écrire de la musique, et à faire différents trucs pratiques. C’est agréable de s’échapper de l’environnement habituel. On peut déprimer facilement ici à Copenhague comme le ciel est gris, qu’il pleut et vente la moitié de l’année. Il y a aussi le sentiment d’être dans le présent quand on est sur la route. Cela ne sert plus à rien de penser aux soucis qu’on a laissés derrière soi. Bien sûr, il est aussi plaisant de gagner un peu d’argent en faisant ce que tu aimes et de voir des gens apprécier ce que tu fais. Je participerai aux festivals Sort Høst de Copenhague en août et Runes + Men à Londres en octobre. Je suis sûr que d’autres concerts vont s’ajouter une fois qu’on aura décidé d’une date de sortie pour le nouvel opus.

Diskögraphie
  • Nighttime Nightrhymes (1999)
  • EmptinessEmptinessEmptiness (2001)
  • Lucifer (2003)
  • Sonnenheim (2005)
  • The Lone Descent (2011)
  • Bridges Burned And Hands Of Time (2019)