Nouveau nom pour une association de talents que j'aime suivre. Pagan Ring est le projet désormais affirmé d'Usher (Norma Loy, Die Puppe, Black Egg), d'Ymaltzin (chant et paroles, co-composition sur un titre) et d'Osiris (Les Modules Étranges, The Wicker Man). Sont invitées Baba Yaga (Les Modules Étranges) et Sibylle B. (c'est sa voix sur le liminaire "Oracula").
Un projet affirmé car cet assemblage avait déjà donné du son, notamment le titre "Dans la Forêt" sur la compilation Undead, undead, undead sortie sur le label Les Corbeaux de la Peste (j'omets volontairement toutes les fois où Usher et Osiris ont joué ensemble pour privilégier l'idée du trio). On retrouve ici "Dans la Forêt". Notons aussi que "Le Ciel de Saturne" a malheureusement sauté de la gravure, décalant la numérotation. Le titre de l'album invoque les jugements de Dieu par le biais d'épreuves que le suspect doit éprouver pour garantir son innocence.
Le trio s'inscrit dans une veine dark folk qu'on apprécie sur le magnifique "Pompei", doublé en fin de disque par un remix de Paul Fiction. Toutefois, ce n'est pas une simple resucée de Current, Novalis, ou DIJ, puisque les climats et les ambiances sortent du cadre parfois étroit que s'est donné ce genre, année après année. "Walking Head" par exemple joue de l'alternance de deux accords, mais son instrumentation est référencée à Fad Gadget (comme sur le Songs of Death and Deception de Black Egg) dans un premier temps, avant que le piano et la guitare ne viennent amplifier le spectre sonore. La voix en impose, rude, menaçante, maîtresse. En contrepoint, la délicatesse de l'hurdy gurdy, les notes tenues du mellotron et la spatialisation des voix nimbées d'effets créent un univers hautement perceptible sur "Adipocere". Ce titre n'est pas un hommage au label du même nom, mais une bascule vers cette substance qui arrête la putréfaction des corps, nimbant de gras le cadavre dans un milieu empêchant la prolifération microbienne (voir à ce sujet les livres sur les cas de momifications naturelles).
C'est donc qu'il s'agit d'explorer l'entre-deux : comprendre la vie et la mort, savoir que l'un ne va pas sans l'autre et que pour laisser trace, parfois il faut changer de formule chimique. "Messed up" triture illbient puis ajoute des percussions tibétaines, un peu de bande inversée pour la voix. Une autre voix se fait jour sur le final "Eye in the Sky" qui salue à la fois Philip K.Dick et Aleister Crowley... Chimie, vraiment.
À grand renfort de tambours rituels et de chants possédés, les acolytes subliment les invocations ("Wildlife", "Feue (Tombeau pour Jehanne)"). Leur enthousiasme est perceptible par de brusques montées de tensions qui savent redescendre et poser des principes de "mesure en toutes choses" ("Night Light"). On retrouve avec plaisir la voix posée et triste qui interpelle ("White Dress" rappelle ainsi "Young Men" de Black Egg, mais cette fois c'est consacré à l'artiste Pippa Bacca), car les arrangements sculptent une autre atmosphère. La voix d'Ymaltzin chante, parle, se promène, caresse, s'éloigne et revient ("Eternel", "Le Ciel de Saturne"), la musique se calant pour épouser les nuances et les renforcer (comme Usher avait su le faire pour la reprise du "Petit Chevalier" avec sa fille au chant).
Jonathan Abbou magnifie la musique avec des scènes où vie et mort se complètent. Les portraits des deux hommes Usher et Osiris par Normotone et Alex Cat sont assemblés en une seule photo forestière. C'est un packaging conçu par REED O13 qui aimante les regards.
Les variations de climats, les intentions entre rage, apaisement, désespoir, prières forment un délicat écheveau de caractères et les comparses se présentent comme une troupe de troubadours-magiciens, capables d'enchanter de nombreux convives.
