Une vibration : celle du manque, de l’absence, conscience qui nous rattrape de la fin de toute chose possible. Penelope Trappes trame le néant, l’inévitable épreuve. Vibrations dronesques, drapées de noir, voix dans le souffle, la réverbération, cordes en décharnement : tout est mystère sur A Requiem, tout est fumées, vapeurs. Le son : celui de cette préoccupation qui nous frôle, passe par ce vide qu’elle laisse en nous. Fugace exécration. A Requiem : un reflet de l’insondable inconnue, tristesse et Grande Peur. Imaginer le monde sans nous comme nous vivrons ce monde sans les autres, ceux qui ont fait notre quotidien, notre paysage.
La voix part en promenade, une promenade incertaine dans un royaume de cordes jouées dans les graves ("Sleep", un son dérangé). Les tonalités du début de l’album font ouvertement transparaître le chagrin (l’invocatoire "Bandorai", "Platinum" et son glissement rituel).
Tout du long, une beauté s’entretient dans le feutre. Depuis ses débuts, Penelope maximalise l’effet à partir du peu. Aucun renoncement au minimalisme dans A Requiem (titre de travail Furorem) mais un souci du détail : recours à l’invitée Maddie Cutter pour le violoncelle sur "Platinum", Penelope assurera les cordes par ailleurs. Le violoncelle, dans la majesté de ses graves, porte en lui la vibration funèbre. Certains espaces sont religion ("Anchor us to seabed Floor").
Mais si elle forme une essence, la vibration funèbre n’est pas tout. Ancrer dans le macabre, non. A Requiem entretient une tension plus ambivalente et dans les boucles synthétiques luisent les dernières lumières ("Red Dove", émouvant). Lumières d’espérance en diffusion, enfin, quelques-unes : les spectres sont présences familières, évoquées en volutes sur le titre éponyme.
Les ambiances restent de nuit. C’est un modelé en solitude, un son d’esprit et de ventre. Dans le repli sur elle-même, Trappes accouche d’un intimisme à fleur de peau et qui diffuse sa puissance sans spectacle. Rien n’est spectacle sur A Requiem, le son est celui d’une patience méticuleuse, une capture filmique ("Torc"), une ambivalence de rêve et de cauchemar. Songes hors catégories : Penelope Trappes sculpte le paradoxe de notre insondable finitude et si ses petites formes ont le reflet des affres, elles veulent en même temps embrasser ce temps précieux qu’il nous est donné de partager et de vivre : pour nous-mêmes et avec les autres, avant la grande extinction.