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Album
18/03/2022

Stranger Dreams

After The Raven Has Died For The Rove

Label : Unknown Pleasures Records / Crunch Pod Music Label
Genre : rock gothique (et un peu plus)
Date de sortie : 2022/03/28
Note : 65%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Pour apprécier cet album, il faut d'abord passer outre le parti-pris sur le son, étouffé et nimbé d'échos. C'est un peu comme si le choix avait été fait de combiner le crépuscule du rock gothique à la touffeur des productions heavenly, à l'instar du Garlands des Cocteau Twins ("Infierno", dans son jeu de basse, y fait référence). Les multiples couches de sons se retrouvent ainsi étroitement imbriquées et chacune peine un peu à surgir avec netteté : la voix, les guitares, la basse, et même les parties rythmiques sont souvent écrasées sous le son des claviers. Cela dit, on y retrouve avec plaisir des teintes shoegaze (le démarrage de bien nommé "Ether"). La dynamique y est cependant, avec un bel élan qui ne se dément pas et permet ainsi de s'adapter progressivement à cette sensation de manque d'air, cette claustrophobie voulue. Le rejet de formules tubesques amène à des compositions en pente ascendante qui se finissent sur un temps suspendu, comme si le sommet ne pouvait être qu'un horizon. Ainsi "Vessels", torturé dans ses parties rythmiques, défie les codes et s'aventure dans des territoires et des constructions alambiquées. "Raven" ralentit la cadence et introduit la voix féminine d'Amoreena Stout, légère et en retrait plus flagrant, sur une composition sourde, grave, solennelle.

"Dove" sature alors avec pertinence, explorant les limites d'un son sourd, rugueux, agressif dans ses intentions et sa forme à mesure que le spectre sonore se densifie. La reprise des Sisters Of Mercy, "Driven like the Snow" mise sur les stridences rythmiques (la guitare, le crash de la cymbale) sans pour autant gêner la mélodie du chant et la plainte du clavier. Plus étonnante est la composition qui la précède, "Ascend". Celle-ci repose sur une partition plus ambient, mesurée, lente, comme issue de sessions de travail et simplement complétée. Bien sûr, l'écho donné à la voix apporte une dimension tonale qui sacralise le propos, mais ne cache pas une composition qui stagne pendant six minutes. L'explosion qui arrive enfin bouscule l'auditeur et fait grandement plaisir.

La voix, profonde, contraste avec l'aigre des guitares, plus typé deathrock ou batcave, quand bien même il serait délicat de cantonner le projet à ces deux axes puisqu'il les dépasse régulièrement, grâce à des tempos plus rapides et une volonté d'affronter l'auditeur ("Defiant").

Karloz M. a mené à bien cet album, malgré le décès de son complice Seamus Simpson en 2021. On a donc ici un ensemble tragiquement présent, qui regroupe des titres travaillés de 2018 à 2022. Ce projet annexe dans les travaux de Karloz M. (qui n'avait sorti sous ce nom qu'un EP six titres digital en 2008, alors que son Manufactura est bien plus vivace) sert d'exutoire à une musique chaude et distante dans le même mouvement, acérée et délicate ("Ether"), colmatant des plaies pour aller de l'avant. Un album intéressant pour les fans du genre, sans doute redondant pour ces autres qui ne changeront pas d’avis sur le rock dit gothique avec cette sortie.

Tracklist
  • 01. Labyrinth
  • 02. Dove
  • 03. Infierno
  • 04. Defiant
  • 05. Ether
  • 06. Vessels
  • 07. Raven
  • 08. Ascend
  • 09. Driven like the Snow (The Sisters Of Mercy cover)