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Album
26/04/2023

The 69 Eyes

Death Of Darkness

Label : Atomic Fire Records
Genre : goth'n'roll à l'équilibre
Date de sortie : 2023/04/21
Note : 65%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

J'avais lâché l'affaire The 69 Eyes, tourné la page et n'espérais plus rien de ce groupe. Pire, je trouvais leurs dernières productions ratées – et cela m'énervait.

Evidemment, on a affaire à un groupe qui a mis du temps à trouver sa voie : il faut attendre son quatrième album Wasting The Dawn (1999) pour découvrir le superbe titre éponyme, quasiment un intrus dans un ensemble hard-rock / metal sans envergure ; ce fut ensuite le très réussi Paris Kills (2002) qui concrétisait alors la formule magique du goth-rock de crooner, quelque part en complément de HIM et Type O Negative, avec une série de tubes romantiques un poil fleur bleue et emphatiques, mais qui fonctionnent toujours à plein régime : "Dance d'Amour", "Betty Blue", "Grey", "Radical", "Stigmata". C'est sans conteste leur chef-d'œuvre.

Le Devils de 2004 permettait une ouverture culturelle à ce spectre sonore et la rencontre que je fis alors pour une interview acheva de me persuader qu'on tenait là des hommes intelligents, sensibles et capables du meilleur.

Et pourtant, le format vira au rock'n'roll, au pastiche ; les lourdeurs prirent le pas sur les instants de grâce. C'est donc à reculons que j'acceptai de chroniquer ce nouvel arrivage, leur treizième album puisque le trio inséparble (Jyrki 69 au chant, Archzie à la guitare et Jussi 69 à la batterie) ne cesse de sortir des disques. Le single "California" m'avait une fois de plus rebuté : clinquant, visuels tape-à-l'œil ringards, musique gonflée au hard FM. Rien que ce choix assumé me fait sentir toute la distance entre les aspirations et leurs envies.

Et pourtant, que d'étonnement ! Bon, l'album à la belle pochette façon carte à gratter n'a pas l'homogénéité tubesque dans le sens que j'aime de Blessed Be (2000), mais il est bon et propose tant de morceaux honorables que c'est finalement plus difficile que prévu d'en rendre compte.

"Dying in the Night" est le mid-tempo classique : belle basse, notes de synthés pour enrober de sucre cette pépite mièvre, quelques acidités dans le solo de guitare, la voix suave qui cajole, de plus en plus proche d'un Iggy Pop période "Tonight", les références à la petite fille à laquelle Jyrki le ténébreux vampire s'adresse régulièrement. C'est kitch et réussi. "Outlaws" se présente comme le slow final, bien porté par la voix et quelques notes de piano ; c'est astucieux, même si la ligne mélodique manque de puissance émotionnelle alors que les ingrédients sonores y sont.

Le vieux fond goth'n'roll est la base de plusieurs titres : "Sundown" (poussif et lourdaud avec son solo trop facile, plus surprenant par son break qui sent la pop-song) ; le rapide "Drive" se veut enlevé, mais tourne un peu en rond sur des attendus trop entendus qui sonnent cruellement datés ; "California" qui passe mieux d'écoute en écoute et surtout sans son clip puéril... Ajoutons à cette série "Call me Snake" qui est le prototype de la fausse bonne idée : son hardos décuplé par les synthés, voix d'outre-tombe, chœurs façon hardcore... pour un résultat là encore pataud et indigeste (pourtant les "na-na-na-na-1997" sont sympathiques).

Revenons alors aux réussites plus formelles. "Death of Darkness", additionne piano, guitare non saturée, belle basse et passages saturés : le classicisme fonctionne grâce à un refrain imposant, et permet même quelques mesures de chant crié surprenant. "Gotta rock" (reprise du groupe Boycott) est chaloupé et drôle, un morceau à prendre au second degré, à l'évidence harmonique pour tortiller du cul sans complexe. Surfait ? Oui, mais la reprise est bien mieux que l'originale avec sa ligne synthétique imparable. Du Jackson-goth-FM pour épisode de Scooby-Doo (série qui avait mis en scène Kiss, alors pourquoi pas The 69 Eyes ?). Enfin, LA grande surprise de cet album est "This Muder takes Two", ballade southern gothique sans la folie des Those Poor Bastards, mais avec la voix de Kat von D, célèbre tatoueuse du gotta du rock'n'roll. Le morceau date d'expériences démarrées pour des sessions – finalement avortées – avec le fils de Johnny Cash.

Le groupe assure sa promotion en prenant le temps : le clip de "Drive" est sorti il y a six mois, celui de "California" il y a cinq mois et ces jours-ci, c'est "Death of Darkness" qui prolonge l'expérience sonore. Finauds, The 69 Eyes savent qu'ils ont plusieurs publics, génèrent différentes attentes. Ils montrent avec cet album qu'ils ont retrouvé leurs talents d'équilibristes, ni trop vulgaires pour moi, ni excellents malheureusement. Les choix à faire seront donc tout personnels. N'est-ce pas le propre des albums de l'ère numérique ?

Tracklist
  • 01. Death of Darkness
  • 02. Drive
  • 03. Gotta rock
  • 04. This Murder takes Two
  • 05. California
  • 06. Call me Snake
  • 07. Dying in the Night
  • 08. Something real
  • 09. Sundown
  • 10. Outlaws