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Live report
29/04/2023

The Mission + Jad Wio

Le Trabendo (Paris) | Dimanche 23/04/2023

Tournée : 'Déjà-Vu' Euro Tour 2023
Genre : rock / gothic rock
Photographies : Stéphane Burlot
Posté par : Emmanuël Hennequin

Déjà Vu : cette impression de revivre les choses – ou, sans doute, de les vivre enfin. Plus de la moitié des shows 2023 de The Mission ont lieu sold-out à l’heure de poser ces lignes. Le tour de chant, ajourné d’un an pour des raisons liées – rappelez-vous – à la pandémie, a enfin lieu en ce premier semestre 2023. The Mission lance alors ce qui restera probablement sa dernière tournée européenne, du moins de cette "magnitude", mot fait sien par Wayne Hussey suite à des petits problèmes de santé (rendus publics) subis sur l’après-Paris : le chanteur, pris d’un coup de froid, a dû s’absenter de la scène – fait rare dans l’histoire du groupe – lors du show (écourté) de Madrid.

YOU'RE GONNA MISS ME | GUESTS : JAD WIO

Le public est déjà assez compact sur les grands "planchers étagés" du Trabendo lorsque Jad Wio, qui ce soir assure la première partie de Hussey & co., prend la scène. Le groupe, actif en studio (EP2 en préparation, attention aux cadavres exquis), délivre une prestation à la fois sobre et amusée, rock et retenue. La voix est là. Les titres s’enchaînent, la scène est petite et le groupe relativement statique. Mais le trio fait le show, manière intime.

La setlist remonte jusqu’à Cellar Dreams (1986 - reprise de "You’re gonna miss me", "The Ballad of Candy Valentine"), et revisite le fond de catalogue. Roxy Music est à l’honneur en début de concert ("la chanson que nous allons vous interpréter a cinquante ans cette année", dit Denis Bortek en guise de présentation). Beat économe, la voix dans le souffle. C’est beau, et enveloppant. Bortek, peu disert, restera d’une attitude fort chaleureuse durant tout le show. Le son de Jad Wio est à la fois robotique et organique, vous avez envie de danser. La performance se tient bien. Guitares évitant le "surjeu" : juste une énergie, les volumes nécessaires. En fin de concert, il y a le remerciement appuyé au public. C'est à l’entame de "Requête obsolète", et sur le visage l’expression d’un bonheur d’en être. Le public a répondu à l’appel. Denis – et nous te le disons avec d’autant moins de flagornerie que nous ne te connaissons pas personnellement –, ton âge te va (extrêmement) bien et ton Jad Wio, ce soir, a soulevé des cœurs. Lorsque nous nous retournions, nous voyions les regards posés sur le groupe, sur toi, leur qualité. Tout le monde ne peut pas créer cela.

SETLIST | JAD WIO
In every Dream Home a Heartache (Roxy Music cover) / Western / Priscilla / Magdalena Dunkel / Monsieur Gargantua / Volte Mort / The Ballad of Candy Valentine / You’re gonna miss me / Requête obsolete

LET'S DO THIS ALL AGAIN | THE MISSION UK

Les chapeaux sont de sortie. Feutre noir pour ceux qui ne chantent pas : coiffés, Craig Adams (basse Rickenbacker sacrément lourde au mix ce soir) et Simon Hinkler, facétieux durant une bonne partie du concert. Hinkler s’avèrera pointu dans ses guitares ce 23 avril. Craig, lui, connaît plus d’absences : capable de sortir de scène pour soit aller voir de l’autre côté ce qui se passe, soit partir à la rencontre de l’assistance plateau. À quelques reprises, disons-le, la basse s’est un peu cherchée ce soir. Ça arrive.


Wayne, lui, est en simplicité : barbe de trois jours, la chevelure a blanchi et il la porte bien, de même que cette chemise sombre à motifs fleurs. Hippie-goth ? Au fond de la scène, Alex Baum crée une ossature solide. Le nouveau batteur est au service des guitares, de la musique, et en remplacement de l’endurant Mike Kelly fait plus que le job. Puissance et sobriété, à peine une approximation sur la reprise, nerveuse, de "1969". Il pourrait bien rester l’ultime batteur du groupe. C’était sa première date parisienne.

The Mission entame son set en mode classique. Après une introduction instrumentale moyennement spectaculaire, le groupe débarque. La balance entre la bande d’ambiance et le déploiement organique tarde un peu à trouver son équilibre dans le mix de façade mais les guitares finissent par s’imposer. "Beyond the Pale", incisif, est joué bien au fond du temps. Quelle meilleure introduction de concert que ce cru 1988 ?


Children sera mis à l’honneur ce soir (trois titres avec en outre "Kingdom come" et l’inévitable "Tower of Strength"). The Mission a abattu un atout nostalgie pour ce show filmé pour une future sortie DVD. Sur les dix-huit titres joués ce soir, plus du tiers se concentre sur les tout débuts et font revivre un temps béni. L’époque des premiers EPs et du premier opus Gods Own Medicine renaît alors à travers d’assez flamboyantes versions de "Garden of Delight", "Naked and savage" ou encore, sur la fin du show, un "Crystal Ocean" au physique respectable. 

"Wasteland", lui, a un peu erré dans son développement ambiant central : la basse se décale un temps, le rendu est à ce moment-là approximatif mais le groupe reprend la main. Wayne, avant le crescendo final, fait un clin d’œil appuyé aux Doors ("Light my Fire", incrusté). Le coup de la reprise cachée conclura d’ailleurs le concert, avec un terminus inattendu pour "Tower of Strength". À l’heure où s’estompent les boucles typiques du gros hit, Hinkler et Hussey restent sur scène pour une descente vers les abysses. Outro au charbon : la gorge de Wayne en appelle à feu Roy Orbison. Walk on / Walk on with hope in your heart / And you'll never walk alone / You'll never, ever walk alone. C’est la fin.


Wayne a toujours cette malice sur scène, les petits signes fait au public, le pouce levé, sourire en coin face à ce(tte) fan dont le jet de pluie de petits papiers échoue lamentablement au premier rang. Le lien qu’il sait créer avec le public fait toujours le sel du groupe et si la prestation se déroule globalement bien, l’auditoire manque de nerf sur les rappels, en particulier le premier. Il a su manifester sa joie, néanmoins, pendant la globalité du set, et notamment lorsque le groupe accentue les dimensions dansantes de sa musique. Le beat de "Met-Amor-Phosis" fonctionne, mais c’est surtout la version réinventée de "Never again" qui soulève la salle : un crossover entre l’approche electro et dansante originelle de Masque (1992) et, sur les refrains, la retenue, option de la version réinventée de l’époque AurA (réécoutez la prise studio d’Aural Delight).


Le sol de la scène colle – Wayne l'a dit avant "Never again" – mais le groupe chausse les crampons : il revient (le show est filmé, n’oubliez pas) et déroule ceux qui resteront peut-être nos derniers souvenirs de famille. En dix-sept titres, certains disques passent forcément à la trappe (AurA ou Neverland, pour en citer deux – et la vache, nous aurions bien pris une rasade de "Raising Cain").

Au sortir du concert, reste l’impression d’un groupe "de métier", capable encore de délivrer un son authentique. Et puis comme toujours, il y a ce qui fait la marque de ces concerts : la force des mélodies, le charisme naturel des acteurs, et par-delà le temps présent cette flamboyante histoire, ancienne et qui ressurgit en mémoire au son des boucles de guitares. Plus tard en soirée, Craig Adams et Alex Baum font un saut au stand de merch (moult items à disposition, parmi lesquels le dernier livre de Wayne, Heady Daze) et passent quelques moments avec les fans, cédant aux pressantes demandes de photographies. Dernières images d’une soirée de chaleur partagée mais dont certaines manifestations sont, à notre goût, restées un peu timides. L’essentiel, lui, est resté : une forme de mérite, et le maintien du style.

SETLIST | THE MISH
Intro / Beyond the Pale / Hands Across the Ocean / Kingdom Come / Met-Amor-Phosis / Garden of Delight / Stay with me / Like a Child again / Grotesque / Never again / Butterfly on a Wheel / Wasteland / Deliverance / 1969 / Naked & savage / Severina / Crystal Ocean / Tower of Strength