Philipp Münch (Synapscape, Ars Moriendi…) est un petit joueur – comprenez : un type qui – depuis longtemps – aime s’amuser et qui, malin, se prive aujourd’hui moins que jamais. Pleasure Under Pressure en forme un nouvel et énième exemple : la réorientation dans les années 2000 de The Rorschach Garden vers un formalisme synthpop, new wave et minimal est ce mouvement dans lequel s’inscrit la musique de Pleasure Under Pressure, sautillante mais moyennement encline à la spectacularisation.
Münch y joue de retenue. Voix presque détachées, motifs synthétiques en apesanteur, rythmiques osseuses et robotiques : un feeling qui se fixe dès l’ouvreur "Space Promenade" et se dissémine sur tout l’album (cf. "Ballad of the Robots"). En cette fin 2024, TRG couche une série douce-amère aux reflets post-kraftwerkiens à fredonner un peu partout. La fausse légèreté de l’ensemble est-elle à prendre au quatorzième degré (minimum) ? On ne nous dit pas tout. Par moments, les suites mélodiques et l’insistance des nappes, leur prolongement, créent un halo ténébreux à l’intérieur du son, comme une ambiance de nuit ("Trenchcoats"). Luminosité troublée. Cette musique se danse en se foutant en peu de tout, même si une vague inquiétude vous gagne de temps à autre. Münch joue avec vos nerfs.
Si le projet a plusieurs fois subi la menace de l’extinction, The Rorschach Garden s’avère ces dernières années plus prolifique que jamais. Ce son synthétique, ses reflets analo, ses vibrations retro, ses humeurs en mélange, insufflent humanité à Pleasure Under Pressure, quoique les formes ne se départissent pas d’un brin d’étrangeté. Il y a du style, c’est sûr, et ce qui ravit sans doute le plus : ce sentiment que Münch s’amuse à poursuivre le développement de son propre vocabulaire… ce qui ne le prive nullement, à l’envi, d’emprunter aux autres – comme lors de cette réinvention, entraînante et magnifique (pour le titre le plus ouvertement dark de l’ensemble) du "Sleeper in Metropolis" d’Anne Clark ("Mutant Sleeper"). Votre corps se met à se déhancher, et vous n’y pouvez rien. Malin, ce Münch. Malin.