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Live report
18/01/2020

The Swindle

Live @ Celtic Pub (Tarbes) - Mercredi 12/06/2019

Photographies : option vintage / moyens du bord / DIY © Sylvaïn Nicolino
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Enfin ! Écrire un report d'un concert, c'est bien. Donner une vidéo montée à voir et écouter, c'est pas mal non plus. L'actualité du Swindle englobe aussi l'utilisation des médias et souhaite donner à voir. Donc, en ce début 2020, voici un report inédit du mois de juin 2019 avec sa vidéo toute fraîche. Chaleur et froid dans les têtes. Nous y étions, et pensons encore aujourd’hui qu’il faut en parler, et conserver souvenir.

The Swindle a composé un manifeste. Celui-ci est imprimé sur une feuille A3 qu'on retrouve sur les tables du bar. La prestation à venir n'a pas forcément besoin du support de ce texte pour marquer les esprits. Toutefois, sa lecture a posteriori éclaire le propos et engage The Swindle dans une démarche qui doit faire sens. Publier un manifeste expose aux regards : il s'agit d'être à la hauteur des mots posés, de proposer réellement des pistes concrètes ou sensibles que le spectateur sera en droit de juger. Demander des comptes une fois le manifeste lu.

Les manifestes sont liés aux avants-gardes. C'est de ça dont il s'agit à travers le concept de Post art ou de Post music qu'adopte le groupe ici et là (ce soir, le programme annonce du post-rock – on sera trèèèès loin des Godspeed You! Black Emperor et autres Tortoise). Après une brève histoire ou définition de l'expérimental et de l'expérimentation, un refus des catégorisations de genres et des techniques, The Swindle mais aussi Zorn Vorster et Wyhar Ee (signataires du texte) en appellent à des performances qui dépasseront le cadre désormais reconnu de l'expérimental. Celles-ci feront le chemin à l'envers, revenant à un format d'art primal, intuitif et libre, sensitif et déplacé.
Le simple fait d'établir une théorie écrite va à l'encontre et crée un paradoxe aussi défaitiste que le théorème de Gödel : pourquoi chercher quand on sait qu'il n'y aura pas de découverte ?
Le concert-spectacle-performance, ou la proposition de concert, débute donc par l'autodafé ("cérémonie de pénitence publique") de ce manifeste à même le sol, devant le groupe. Cet acte libérateur et symbolique rejette le maigre public plus loin. Au feu les concepts.

Qu'est-ce que The Swindle ? Trois hommes bestialisés. Corps dénudé ou totalement couvert d'une combinaison de chantier. Des cheveux longs ou rasés ou pas de tête puisqu'une cagoule à tresses de bouche couvre la tête de l'un des trois. Régulièrement celui-ci lancera une question : "Où est la lumière ?" Ne rions pas : le questionnement est bel et bien métaphysique.
Deux d'entre eux sont en jupes longues. Leurs pieds sont nus. L'un a le visage peint en blanc. L'autre en noir. Corpse-paint ?
Des chaînes les lient à la structure de la batterie : celle-ci est un béton tantôt lisse, tantôt granuleux, laissant apparaître la structure métallique. Peu de lumières, pas d'effets non plus, pas de paroles échangées entre les morceaux, peu d'échanges de regards entre eux trois, sauf lorsque les compositions fonctionnent sur le face à face.
Les différents titres joués ce soir s'enchaînent, permettant parfois des applaudissements épars. C'est un melting-pot de différents genres, enfin hors de l'influence de Fantômas (influence encore trop présente chez Igorrr). On a donc du black-metal, de la musique surf, du kraut, du post-punk, de la noise versant no-wave, du space-rock ou encore du HNW. Mais aucune de ces étiquettes ne donne un morceau. Ce sont des gimmicks qui surgissent, servent de repères, comme si une radio alternative laissait échapper ses ondes sans contrôle. Tout comme avec le riff principal du titre de Pink Floyd, "Interstellar Overdrive", The Swindle redonne à ces agencements de notes leur sauvagerie première. Tout sonne étonnant et naturel. Les poings martellent le clavier. Des samples de voix servent de répons au guitariste, les paroles sont chantées, criées, soufflées. Les trois se mettent à percusionner ou marteler violemment, en vis-à-vis : la musique revient à sa source pulsative, pulsionnelle. Il y a là quelque chose d'éminemment liturgique. La batterie et son socle sont tirés en avant et les deux autres musiciens se retrouvent en arrière-plan, nous laissant face à l'homme masqué. Un peu de fumée dans les pieds, pour le style.

The Swindle, c'est "l'arnaque", "l'escroquerie", l'ultime pied de nez des Sex Pistols. Le rock'n'roll a subi son propre revers : de musique subversive et libérée, il est devenu une musique de vieux, stéréotypée et déclinable en maints sous-genres. La fréquentation en baisse des concerts témoigne malheureusement du fait qu'il ne se passe plus rien avec cette musique, qu'elle ne révolutionne plus rien ; pire encore, avec la désaffection des plus jeunes, on ne peut que constater que ces musiques ne se font plus sentir.
The Swindle est une réponse volontaire et versatile à la croisée de ces questionnements. Jeune groupe et jeunes gens, ils refusent d'être happés par le miroir aux alouettes. À la place, ils cassent la surface trop polie, exposent la mosaïque ainsi créée et volent au-dessus, sans se poser de questions une fois les intruments branchés.
Libérateurs et iconoclastes, pour le moins.