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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
22/11/2021

Tormentor Radio Show

"Notre rôle est avant tout de transmettre la musique, c’est elle qui a la priorité"

Génre : dispersion radiophonique d'ondes ténébreuses
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Sur la fréquence de Radio Libertaire et bien plus largement sur internet, l'émission Tormentor Radio Show défend les musiques actuelles et leurs historiques. Chaque semaine, l'équipe de passionnés diffuse sur un large créneau les grands noms des scènes dark, électro, cold, gothique et tout le toutim. Cette diffusion est en double format : 100% musicale, ou alors longues sessions d’un entretien coupé par la diffusion large de pans de la discographie.

Quelle(s) émission(s) ou radio(s) vous ont donné l’envie de vous lancer à votre tour ?
JF & Laurent : John Peel sur BBC Radio 1 et Richard Lenoir !
Ugo : Radio 666, une radio qui émet sur Caen et que j’écoutais quand j’étais étudiant là-bas. Je me souviens de deux émissions, Darkside (avec pour générique le titre "Jihad" des Sisterhood) et Welcome To Paradise. Il faut comprendre que depuis le début des radios libres et jusqu’au milieu des années 2000, les radios FM constituaient l’inestimable relais des scènes musicales alternatives pour les personnes isolées, en province ou ailleurs, qui n’avaient pas les moyens ou la possibilité d’acheter des disques ou d’assister à des concerts. Avec la démocratisation d’Internet en haut débit et l’arrivée des premières webradios, ce n’est plus vraiment le cas.

Disposez-vous d’un budget propre à l’émission ?
Ugo : Radio Libertaire est une radio associative, constituée exclusivement de bénévoles, sans publicité, qui ne vit que du soutien financier des auditeurs, à l’exception du fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER). Nous n’avons donc pas de budget en tant que tel mais nous disposons des moyens techniques de la radio, ce qui est déjà beaucoup !

Faites-vous des reportages en extérieur : fête de la musique, concerts, studio d’enregistrement, de répétition ?
Ugo : Jamais jusqu’à maintenant, mais cela pourrait faire partie de nos plans !

Faites-vous de la publicité pour votre émission ? Localement (flyers dans les bars, à la sortie des concerts), nationalement (publicité dans la presse) ?
JF : Nous avions imprimé des flyers par le passé, distribués chez certains disquaires ou bars… mais pas récemment. Ça prenait du temps et nous n’avons pas remarqué que cela faisait venir plus d’auditeurs !
Ugo : Tout semble se jouer à présent sur Internet et les réseaux sociaux. On galère un peu, par manque de temps et de savoir-faire. À ce sujet, nous sommes ouverts à toute proposition d’aide ! Cela dit, la meilleure publicité est celle que font nos invités...

Cette interview donnera un peu de visibilité de notre côté. Quels liens entretenez-vous avec les auditeurs ?
Ugo : Nos auditeurs sont la raison d’être de ce que nous faisons ! Nous aimerions être plus disponibles et pouvoir les impliquer d’une façon ou d’une autre à notre émission, mais ici aussi, le temps nous fait défaut… Même si nous mettons du temps à répondre aux diverses sollicitations, nous y restons sensibles. Il ne faut pas hésiter à nous contacter par téléphone pendant l’émission, ou bien par e-mail et sur les réseaux sociaux où nous sommes présents : page & groupe Facebook, Instagram, Youtube, etc.

Quelle relation entretenez-vous avec les autres animateurs de la station ?
Ugo : La grille des programmes de Radio Libertaire affiche plus ou moins soixante-dix émissions. Cela doit probablement représenter pas loin de deux-cents personnes ! Nous ne les connaissons évidemment pas toutes et avons naturellement plus d’affinités avec les autres émissions musicales de la grille telles que Wreck This Mess, Seppuku ou encore Epsilonia. Nous avons déjà eu le plaisir de faire une émission commune en compagnie de Laurent Diouf de Wreck This Mess et de Black Sifichi d’Audiometric (sur Aligre FM). Nos liens ne s’arrêtent donc pas aux seules émissions de Libertaire et, en radio comme ailleurs, il faut savoir se serrer les coudes !

Votre programmation pour la saison à venir fait fortement jaser tant elle regorge de noms prestigieux, cumulant les anciens, les nouveaux, les peu connus et les célèbres…
Laurent : Effectivement, et je me permets de représenter ici les grands moments sur lesquels nous travaillons et que nous pouvons annoncer pour les mois à venir. Je précise que ce sont bien des formats interviews ! Minimal Compact avec Samy Birnbach, Flint Glass, Robert Enforsen pour Elegant Machinery, Wild Shores, Martin Dupont, Babel 17, The Disease, Corpus Delicti, Cathode Ray Tube, Electronicat, Bourbonese Qualk avec Simon Crab , Norscq, David Vallée pour LITH & EKS.Center, Nocturnal Emissions avec Nigel Ayers, Ferns Recordings, KatzKab, Dominic Guerin pour SPK & Last Dominion Lost, Aruro Lanz de Esplendor Geometrico, Paul Lemos pour Controlled Bleeding, SWIM Rec. (avec Malka Spigel de Minimal Compact & Colin Newman de The Wire), Lagowski (SETI/Legion), The Neon Judgement / Neon Electronics, Thigpaulsandra (Coil), Fabrice de Frustration.

Vous avez deux formats différents, c'est pour ça que tu précises que ces artistes seront reçus en interviews ?
Laurent : Oui, c'est ça, nous avons les LIVAKT, qui sont des émissions en direct, consacrées soit aux nouveautés, soit à des thématiques, et évidemment aux interviews et les RE-AKT qui correspondent à des programmes musicaux, sans parole et principalement dédiés à des thématiques. Les RE-AKT héritent des fameuses "Bandes Sans Fin" qui tournent en continu sur les ondes de Libertaire quand il n’y a aucune émission en direct.

Vous recevez aussi des labels. Je trouve ça intéressant, de montrer la fabrique esthétique de ces gens qui prennent des risques...
Laurent : Oui, sans les citer tous, nous avons invité ces dernières années les labels suivants : Anywave Records, Third Coming Records, Intervision, Bedroom Research, Icy Cold Records & Manic Depression, Last Embassy, D-Monic & M-Tronic, YGAM, Da! Heard It Records, Optical Sound, Bip_Hop, Infrastition & Cynfeirdd… Mais ce n'est pas tout, nous confions parfois la programmation musicale à des artistes et DJs comme Black Sifichi, Roel Funcken (Funckarma, Quench, Legiac...), Thierry Arnal (2W, SEPL, Amantra), Rean IMator (Sanctuary Sessions & Burg Radio à Cape Town en Afrique du Sud), Dj Oxblood (Paris), Les Saigneurs De La Night, Substencia… Et enfin, pour dresser un panorama complet , nous essayons de ne pas oublier les acteurs incontournables que sont les programmateurs et organisateurs de concerts et de festivals, les magazines, fanzines et autres webzines, qui font un travail incroyable pour animer et promouvoir les scènes musicales que nous affectionnons ! Parmi ceux-ci, nous avons déjà reçu L'Étrange Festival, la revue Persona, l’agence Edyfis, les webzines Indie Rock Mag, Des Cendres à la Cave, Cesium Impact, les magazines Blah Blah News, MCD, Coda, les programmateurs de L'International (Paris), de la salle Le Vent Se Lève (Paris), le Sulfure Festival, l’Industrial Festival (Cannes), la Fête de la Musique Electro Industrielle (Paris), l’Industrial Impact (Paris), la Blood Dolls Society (Paris) ou encore le Festival Ambient Paris. Obsküre manque d’ailleurs à la liste… !

Je le dirai aux chefs ! Ce qui m'a marqué en travaillant sur Norma Loy, c'est l'espace que vous donnez à vos interviews : on a de longues plages, des tunnels comme on dit de musique, puis des moments où les réponses sont détaillées, douces. Les invités prennent le temps de poser leurs idées et on apprend plus que ce qui se fait habituellement puisqu'ils vont dans des détails sans être interrompus ou pressés par le temps.
JF : Comme nous n’avons rien à vendre et que notre rôle est avant tout de transmettre la musique, c’est elle qui a la priorité, tout comme la parole de celles et ceux qui la font. Celle-ci peut prendre du temps à se construire, il faut donc en laisser aux invités pour qu’ils puissent s’exprimer comme des passionnés vers d’autres passionnés. Ça suppose donc d’être généreux en temps de parole, et large sur les horaires !

Laurent : Effectivement, nous sommes la dernière émission de la grille du samedi donc nous pouvons faire parfois jusqu'à quatre heures de direct ! De plus, nous nous chargeons de la programmation musicale de la nuit, après l’émission, ce qui fait que nous avons bien plus que ça : nos "RE-AKT" sont diffusés jusqu'au dimanche matin ! Par exemple, après l’émission avec Minimal Compact, nous avions spécialement programmé deux heures trente de cold wave en rapport avec l’émission du soir. Nous sommes ainsi parmi les seules émissions en bande FM en France à pouvoir diffuser autant de musique en continu, jusqu’à treize heures de programme parfois !

Vous êtes maintenant quatre personnes, peux-tu revenir sur l'historique de cette émission qui approche des cinq cents diffusions ?
Ugo a initialement proposé à Benjamin le projet de ce qui ne devait être qu’une simple émission musicale, comme il en existait tant d’autres dans le paysage radiophonique à l’époque. L’idée était de mettre en avant les musiques et les artistes en accord avec leurs goûts musicaux et que l’on ne retrouvait pas facilement à la radio, du moins en région parisienne, à l’image de Skinny Puppy, dont une des chansons a donné le nom à l’émission [NDLR : sur l’album Too Dark Park, sorti en 1990]. Le choix de Radio Libertaire s’est fait de façon assez naturelle et, après avoir soumis une maquette et être adoubé par Jacques Perdereau himself, Tormentor a démarré ses activités le 14 avril 2001 [NDLR : Jacques Perdureau, 1953-2003, membre actif de la Fédération Anarchiste, producteur de l'émission Epsilonia, organisateur de spectacles]. Jean-François a intégré l’équipe assez vite, au départ pour prêter main forte suite à une absence prolongée d’Ugo.
Les premières années de l’émission furent laborieuses, techniquement parlant… Libertaire offre une liberté totale aux animateurs sur la conduite de leurs émissions et cela concerne aussi la technique ! Il nous a donc fallu apprendre les rudiments de la technique radio sur du matériel relativement complexe et capricieux. Encore maintenant, la maîtrise des aspects techniques demeure un enjeu important pour la bonne tenue de nos émissions et interviews… Au fil des années, l’équipe a connu peu de changements et si Jean-François a dû prendre congé à mi-parcours pour raisons professionnelles, le noyau dur est resté le même jusqu’à maintenant.
Du point de vue musical, nous pensons avoir gardé la curiosité et l’ouverture d’esprit nécessaires, sans trahir nos débuts, ni oublier nos références. Nous sommes restés investis dans ce travail de découverte, de promotion et de défrichage et le temps est passé étonnamment vite ! Si nous invitions de temps en temps des labels ou des artistes pour des entretiens ou même des concerts en direct, l’idée de modifier drastiquement le format de l’émission et de généraliser les interviews s’est manifestée avec l’arrivée de Laurent en 2018, qui a infusé du sang neuf à l’émission. Depuis peu, Jean-François est revenu pour compléter l’équipe et nous permettre de continuer à aller de l’avant !

Pourquoi n’utilisez-vous que vos prénoms ?
JF : Comme chacun d’entre nous a une vie et une activité professionnelle en dehors de l’émission, et que nous ne sommes pas des stars, cela permet de préserver un certain anonymat. À la limite, nous aurions pu prendre des pseudonymes.

Comment expliques-tu ce succès ? Vous recevez qui vous voulez en fait...
JF : oui, et sans aucune contrainte.
Laurent : Lorsque Christophe Demarthe écrit sur la page de Clair Obscur que "Tormentor Radio Show est une des émissions les plus remarquables du paysage radiophonique hexagonal" ou encore Pierre Belouin de Optical Sound qui explique que "Radio Libertaire est une des rares radios, où ce qu'on appelle l'exercice radiophonique prend tout son sens, il est en effet possible de développer une pensée et un dialogue sans bride de "timing" limité aux carcans d'un tableau, ceci est précieux dans une époque d'accélération tout azimuth", ça marque ! Cela peut sûrement expliquer le fait que depuis un certain temps de grands noms sont passés et veulent passer chez Tormentor, je crois qu'il n'y a rien de mieux que le bouche à oreille dans notre petit milieu.

Vous avez multiplié ces dernières années les supports pour mieux diffuser votre travail (et le travail des artistes du même coup)… Peux-tu nous faire un rappel ?
Laurent : Nous avons en plus de notre site officiel (sur lequel toutes nos playlists et podcasts sont disponibles), une page MixCloud et nous avons aussi des lives, que nous postons gratuitement sur notre Bandcamp. Enfin, nous sommes également sur Instagram, Facebook, Youtube, Twitter... C'est d'ailleurs Facebook qui est la page la plus importante pour les infos générales et les annonces de futures émissions. Nous y avons aussi une page "Groupe" que nous invitons tous les passionnés à rejoindre, et créons pour chaque émission une page "évènement" ! Voilà, je crois que tu as toutes les infos.

Vous avez aussi décidé de développer votre émission vers l'international, peux-tu en dire plus ?
Laurent : Récemment nous menons des interviews en anglais, qui auront du coup deux versions : la version originale et en plus une seconde avec la traduction en français ! Beaucoup nous disent fous ! C'est vrai, car il n'y a pas d'équivalent dans le monde de la radio. Et c'est un boulot de malade. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons besoin d’être au minimum quatre pour ce travail.

Pour finir, j'invite les lecteurs à faire un tour sur vos sites. Tu m'as passé la liste exhaustive de tous ceux que vous aviez déjà reçus, je place ici une sélection personnelle de dix émissions : Samy Birnbach (Minimal Compact), Richard Pinhas (Heldon/Ose/Video Liszt), Laurent Perrier (Nox, Cape Fear, Heal, Pylône), Gerome Nox (NOX/G-Nox/BlackNox), Christophe Demarthe (Clair Obscur/Cocoon), Chelsea (Norma Loy), Black Sifichi, Marc T. (Dither & Dirge), AinSophAur, Je T'Aime, Mlada Fronta.