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Ténèbres, puits sans fond. Obsküre plonge, fouine, investigue, gratte et remonte tout ce qu’il peut à la surface

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Interview
04/10/2019

Twice / Twice On Gothic

XXV ans : entretien & soirée exceptionnelle à Cognac le 23/11/2019

Genre : fanzine physique / glorieux papier
Evènement : Soirée spéciale XXV ans (23/11/2019 @ Abattoirs - 16 100 Cognac)
Causes défendues : Cultures & musiques sombres et romantiques (darkwave, heavenly, gothic, ambient, spleen pop, etc.)
Posté par : Emmanuël Hennequin

Le fanzine Twice, spécialiste des cultures et musiques dark et romantiques, est né à Cognac et fête cette année ses XXV ans. Le quart de siècle, oui. Une soirée spéciale (baptisée Twice Party - A Wistful Birthday) est organisée à l'occasion dans sa ville le 23 novembre 2019. Viendront se produire sur la scène des Abattoirs, pour cette célébration spéciale, personne d'autre qu'Antimatter, Collection d'Arnell-Andréa - et, s'il vous plaît, les très cultes And Also The Trees.
La présence de ces derniers sur scène est rare, à l'heure où le groupe travaille sur son prochain album, et alors même que le chanteur Simon Huw Jones vient de publier avec Bernard Trontin (The Young Gods) le saisissant deuxième volume sonore du projet November.

Clément Marchal, cofondateur de la revue, opère un retour pour Obsküre sur le passé et la philosophie faite sienne par Twice : un recueil d'écriture au rythme de parution aléatoire mais constant, mû par un seul désir : partager, sous l'impusion de l'envie.

Obsküre : Quels jeunes gens modernes étiez-vous lorsque vous avez lancé la formule originelle, Twice On Gothic ? En quoi avez-vous changé depuis... et le fanzine aussi bien sûr ?
Clément Marchal : Alors nous étions surtout jeunes et beaux, habillés en noir et en total décalage avec les gens bien sous tous rapports de l'époque (1994). On s'est surtout dit que pour rester svelte toute notre vie, il fallait s'orienter vers les musiques sombres...  Et ça a marché (rire) !
Plus sérieusement l'idée de s'exprimer via un fanzine est arrivée tout logiquement suite à des discussions pendant de longues soirées avec mon comparse de l'époque Valéry Roché, avec qui je partageais ce même amour des musiques sombres et avec qui je faisais déjà de la musique... Tombés tous les deux  dans le bain de la new-wave, du post-punk, du gothic rock, etc., pendant les années 1980, et l'oreille habitée par le son de Joy Division, Cure, Siouxsie, Bauhaus, Sisters Of Mercy, And Also The Trees, The Mission et tant d'autres, nous étions prédestinés à devenir les porte-drapeaux d'un genre qu'il nous semblait important de légitimer. Sans savoir où cela nous mènerait, juste l'envie de laisser des traces écrites et de tendre des perches pour communiquer. Comme beaucoup de fanzines qui existaient à l'époque.
Tout simplement à deux pour parler de musique gothique - Twice On Gothic... Pour finalement ôter le On Gothic au bout du dixième numéro, considérant que le terme était réducteur et galvaudé alors même que nous commencions à écouter d'autres genres musicaux pas forcément en lien avec le goth traditionnel, mais qui nous procuraient le même genre d'émotions, nous fascinant par les accords mineurs de la musique et l'obscurité romantique et positive qui pouvaient s'en dégager. Et cela dure depuis soixante-dix numéros...

Rien n'a changé par rapport à l'esprit de départ, à part l'environnement et une équipe de rédacteurs passionnés qui s'est façonnée avec le temps et qui a donné au fanzine un statut que les lecteurs fidèles lui accordent depuis toujours... C'est ça qui est à la fois impressionnant et palpitant. Le fanzine a bien sûr évolué, en passant d'un document de huit pages photocopiées et tapées à la machine à écrire, à un fanzine soigné de cinquante-six pages en moyenne, imprimé et toujours en noir et blanc.
Ce qui a quand même changé aujourd'hui, c'est le nombre de rédacteurs, réguliers ou ponctuels, apportant chacun leur style et univers.  J'aurai donc une pensée ici pour Christophe Lorentz, Gary, Benoît Marchal, Lapin Noir, Sarg, Pierre Olivelli, et tant d'autres.

Un quart de siècle, ce n'est pas rien. Ca fait quoi d'ailleurs quand on y pense ? Le bilan, c'est quoi ?
À l'échelle d'une vie humaine ce n'est pas rien effectivement, ça fait même réfléchir vraiment, maintenant qu'on y est. Je compare un peu cette aventure à celle de groupes qui enregistrent des disques, qui tournent et qui se rendent compte au bout de dix, vingt, trente, ou quarante ans qu'ils sont encore ensemble, qu'ils ont toujours des choses à dire et à découvrir, et qu'ils prennent encore du plaisir et qu'ils vibrent réellement. Je ne peux dresser un bilan sur un projet qui n'avait pas de perspective à l'origine. La production de tous ces numéros s'est faite naturellement et logiquement. Accompagnée et tenue pas nos lecteurs souvent invisibles et fidèles, parsemés dans toute la France, sensibles à notre présentation et curieux avant tout. Ces vingt-cinq ans ne nous feront pas changer je pense, et restent à mon sens un symbole de qualité et de profondeur humaine au nom de sensations assez indéfinissables qui nous unissent.

Qu'est-ce-qui fait qu'on continue, vingt-cinq ans après ?
On ne continue pas en fait, on a juste décidé de ne pas s'arrêter en si bon chemin... Il y a de la vie derrière tout ça, de la passion, des vibrations et surtout de la cohésion avec tous les intervenants et surtout ces moments inédits que l'on a envie de partager et de coucher sur du papier. Avec toujours en tête l'idée que le monde numérique peut à tout moment s'arrêter ou perdre les pédales... Tant qu'il y a de l'envie, de la rigueur, de l'exigence et qu'on ne se sent pas obligé de faire les choses, alors oui, on atteint le summum de la liberté. C'est cela que je retiens.

De quelle manière le futur immédiat se dessine-t-il ? Chaque numéro est-il vécu comme le dernier potentiellement ou vous projetez-vous paisiblement ?
Le futur n'est jamais réellement anticipé, ou alors à très court terme. L'idée d'être toujours au pied du mur me séduit à chaque fois et apporte son lot d’adrénaline et de bon stress. L'accouchement du dernier numéro en date, le soixante-dixième, en est la preuve même. À trop vouloir prendre du recul, on en oublie l'essentiel et on peut passer à côté de trop de bonnes choses. On peut se dire effectivement que chaque nouveau numéro peut être le dernier. Nous n'avons aucun contrat avec personne, aucune obligation et pourtant notre envie revient à chaque fois et nous anime, et tant qu'il y aura des lecteurs qui se manifesteront et réagiront, il y aura une raison de continuer.

Quelle est l'histoire de la soirée des XXV ans ? Y pensiez-vous concrètement depuis un moment  ou y'a-t-il eu un concours de circonstances expliquant que ça arrive ?
Pour être honnête, je ne m'étais pas préparé à l'idée de fêter les vingt-cinq ans. Nous avions fait les dix ans en 2004 avec un concert de Collection d'Arnell-Andrea. Nous avions réalisé un coffret en métal comprenant l'intégrale des fanzines parus à l'époque et édité un superbe disque vinyle picture-disc pour l'occasion. Et le fanzine a poursuivi sa parution jusqu'en 2014, année des vingt ans que nous avons aussi fêtée, et qui nous a permis de recevoir en concert Soror Dolorsa, The Breath Of Life, Opera Multi Steel et Edeylon à Cognac. Un très, très bon souvenir. Et le fanzine a continué sa parution... On se disait qu'un jour peut-être on fêterait les trente ans, mais les projets trop éloignés, ce n'est pas évident à imaginer et ça fait surtout prendre conscience du temps qui va passer... Donc rien n'était vraiment envisagé. Il a suffit pourtant qu'une précieuse collègue de travail me glisse à l'oreille que ce serait bien de faire quelque chose pour les vingt-cinq ans... C'était en février, j'étais un peu engourdi par le froid hivernal et pas franchement convaincu car cela restait un peu inattendu comme remarque... Je ne m'y étais pas préparé., mais y ai vu comme un signe. Et je remercie cette personne qui a su me motiver, proposer son aide et son soutien et qui a fait que j'ai ressorti quelques notes et idées que j'avais mises au fond d'un tiroir... J'ai alors pensé à un moment fort symboliquement mais dans une version intime, simple et tranquille, pour finalement repenser à ces artistes qui avaient été à l'origine de notre envie d'écrire et qui menaient à leur façon un peu le même genre de combat... J'ai eu un flash en imaginant And Also The Trees en concert aux Abattoirs de Cognac avec qui je suis en relation depuis longtemps. J'étais alors persuadé que si le groupe pouvait venir, alors c'était le signe de l'officialisation de la création de cet événement. Les tractations ont commencé le 3 mars, avec des incertitudes, des moments de doutes - et finalement la réponse donnée par le management d'AATT et de Simon le 26 mars a scellé la date officielle de mise en oeuvre du projet...
Au-delà de la partie musicale, il y aura aussi un gros effort de fait sur la mise en valeur du lieu des Abattoirs de Cognac, qui nous recevra. Des lumières, de la video, l'exposition des couvertures des soixante-dix numéros parus à ce jour, les stands des artistes et un stand spécial de présentation de Twice (tee-shirts, affiches, tote bags, sérigraphie et autres goodies)... et bien-sûr le bar pour la convivialité autour des produits locaux !

Ces groupes qui viendront le soir jouer live pour votre quart de siècle, comment les avez-vous choisis et que représentent-ils pour vous ?
Ici c'est un choix très personnel et qui, je le savais, allait faire plaisir à certains. En contactant ces artistes, je partais d'ailleurs dans l'esprit qu'ils n'auraient pas d'autres possibilités que d'accepter. Pour Collection d'Arnell-Andrea, je les connais très bien pour les avoir invités déjà deux fois à se produire à Cognac et pour les avoir programmés dans quelques autres lieux en France. On les a toujours suivis dans le fanzine avec des interviews, chroniques, dossiers. Ils représentent à mon sens une certaine qualité française en matière de musique romantique, et leur longévité est remarquable.
Pour Antimatter, c'est un autre versant dark, pour lequel nous craquons depuis les débuts du projet de Mick Moss. Beaucoup de numéros lui ont été consacrés et c'est aussi un des artistes préférés de mon frère Benoît, lequel a pris une part très importante dans l'écriture du fanzine et dans la réalisation des dernières couvertures.
Pour And Also The Trees, comme je te le disais précédemment, ils ont bercé toute l'adolescence de certains de nos rédacteurs, un de leurs concerts à Poitiers était déjà chroniqué dans le n°1 de Twice. Grosse symbolique et je ne te le cache pas, une certaine fierté de savoir que le groupe ne fera qu'une seule date cette année 2019 en France, alors même qu'ils sont en train d'enregistrer un nouvel album. Une sacrée exclusivité en cadeau pour les ving-cinq ans de Twice, qui marquera également les quarante ans d'existence du groupe anglais...
Pour conclure... And Also The Trees, Antimatter, Collection d'Arnell-Andrea et Twice : qualité, profondeur, subtilité, passion, esthétisme, et longévité.