Réunion sous forme de split LP de trois activistes des scènes électroniques. La présence d'Osiris des Modules Etranges affirme la nouvelle direction désormais prise par le groupe depuis Aldebaran en 2018.
De son côté, KHɅOMɅИ multiplie les sorties à un rythme frénétique depuis 2012, sans pour autant être signé sur un label. Enfin, Usher San poursuit sa route volontaire et libérée suite à la mise en suspension de Norma Loy et Die Puppe : c'est pour Anthon Shield un retour aux sources, aux envies qui viennent, à l'audace. Le trio s'est réuni pour mettre en place un album concept.
Pas de structure rock dans Tempus fugit, mais une unité de ton à côté de l'ambient et du cinématographique. Une fresque antique, des titres en latin, une référence à l'Ancien Testament, des sonorités de cordes et d'appeaux à oiseaux (« Qvod svmvs hoc eritis ») : on pourrait penser à un pendant pagan au Dionysus de Dead Can Dance. Pourtant on en est loin ! Les parasitages et la noirceur de l'ensemble élaborent un pas de côté agressif, loin des récurrents paysages dans lesquels l'esprit vagabonde. On a là des tableaux systématiquement déchirés, ou éclairés par flashs successifs, plutôt que des ensembles appréhendables d'un bloc. 
Des orchestrations et des samples sont là pour dévier l'auditeur et l'empêcher de rêver en rond. La figure du Snark apparaît, chargée de toutes ses relectures. La diversité des instruments brouille elle aussi les images : ainsi « Ars longa Vita brevis » qui voit se rapprocher les trois artistes, est un passage découpé en direct, alternative cut-up aux travaux de Test Dept et aux voyages sur les ondes radio. Le télescopage des titres instrumentaux (mais pas sans voix) apporte des variations de climats, passant de la sérénité à l'orage, souvent à l'intérieur d'un même titre (« Digitaline »). On a là affaire à ce qu'il est convenu d'appeler une (putain d')"expérience sensorielle". Les effets dans les oreilles sont nombreux, et on se plaît à déceler les raclements, les couches multipliées. Les trois se sont retrouvés dans ce processus de sabotage, dans une création musicale qui rappelle les grandes heures de l'industrielle.
Il y manque toutefois un objet, un dessein, une figure pour entraîner davantage dans ce qui se joue : malgré le vif intérêt sonore, l'auditeur reste spectateur de ce qui a été produit sans savoir encore sur quel pied danser.
