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Livre
14/02/2020

Jean 'Valnoir' Simoulin

Analogue Black Terror - A Visual History Of Black Metal Demotapes Radicalism

Editeur : Nuclear War Now!
Genre : black metal
Sortie : 2019
Posté par : Guillaüme Gibeau

"Beaucoup d'entre eux ont disparu, seuls quelques élus sont devenus des légendes"

L’idée du livre est née lorsqu’un ami de l’auteur exhume de sa cave quelques boîtes à chaussures contenant de vieilles K7 démos. S’en suit une soirée arrosée nimbée de nostalgie. Un an plus tard, sort un ouvrage massif de la taille d’un LP avec une belle couverture toile et du papier de qualité.

Analogue Black Terror est le fruit d’un gros travail de collecte : Valnoir, graphiste de renom que l’on ne présente plus (NSK, Paradise Lost, Ulver…), épaulé dans sa quête par de nombreux collectionneurs, a amassé pas moins de sept-cents visuels de K7 démos pour n’en sélectionner que les quatre-cent-cinquante plus représentatifs à son goût.
Comme l’indique le sous-titre, A Visual History Of Black Metal Demotapes Radicalism, le livre se concentre sur le black metal des années 1980 et 1990, de la naissance d’un genre à son apogée, même si certains groupes y sont plus ou moins affiliés comme Maldoror (très inspirés par Christs Nails), Puissance...

Sur le fond, après trois courts textes (un de l’éditeur, un de l’auteur et un d’un historien de l’Art) resituant le contexte, on entre dans le vif du sujet : pas de distraction. Le contenu est servi par une mise en page sobre et fluide, agrémentée par les collages de SAD (Cantius Bestiae…)  qui réhaussent le tout et permettent de se concentrer sur l’essentiel : la demo tape et son visuel bricolé à la main en cut and past (pré PAO) par les groupes eux-mêmes puis diffusés par leurs propres soins au travers du tape trading.

Ce ne sont pas moins de trois cents groupes pour plus de quatre-cent-cinquante démos classées par ordre chronologique par année et regroupés par affinité / animosité, avec juste une légende avec un nom de groupe, un titre, une année, pour des visuels en noir & blanc à l’instar de la majorité des pochettes photocopiées de l’époque (sauf de rares exceptions comme Godkiller ; mais bon, c’était un groupe monégasque) et à la fin, des index pour retrouver les groupes cités.

À la lecture de ce livre, on se retrouve littéralement happé trente ans en arrière. Grosse bouffée de nostalgie. Le black metal était alors un genre en construction, souterrain, sulfureux, dangereux et sans concession, où la sincérité des protagonistes prévalait sur la qualité de la musique. Peu de Grands avaient encore sorti leur album. Seuls quelques initiés hurlaient leur dégoût du monde moderne, le rejet des religions par une attitude radicale et une expression musicale jusque-là inédite.
Une époque baignée de mystère où les seules informations qui filtraient sur ces groupes et ce style étaient de rares interviews dans des fanzines, des flyers et celles contenues dans la pochette de K7 démos, parfois originales, souvent copiées et recopiées moult fois. L’obtention de ces précieuses K7 était l’histoire d’une quête propre à chacun, et écouter un groupe se méritait. L’écoute elle-même s’accordant souvent avec des décors majestueux comme autour d’un feu dans les ruines d’un château avec un énorme radio cassette à piles. On prenait le temps de décortiquer la couverture, les titres, les visuels, parfois les paroles mais aussi les listes de remerciements ou au contraire les Hate lists car le BM allait de pair avec des guerres intestines. C’était un genre qui s’écoutait mais surtout se vivait, surtout pour les jeunes adolescents que nous étions à l’époque. Et c’est cette histoire que nous conte, en filigrane, Analogue Black Terror.

Bien sûr, on pourra toujours reprocher le manque de tel ou tel groupe par ex : Hellhammer, Master’s Hammer; pour la France : Asmorod, Arkham, Celestia, La Horde Impériale, la scène du Sud (Stregoica, Maleficum Orgia, Ancestral Goetia)… La liste est longue car le livre ne fait que deux-cent-soixante pages ! Donc oui, un choix subjectif a été fait, ce choix reflète la vision d’un jeune Parisien découvrant le BM au milieu des 90’s – et il est parfaitement assumé par l’auteur qui a sélectionné en fonction de son affect, de son passé, des groupes qu’il considère comme majeurs, représentatifs ou marquants, ce qui a le mérite d’être honnête.
Et franchement, on ne retrouve que du bon tout au long de ces pages avec la présence des pierres angulaires du mouvement et une part belle à la scène française. Cela donne lieu à la redécouverte de pépites oubliées et quelques découvertes avec des documents rares comme le live Blood Worship de Samaël en France (1992) ou l’Advanced Tapes de Burzum...
Bref : Analogue Black Terror - A Visual History of Black Metal Demotapes Radicalism s'avère un très bel objet, à posséder et qui donne une furieuse envie d’aller refaire un tour dans le grenier.