Un nouvel album des New Yorkais répond à une attente. Le duo Sean et Liz fête cette année ses vingt ans d'existence. Lorsqu'ils ont publié leur première trace discographique en 2006, l'EP Vigils (une autoproduction), les musiques sombres synthétiques étaient en mutation. Ladytron, Cell Division, Miss Kittin, Vive La Fête œuvraient alors dans des registres plus en prise avec le rock. On ne parlait pas encore de minimal synth, ou alors entre initiés et on se refilait ce nom étrange, Xeno & Oaklander.
Les années passent, Sean lance Martial Canterel, là encore un projet élégant et racé. Le son de Xeno & Oaklander fait partie alors d'une vague montante pour une sorte de rétro-futurisme : comment sonnerait la new wave ou plutôt la coldwave si on basculait 1980 en 2020 ? La particularité du chant parfois en français ancre un peu plus le projet dans ce drôle de paradoxe temporel.
Voici donc un septième long format, attendu comme maître-étalon : que va proposer le duo cette année ? La magie des premières fois n'y est plus, alors il faut sans cesse se dépasser, évoluer sans se renier, tous les deux ou trois ans.
Il ne faut plus guetter des compositions fragiles, comme l'étaient par exemple "The Shot, the Fall" ou encore "Desert Rose" : cette année, l'orchestration est vraiment plus abondante, emplissant les oreilles d'une foule de détails, au premier plan desquels les structures rythmiques. "Lost & There" est presque trop plein, alternant les deux voix, posant une mélodie glacée en partie brouillée par un traitement qu'on qualifiera de dream-pop et un cadre batterie – sons de claviers – très riche et quasiment impossible à suivre sur les premières écoutes tant ça fuse de partout.
À l'identique, "Mercury Mind" sous son apparence facile le temps des couplets (alternance de deux notes, succédée de temps en temps par une troisième) bénéficie d'une orchestration dense, modulée, toute en montée. Le refrain se met en orbite avec la délicatesse de la voix parée de la générosité de nombreuses pistes. Sean vient également sur le final, alors que les rythmiques sortent leur grand jeu. Assurément un manifeste qui clame la force du duo. Presque comme une excuse, on a alors droit à une lente descente pour sortir du morceau.
Finalement, "Magic of the Manifold" a un petit air de Ladytron dans son orientation rock synthétique, sauf que le break au milieu perturbe tout et fait basculer la composition dans un délire prog-synth intéressant, avant que le duo ne retombe sur ses pattes, pour un tube wave comme on en entendait sur des cassettes pourries copiées de l'autre côté du mur de Berlin. Un peu kitsch sur les bords...
"Vermillion" avec encore des paroles en français (comme sur "The unknown Side") à peine discernables, est remarquable : la frappe est dure, sèche, les pseudos guitares scintillent, les voix flottent et se répondent. Du Elli et Jacno survitaminés. J'adore.
"The unknown Side", justement, a cet aspect stupéfiant de malice : c'est entre des années soixante-dix cinématographiques, avec une batterie plus rock, et un résultat d'une évidence mélancolique. C'est vraiment bien trouvé. C'est à la fois intellectuel et sensuel.
Je retrouve aussi un soupçon de Lush dans l'orientation pop shoegaze sur quelques mesures de "Strange Fellows", notamment par cette manière de chanter en allongeant les syllabes. Effectivement, le disque est varié, pour qui prendra le temps de bien l'écouter, dessinant de multiples portraits au fil des huit titres.
La plaisir pris à composer des tubes "faciles" est encore évident : ainsi le titre éponyme "Via Negativa (in the Doorway Light)" multiplie la scansion de son refrain dans un déchainement sympathique. Les autres titres sont par comparaison plus en retrait, tissant des mélodies acides, travaillées, faites de superpositions, de sons à débusquer. Un disque pour les connaisseurs, une sorte de revanche contre ceux qui pensent que Xeno & Oaklander ont tout dit et sonnent toujours pareil... Oui, mais non.